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17 septembre 2020 Par admin

Consanguinité ou Croisements ? Pigeon voyageur

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Ne vous est-il jamais arrivé, en feuilletant d’anciennes revues, de tomber sur certaines variétés de pigeons assez bizarres? Vous vous étonnez de leurs formes; ce sont-là cependant les origines irréfutables de la race actuelle du pigeon voyageur. Ils ne ressemblent ni de près ni de loin à nos voiliers modernes et la grande leçon qui se dégage de ceci, c’est la ténacité de ces premiers colombiculteurs, qui ont réussi, grâce à leurs croisements raisonnés, à unifier judicieusement ces variétés. Celles-ci, très imparfaites encore, constituent à vrai dire la base de notre race belge (1). Signe évident du progrès, s’il en est, et leçon sévère pour ceux qui prétendent que la race des pigeons ne peut plus être perfectionnée.
D’ailleurs nous sommes loin de la perfection car quiconque a vu un peu partout des pigeons de grands ou de petits amateurs, sera d’accord pour admettre qu’il y a parfois une différence du jour à la nuit. Voyez, à Bruxelles, lors des triages selon le « standard » l’on n’attribua jamais, beaucoup s’en fallut, le maximum de points aux sujets classés premiers, signe manifeste que l’on n’a pas encore réalisé le type parfait auquel on aspire.
Tout amateur tâchera donc de progresser.
Comment? Par la reproduction! Et nous voilà arrivés à l’objet de notre causerie. Nous n’allons pas raconter des sottises, tel Gigot, qui croyait avoir le monopole de l’art de la colombiculture et pensait pouvoir se retrancher derrière les théories irréfutables de Mendel (théories déduites d’expériences faites sur les plantes!).
Vraiment, à certains moments on finirait par croire que nos pigeons ne volent qu’avec leurs yeux…
Il parcourt de ses idées les hautes sphères de la science, mais oublie malheureusement ce qu’il y a de principal: la richesse du sang, l’organisme du pigeon voyageur avec un tempérament qui doit révéler une volonté farouche et tenace. D’ailleurs, à quoi bon posséder des types extraordinaires, d’exposition, si ceux-ci ne possèdent pas à fond cette volonté irrésistible de vaincre? Assurément leur seul titre d’honneur est d’être de beaux rentiers qui mangent des graines, et après cela, fini! Tout aussi absurde est la dénégation que Gigot fait de la culture par compensation, celle qui corrige un léger défaut par une qualité complémentaire. D’ailleurs, nous nous trouvons devant le fait suivant: si la compensation en fait d’élevage est impossible, tout progrès l’est aussi, or sans compensation nous aurions toujours à nos colombiers les races bizarres des bisets fuyards, du culbutant anglais etc. La méthode de compensation est donc la voie du progrès, éliminer progressivement les défauts en les compensant par les qualités complémentaires.
Il est tout naturel que nous devrons tâcher de progresser à tous points de vue, vigueur du sang, respiration, tempérament, muscles, résistance, santé et plumage. Mais ici attention: comment doit-on compenser pour arriver à des bons résultats?
Non pas en unissant des sujets aux caractères pas trop opposés, mais bien en joignant des sujets qui se ressemblent autant que possible.
Ici est la clef de la réussite lors des croisements.
Tâcher d’approcher autant que possible le type rêvé.
Une nécessité, pour le moins élémentaire, est que chaque amateur connaisse les qualités et les défauts de sa race, tant au point de vue du mordant de ses sujets (ce que l’on apprend lors des concours) qu’au point de vue de la conformation physique (et ici l’examen de nos pigeons dans l’obscurité nous sera très utile).
Heureux les amateurs qui trouvent dans leur propre colombier le matériel nécessaire pour améliorer leur race. Malheureusement la plupart doit chercher chez autrui de quoi réparer les défauts. Combien de colombiers ne se sont pas perdus parce que l’amateur croyait pouvoir se passer de l’aide des autres ? Je connais plusieurs amateurs, jadis champions, qui tombèrent dans l’oubli pour ce motif.
« Ouvrir l’oeil » doit être la devise de tout colombophile soucieux de l’avenir de son colombier, et s’y prendre à temps dès que les produits ne valent plus les ancêtres: diminution de la carrure, parfois aussi développement désordonné de cette carrure allant des yeux, et ici le grand danger est souvent l’assombrissement des couleurs des yeux !
Malheur aux amateurs dont les produits gagnent des yeux trop sombres, c’est un indice certain de dégénération, d’une anémie du sang, que l’on remarque tant aux colombiers où l’on pratique depuis de longues années la consanguinité.
L’oeil doit rejeter un éclat clair et métallique, l’oeil d’un bon pigeon doit défier l’amateur, il trahit la vigueur du sang, l’endurance et une volonté de fer. Attention donc à cet assombrissement incolore des yeux de nos pigeons.
Je ne vais pas prétendre que l’on n’obtient pas de beaux résultats avec la consanguinité. Ce serait une folie ! Mais qu’on ne me vienne pas dire que l’on pratique la consanguinité quand on a dans sa race quatre ou cinq souches différentes. D’ailleurs les accouplements de père et fille, frère et soeur, sont absolument à déconseiller, car elles mènent à la ruine.
De plus, chaque amateur ne peut pratiquer la consanguinité au colombier, car la sélection est trop sévère.
L’on doit élever beaucoup, mais en tuer presque autant si l’on ne veut pas dégringoler la pente en peu d’années.
J’ose même prétendre que 80 % des sujets supérieurs proviennent de croisements (2). D’ailleurs tout le progrès de notre race colombine n’a-t-il pas pour base les croisements, destinés, eux aussi, à compenser les défauts, ou à régénérer le mordant ?
Qu’on n’aille pas compenser de façon déraisonnée.
Par exemple on n’obtiendrait pas le résultat escompté en accouplant un grand costaud avec un petit sujet, croyant ainsi obtenir des types moyens. Non, la réussite sera d’autant plus certaine que les types accouplés seront moins différents.
Un amateur doit exercer sa patience, et ne pas vouloir le tout en une fois. Il faut améliorer progressivement. On dit parfois qu’un accouplement n’a pas « pris », eh bien, le motif en est souvent très simple: les types différaient de trop.

Noël De Scheemaecker


Notice:
1. En 1930 déjà, le pigeon de sport belge était connu de par le monde. Dans le présent article, publié en janvier 1933, Noël De Scheemaecker fait l’éloge des champions colombophiles qui ont su modeler le type de notre pigeon grâce à des croisements judicieux. De nos jours, les Belges vendeurs de pigeons profitent toujours du travail exemplaire des champions de jadis. Dommage qu’ils ont souvent pour seul but de récolter le plus d’argent possible.
2. Il est normal que Noël De Scheemaecker a corrigé son opinion concernant la manière dont il avait commenté un nombre de sujets au début de sa carrière. Pour les croisements il n’a pu que confirmer à la fin des années ’90 ce qu’il avait écrit septante ans plus tôt. Noël De Scheemaecker a proposé alors à Patrick Philippens de lui donner un aperçu de ce que lui avaient révélé les as-pigeons et les vainqueurs nationaux qu’il avait pu voir. A l’unique exception d’un sujet issu d’un lointain élevage en consanguinité, Patrick n’a pu répertorier que des pigeons croisés.


[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ] 

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