Anomalies et infirmités chez le pigeon
L’espèce pigeon est une espèce très malléable (comme les espèces porc, chien, chat) où apparaissent souvent des caractères physiques ou physiologiques curieux, anormaux. Si un caractère est incompatible avec la vie (par ex. par manque d’un viscère interne ou d’une malformation empêchant le maintien de la vie), on dit que c’est un caractère léthal.
Comment ces caractères, léthaux ou non, apparaissent-ils? Il peut s’agir de la réapparition d’un caractère héréditaire (récessif) porté par mâle et femelle d’un couple. Chacun sait que le pigeon voyageur moderne a été façonné peu à peu par croisement de plusieurs races de pigeons (appelées de nos jours « fantaisie ») parmi lesquels on avait sélectionné des sujets doués sur le plan orientation. Parmi ces races, nommons le camus (bec très court), le cravaté français, le culbutant, le boulant, le carrier (persan ou irlandais: énormes morilles et tours des yeux – longues pattes). Ces races mélées (l’une ou l’autre selon la région) au biset. Toutes ces races (hormis le camus) existent toujours comme races d’agrément. Elles étaient, au début du 19e siècle, quand on commença à façonner le pigeon voyageur actuel, déjà bien fixées dans leurs caractéristiques, plumage compris. Ainsi le camus était un pigeon à poitrine et dos blancs avec dessus d’ailes noirs ou roux. On voit encore des pigeons avec de tels plumages de nos jours.
Parmi les caractères considérés comme anormaux, mais en fait récessifs (à la lumière de ce qui vient d’être exposé ci-dessus), il y a la cravate formée de plumes de couverture implantées « à l’envers » sur le devant du jabot. Il y a aussi la coquille au-dessus de la tête, plus rare. Il y a toujours des lignées avec de très grosses morilles (type carrier). En fait ces anomalies, qui n’en sont guère, n’handicapent en rien le pigeon. Un des meilleurs pigeons que j’ai eus de ma vie était un petit cravaté, qui fit florès jusqu’à 600 km et fut un remarquable reproducteur. Et puis, il y a aussi ce qu’on appelle la « mutation ». Il s’agit d’un accident pendant la formation de l’embryon et son évolution, dans l’oeuf. Nous éliminerons de cette étude, les causes microbiennes, toxiques, carentielles (manque d’un élément essentiel dans le jaune ou le blanc de l’oeuf ou la coquille), thermiques (température insuffisante ou excessive pendant l’incubation -déshydratation de l’oeuf). Il peut y avoir une foule d’anomalies entraînant une infirmité incompatible avec la vie normale: j’ai vu des pigeonneaux nés avec une seule aile, une seule patte, avec un bec très court, sans plumes, avec un seul oeil etc. etc. Voilà des caractères léthaux.
D’autres caractères sont de moindre importance: doigts soudés, doigts supplémentaires, plumes soudées (rémiges) plumes supplémentaires (onze -douze rémiges), plumes frisées.
J’ai connu un pigeon bleu à l’oeil rouge, barres noires sur une moitié longitudinale du corps, bleu à oeil blanc, barres rouges sur l’autre moitié. Par ailleurs parfaitement normal, y compris au voyage. Certaines de ces anomalies, cultivées (on accouple ensemble des pigeons présentant un même caractère qu’on veut fixer), sont à l’origine de races bien fixées: cravatés, huppés, frisés de Hongrie, boulants ( le jabot se remplit d’air, démesurément), bec crochu (Bagadais de Nuremberg), plumes aux pattes (Lahore -papilloté de Bohème) etc. etc. Comment ces anomalies se produisent-elles? C’est très complexe parce que ça peut être dû à des causes extérieures (en particulier toxiques), aux conditions de l’incubation elle-même, à un accident génétique strict (mutation).
On a remarqué dans les locaux d’élevage proches de sources de gaz délétères (vapeurs d’essence – de benzine – gaz de fumier -fumées de fioul etc, etc.) une plus grande proportion de jeunes oiseaux anormaux. Cela va d’ailleurs avec une fécondité des oeufs diminuée (oeufs « clairs » nombreux). Cela rejoint mes opinions, maintes fois exprimées, sur l’aération nécessaire des colombiers, du coryza, des microbes intervenant dans ce coryza, dont on sait qu’ils gagnent facilement l’aire génitale (staphylocoques, colibacilles, mycoplasmes). Cela provient de l’aptitude plus ou moins grande de certaines cellules du tout jeune embryon (quelques jours tout au plus) à fixer le toxique donc à en souffrir et à moins bien se développer. Ainsi cite-t’on les membres atrophiés, l’atrophie du cerveau où des yeux.
L’alimentation peut être aussi la cause profonde de malformations fréquentes. Ainsi le manque de manganèse dans l’alimentation provoque après 2 mois, une chute verticale du taux d’éclosion et l’apparition de « pattes de travers » par luxation du tendon d’Achille. Par la suite l’apport d’un supplément de manganèse au pigeonneau infirme ne permettra pas de guérir la malformation. Seule une alimentation rééquilibrée permettra.ensuite la ponte d’oeufs non carencés et de pigeonneaux normaux.
Des essais faits sur des oeufs de poule mis à couver en position verticale ont montré de nombreux cas de volume très augmenté de la tête. Le vernissage partiel de la coquille produit de nombreuses anomalies chez les nouveaux-nés. Donc veiller à la propreté de la coquille.
Les mutations relèvent de processus beaucoup plus complexe. On sait que chaque cellule du corps contient un noyau contenant lui-même le « bagage héréditaire » de l’individu, bagage héréditaire constitué de chromosomes, en nombre fixe et double (par paire) porteurs des « gènes de l’hérédité).
Chez le pigeon il y a 80 chromosomes, donc 40 paires. Pour se multiplier (croissance de l’embryon) chaque chromosome se coupe en 2, reproduisant exactement la même cellule avec les mêmes chromosomes. Mais il arrive des ratés et si la section chromosomique ne se fait pas exactement, certains chromosomes et les caractères qu’ils portent peuvent donc être différents de celui de la cellule dont ils sont issus. Cet accident, c’est la mutation. Si elle intervient au moment où les cellules se modifient (en cellules osseuses, en cellules dermiques, cellules nerveuses etc.) on aura le plus souvent un monstre ou au moins un anormal non viable, porteur d’un caractère « léthal ». Ainsi cerveau anormal, rein restant embryonnaire, coeur double etc. Si elle intervient plus tard, ou sur un tissu non vital, on aura doigts soudés, cravate, huppe (plumes retroussées) queue de paon, plumes doubles etc.
Bref, ce que tout le monde a déjà vu.
Voilà esquissé ce problème complexe, qui chez l’homme, constitue actuellement l’immense champ de recherches sur les « maladies génétiques » (myopathie – microviscidose – hémophilie etc. etc.)
Doct. Vét. J.P. Stosskopf.
Notice:
Quand on compare les pigeons de ces deux illustrations avec le pigeon voyageur actuel, on est surpris par son évolution. Celle-ci fut non seulement importante, mais en fait aussi très rapide. Un siècle sépare la photo des 4 pigeons voyageurs anversois (photo 2) avec le pigeon voyageur moderne. L’autre illustration montre quelques races de pigeons, vivant au siècle précédent et qui ont contribué à façonner notre pigeon.
(Illustrations « Het Groot Postduivenboek » V/D Hoek, Van Grembergen, Hermans).
[ Source: Article édité par Dr. J.P. Stosskopf – Revue PIGEON RIT ]
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Le pigeon dans son passé – Les races Belges de base. (3)