Etude sur le taux de perte au cours des entrainements – pigeons voyageurs
Tout colombophile, habitant dans les régions françaises où le faucon pèlerin est présent tout au long de l’année, connaît des entraînements catastrophiques. Des pigeons, lâchés d’une distance proche du colombier (distances inférieures à 70 km), mettent plusieurs heures à plusieurs jours à rentrer, les rentrées se faisant les unes après les autres, et de manière quasi obligatoire, au moins 1 ou 2 pigeons manquent à l’appel, parfois beaucoup plus, ou rentrent profondément mutilés. Le colombophile qui aura pris soin de choisir un jour ensoleillé, sans vent et en absence de grosse chaleur connaîtra pourtant les mêmes déboires. De même, 2 lâchers réalisés le même jour peuvent connaître des destins bien différents: un groupe de pigeons rentrera sans problème, à une vitesse normale (i.e. supérieure ou égale à 1000 m/min), l’autre connaissant un vol plus funeste. Il n’y a guère de doute à avoir, la cause de ces mauvaises rentrées est à imputer à une attaque de faucon pèlerin. Il suffit de voir le stress provoqué par une attaque de ce rapace autour du colombier lors d’une volée quotidienne pour se persuader qu’une telle attaque se produisant au cours d’un vol de retour au colombier entraîne une désorientation majeure des pigeons. En cas d’attaque la volée est éclatée, de nombreux pigeons se précipitent vers le sol, à la recherche d’un abri et n’hésitent pas à rentrer dans les habitations pour fuir ce vorace prédateur. Dès qu’ils ont trouvé un abri, ils peuvent y rester plusieurs heures sans bouger, prostrés et visiblement très stressés. Afin de limiter les pertes au cours des entraînements, nous avons essayé de déterminer quels pourraient être les facteurs qui influent sur le comportement des prédateurs. Notre étude a été réalisée sur 3 ans et comprend 33 entraînements.
A. Méthodes
Le colombier est situé dans les contreforts de la Chartreuse, à une altitude de 500 mètres et entourés de sommets compris entre 800 et 1200 m. Les entraînements sont réalisés entre 6 et 70 km sur une ligne Ouest Sud-Ouest (direction moyenne Valence-Drome). La quasi-totalité des lâchers ont été réalisés par beau temps, le soleil étant toujours visible et en absence de pluie. Le vent est soit nul, soit modéré. Les lâchers ont été réalisés au mois de mars, avril, juillet et août. Les mois de mai et de juin sont très peu représentés car à cette époque les entraînements sont terminés et remplacés par les concours. Il est donc difficile d’extrapoler à ces 2 mois les résultats obtenus, car le comportement des rapaces est alors différent, ces 2 mois correspondant à l’époque de reproduction. Une étude complémentaire sur ces 2 mois serait nécessaire pour conclure. Deux facteurs ont été étudiés : – Nombre de pigeons lâchés (entre 3 et 37 pigeons) – Heure où le lâcher a été réalisé. Les heures sont données en heure officielle. Cela signifie qu’aucune correction n’a été apportée quant à l’heure d’hiver / été.
Un vol de pigeons est déclaré non attaqué lorsque l’ensemble des pigeons rentrent en un seul groupe. L’absence d’un pigeon n’est pas considérée comme une preuve d’attaque et l’entraînement est classé comme « non attaqué ». Les attaques sont facilement repérables, les rentrées s’échelonnant sur toute la journée, voir jusqu’au lendemain.
B. Etude sur la taille du vol de pigeons
Une des idées simples qui vient à l’esprit est de penser que plus le groupe de pigeons est important et plus il sera repéré de loin par le rapace et donc plus souvent il sera attaqué. Sur les 33 lâchers réalisés, 10 avaient une taille inférieure à 5 pigeons, 6 avaient une taille comprise entre 6 et 10, 9 une taille comprise entre 11 et 15, 5 une taille comprise entre 16 et 20 et 3 une taille supérieure à 21 pigeons. Les résultats sont synthétisés dans le graphe suivant: La figure 1 montre clairement que la taille de l’effectif n’est pas en jeu dans l’attaque par le faucon pèlerin. Ce résultat est surprenant si on considère qu’un effectif important est plus facilement repérable par l’oiseau de proie. Deux raisons peuvent expliquer ce résultat :
• Les proies naturelles ne se déplacent généralement pas en bande et vu le taux de succès de ses attaques, il ne laisse passer aucune occasion qui se présente à lui.
• Le taux de succès diminue lorsque le vol de pigeon est important, lié au temps perdu dans le choix de la proie. Ce mode de protection est bien connu et explique en grande partie le grégarisme des espèces gibiers. Cette diminution du taux de succès ferait hésiter le rapace et diminuerait de manière relative la prédation sur les gros effectifs, bien que ceux-ci aient été mieux repérés.
En conclusion, ce n’est donc pas la peine de fractionner ses entraînements sur plusieurs jours pour éviter les rapaces. Par contre il serait intéressant de connaître la probabilité d’attaque de pigeons relâchés successivement par petit groupe le même jour afin de savoir si on peut protéger les meilleurs éléments en les relâchant les derniers.
C. Etude sur l’heure du lâcher
Lorsque l’on s’intéresse à l’heure à laquelle les pigeons sont lâchés, il apparaît nettement sur la figure 2 que la prédation n’est pas la même tout au long de la journée. Les lâchers expérimentaux ont été réalisés entre 7h00 du matin et 12h30.
L’explication est peut-être tout simplement à chercher dans les moeurs du rapace qui cherche sa pitance dès le soleil levé; une fois son repas pris, son agressivité baisse et les pigeons rentrent mieux. De nombreux colombophiles aiment lâcher leurs pigeons très tôt le matin car les pigeons volent mieux de bonne heure, surtout l’été où les températures peuvent être caniculaires vers le zénith. Au vu de ces résultats, il apparaît que la décision de l’heure du lâcher doit aussi prendre en compte le risque rapace, qui peut être bien plus délétère que le risque chaleur. En région infestée de ces fléaux, il peut être préférable de lâcher plus tard, vers midi, surtout pour les concours de vitesse et de petit demi-fond. Pour les concours de grand demi-fond ou de fond, le risque rapace est peut-être inférieur au risque de coup de chaleur que l’animal peut subir en commençant son vol au milieu de la journée.
D. Conclusion
Il est important de garder à l’esprit que les faucons pèlerins ne sont pas des « coucous suisses »! II n’est pas exceptionnel d’en voir chasser au milieu de la
journée. De plus, d’autres paramètres rentrent en jeu comme la météo des jours précédant le lâcher. Le premier jour de soleil après une période de plusieurs jours de pluie est particulièrement dangereux pour les pigeons, les rapaces étant généralement affamés et donc très agressifs tout au long de la journée.
La décision de l’heure du lâcher est donc un compromis entre les différents risques qui contrarient le retour de nos pigeons, et cette décision devrait être prise au cas par cas en tenant compte de la météo et du risque rapace dans les régions concernées.
[ Source: Article édité par Dr. Christophe Arnoult – chargé de recherche au CNRS – Revue PIGEON RIT ]
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Rapaces et Colombophilie – pigeon voyageur
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