De l’oeuf au pigeonneau (2) – pigeon voyageur
La couvaison.
Dès que les deux oeufs sont dans le nid, la couvaison (ou l’incubation) peut commencer. Pour cela le pigeon appuie la poitrine contre les oeufs, de sorte que la chaleur du corps est transmise aux oeufs. La femelle exécute la plus grande partie du travail.
Parfois certains couples font exception à la règle et impatients commencent à couver après la ponte du premier oeuf. Dans ce cas pour éviter une éclosion décalée il est conseillé de mettre le premier oeuf en sécurité quelque part et de le remplacer par un oeuf postiche. En hiver, il existe une raison supplémentaire pour effectuer ce petit travail: la peur du gel.
D’après moi, dans la plupart des cas, il n’y a pas réellement couvage du premier oeuf mais simplement apparence de couvaison: les parents ne sont pas accroupis mais se trouvent simplement au-dessus des oeufs. En ce qui concerne le danger pour le gel des oeufs, j’ose prétendre qu’il est inexistant même en plein hiver. J’en ai fait personnellement l’expérience en février 1956, un mois pendant lequel tous les records de froidure ont été battus: en moins de quarante-huit heures le thermomètre chuta de +8° à + 10°C jusque -10 à -15°C.
Mes reproducteurs (dans un pigeonnier non chauffé) furent accouplés quelques jours avant la chute de température. Persuadé que cette vague de froid était passagère, je laissais donc les choses évoluer. Et malgré tout la ponte se déroula normalement, peut-être à un rythme un peu plus lent. Vu les circonstances atmosphériques sibériennes, je mis prudemment le premier oeuf à l’abri du gel, pour tous les couples sauf pour un auquel je n’accordais pas une aussi grande importance.
Le résultat de cette expérience fut que tout se déroula normalement aussi pour les oeufs de ce dernier couple. L’éclosion et la croissance des jeunes furent tout à fait normales; l’apparente couvaison avait eu un effet de protection contre le gel.
Lors de l’accouplement d’un mâle et d’une femelle un processus complexe se produit et des hormones jouent un rôle très important. Une hormone, la prolactine, a un rôle primordial: elle est secrétée par le lobe antérieur de l’hypophyse (glande située à la base du cerveau) et induit le comportement de couvaison et cela jusqu’au moment de l’éclosion et de la fin de l’élevage.
Il arrive parfois que l’un ou les deux parents abandonnent le nid après quelques jours de couvaison et cherchent à refaire un nouveau nid (ceci peut parfois se produire lorsque seulement un oeuf a été pondu et que l’amateur a négligé de placer un oeuf supplémentaire en craie). Cela peut être aussi le fait d’une irrégularité dans la succession des processus de ponte et de couvaison. Il ne faut pas oublier que si ces processus sont régis de manière interne, ils subissent également l’influence de conditions extérieures. Ainsi par exemple, l’horloge interne d’un mâle peut être dérangée par les allées et venues d’une femelle célibataire aguichante et cherchant à s’accoupler. Il peut également y avoir pour un couple couvant d’autres causes comme le dérangement fréquent par l’amateur ou par des parasites suceurs de sang, etc…
Température et durée de la couvaison.
L’homme a au cours des siècles a essayé de remplacer le couvage naturel par l’incubation artificielle. Les premiers essais ont été réalisés pour le poulet. Grâce à l’évolution des connaissances de l’influence de certains facteurs d’une part et de la technologie d’autre part, l’homme a conçu et construit des incubatrices ayant permis l’élevage industriel du poulet tel que nous le connaissons. Les recherches menées dans mon laboratoire nécessitaient durant presque toute l’année des oeufs de pigeons incubés ou des pigeonneaux fraîchement éclos. De là la nécessité d’incuber artificiellement les oeufs des pigeons. Lorsque nous avons débuté les premiers essais, les données biologiques concernant la couvaison du pigeon n’avaient pratiquement pas encore été publiées. Nous nous sommes donc inspirés pour nos premier essais des données disponible! chez le poulet.
Les petites incubatrices pour poulets du commerce d’une capacité d’une trentaine d’oeufs étaient parfaitement indiquées pour nos essais.
Il est important que le thermostat de la couveuse soit précis car les températures maximales et minimales autorisées sont fort proches. Pour le poulet, la marge des températures varient de 37,8°C jusque 40,6°C avec une température optimale de 39,5°C. Pour des temps prolongés d’exposition à des températures supérieures ou inférieures au maximum ou au minimum, les embryons meurent. Par contre des écarts de température brefs et courts et assez fréquents donnent des poulets malformés. Les oeufs incubés peuvent cependant résister à un refroidissement limité et dans ce cas le développement de l’embryon sera retardé: ainsi la durée d’incubation des oeufs de poule varie entre 19 et 24 jours pour une température d’incubatrice variant entre 39,7°C et 36°C. Les professeurs Lahaye et Cordiez indiquèrent à l’époque (1952) 40° à 40,5°C comme température d’incubation pour le pigeon; cela est faux car ces températures sont trop proches de la température létale. Nous avons au contraître montré que la température d’incubation optimale pour le pigeon était identique à celle du poulet, c’est-à-dire 39,5°C. C’est donc à cette température que nous avons incubé plusieurs centaines d’oeufs de pigeons. J’ai toutefois l’impression que les oeufs de pigeons sont plus délicats que les oeufs de poule et supportent moins bien l’incubation artificielle.
Lorsqu’ils sont mis en couveuse après avoir été couvés, ne fût-ce que trois jours, il y a pratiquement 100 % d’éclosion, par contre mis directement en couveuse, il y a 10 à 20 % d’échecs.
Comme je l’ai déjà dit précédemment, pour le poulet, plus la température d’incubation est basse, plus la durée d’incubation est longue. Chez le pigeon, nous avions observé la même constatation: une diminution de la température d’incubation d’un degré prolongea d’une paire de jours la durée d’incubation. C’est pourquoi, en hiver, la durée d’incubation est généralement plus longue qu’en été; généralement 18 jours en hiver et 17 jours en été. J’ai dit exprès « généralement ». En effet, j’ai eu deux couples dont la durée d’incubation était presque • toujours de 16 jours et demi (comptés naturellement à partir de la ponte du deuxième oeuf).
Ce fut même le cas pendant le mois de février très froid de 1956 dont j’ai déjà parlé. Ils étaient si appliqués pendant la couvaison que les oeufs ne restèrent jamais découverts: lors de la relève le partenaire attendait déjà près du nid, cela était agréable à voir! Je dois encore ajouter quelques mots à propos de la ponte de trois oeufs. Au cours des ans, j’ai connu deux cas pour lesquels aucun doute n’était possible quant à l’origine des oeufs (puisque les couples de pigeons se trouvaient à part).
Le premier cas fut pour moi la possibilité de faire une expérience intéressante. Convaincu que les pigeons étaient capables de s’occuper de trois oeufs je laissai les choses évoluer.
Lorsque le 17ème jour de couvaison fut passé je devins méfiant. Le 18ème jour je pris les trois oeufs et les passai à deux autres couples en fin de couvaison. Finalement, un jeune naquit après 21 jours de couvaison et les deux autres après 23 jours. Les trois jeunes se développèrent normalement. Apparemment, ils n’avaient pas subi de dommages car les résultats des concours (jusqu’Angoulême compris) furent plus que satisfaisants. Il est clair que les pigeons ne sont pas « faits » pour mener à bien une couvée de 3 oeufs. La nature n’a prévu que deux oeufs.
Echange d’oeufs.
Quand un amateur colombophile a l’intention de se procurer des oeufs chez un autre amateur, il doit prendre les mesures nécessaires pour que les femelles soient synchronisées. C’est-à-dire qu’elles pondent en même temps dans les deux pigeonniers. Quand les oeufs de remplacement ont déjà été couvés, il est possible qu’il n’y ait pas concordance parfaite dans les temps de couvaison. Que faire alors?
Il ne peut guère y avoir plus d’un ou deux jours de différence en plus ou en moins. Si les oeufs d’adoption ont été couvés moins longtemps, nos pigeons devront surcouver. Nous pouvons compter facilement sur quelques jours supplémentaires; certains couples tiennent le nid plus longtemps mais cela donne parfois lieu à des problèmes pour la formation de « pape » de sorte que les jeunes reçoivent trop vite des graines et leur croissance en est perturbée. Eventuellement, il est encore possible d’arranger les choses en donnant aux parents nourriciers une bonne portion de graines nutritives de chanvre plus quelques petits morceaux de fromage ou bien en administrant aux jeunes pendant une semaine du chanvre suivi quelques jours plus tard de pois. Dans le cas contraire (donc lorsque l’éclosion se produit trop tôt), il y a également une limite à ne pas dépasser. Un pigeon doit couver au moins pendant 14 jours pour qu’il y ait formation de lait de jabot. Après 14 à 15 jours de couvaison il y aura quand même beaucoup plus d’eau le premier jour que de « pape » qui seront donnés aux jeunes, mais ils n’en meurent pas. Le plus souvent il y a arrêt de la croissance pendant un jour mais les choses reviennent à la normale ensuite. On peut également avoir recours à un subterfuge, une manoeuvre de ralentissement. A la fin de la période de couvaison il faut prendre les oeufs d’adoption et les laisser refroider à la température ambiante. En les maintenant ainsi pendant 12 heures il est possible de retarder l’éclosion d’un jour. Bien que les embryons puissent supporter des différences de température, je n’oserais pas prolonger cela plus longtemps avec des oeufs de valeur car il pourrait se produire un affaiblissement du germe. La manoeuvre réussit seulement bien lorsqu’elle est appliquée pendant la bonne saison. C’est ainsi que j’ai obtenu de mauvais résultats en automne: les jeunes manquaient de vitalité et il ne leur a pas été possible de sortir de la coquille.
Jusqu’à présent j’ai seulement attiré l’attention du lecteur sur un seul facteur: la température de la couveuse. Pour les deux autres facteurs importants: la ventilation et l’humidité, il vaut mieux se limiter aux indications du fabricant.
Les exigences pour le poulet et le pigeon semblent être semblables et il n’est pas nécessaire d’augmenter l’humidité pour le pigeon (contrairement aux affirmations des docteurs Lahaye et Cordiez).
Il n’est même pas exclu que cela puisse causer des dégâts aux pigeons; ainsi Lomholt en 1976 trouva pour les oeufs de poules qu’un pourcentage d’humidité trop élevé faisait chuter le taux d’éclosion. Lomholt établit également que chez le pigeon lors du couvage, il y a environ 46 à 52 % d’humidité autour des oeufs. ce qui correspond aux 50-55 des incubatrices artificielles. Il y a encore la question du retournement des oeufs pendant la période de couvaison. On sait que la poule (le pigeon?) qui couve retourne ses oeufs au moins chaque heure. Pour les couveuses artificielles, il faut se limiter à deux fois par jour, cela est également valable pour le pigeon.
Le retournement de l’oeuf a poL but de maintenir une température uniforme dans boeuf et d’empêcher l’embryon d’adhérer à la membrane coquillière.
Conservation des oeufs.
Lorsque l’on a l’intention de passer des oeufs d’un couple à un autre, il est parfois nécessaire de les conserver un certain temps à l’abri dans une petite boîte. Il faut considérer que la vitalité du germe diminue et il vaut mieux ne pas les conserver pendant plus de 7 jours. Les meilleurs résultats sont obtenus si les oeufs sont conservés à une température constante d’environ 12°C. Toutefois, cela n’est pas très grave s’il y a quelques degrés en plus ou en moins. En ce qui concerne le retournement des oeufs pendant la période de conservation les avis sont parfois opposés. Suite à un examen minutieux, j’ai personnellement pu constater que le retournement n’est pas nécessaire: pour des oeufs non encore incubés, le risque d’adhérence du germe à la paroi est nul. L’aspersion d’eau est également superflue.
Transport des oeufs.
Il faut être plus prudent avec les oeufs de pigeons qu’avec ceux de poule: il faut éviter le plus possible les chocs. Par contre, contrairement à ce qui est généralement affirmé, il n’est pas nécessaire de laisser les oeufs de pigeons reposer pendant 24 heures après le transport. En ce qui concerne la question d’un stade de développement optimal de l’embryon facilitant le transport, les avis généralement divergent.
Ici également je serai bref: j’ai transporté quantité d’oeufs de pigeons à tous les stades de développement et n’ai jamais observé la moindre différence. Si l’on a le choix, il est préférable de les transporter vers la fin du couvage, d’une part parce que les oeufs supportent mieux le refroidissement et d’autre part parce que l’on peut mieux s’assurer que l’oeuf contient un embryon vivant.
Si l’on observe un oeuf bosselé, il n’est pas toujours nécessaire de l’écarter, surtout si le dommage n’est pas très grand et si la membrane coquillière n’est pas abimée. Parfois, coller un petit morceau de papier suffit à remettre le tout dans le bon ordre.
(à suivre)
Prof. Dr. G. Van Grembergen
Notices :
- Chez le pigeon la durée de couvaison est d’environ 18 jours en hiver et de 17 jours en été. Si l’on veut incuber les oeufs de pigeons en couveuse artificielle, le mieux est de régler le thermostat sur 39,5°C et d’avoir une humidité entre 50 et 55 %. Il est conseillé de retourner les oeuf deux fois par jour. Pour des oeufs déjà incubés plusieurs jours le pourcentage d’éclosion est de pratiquement 100 %.
- Un pigeon doit couver au moins pendant 14 jours pour qu’il y ait formation de lait de jabot.
- Les pigeons ne sont pas « faits » pour mener à bien une couvée de 3 oeufs. La nature n’a prévu que deux œufs.
- Il est possible de conserver des oeufs non encore incubés pendant 7 jours. Les meilleurs résultats sont obtenus pour une température constante d’environ 12°C. Toutefois, cela n’est pas très grave s’il y a quelques degrés en plus ou en moins. Suivant le prof. Van Grembergen le retournement et l’aspersion d’eau des oeufs non encore incubés sont superflus.
[ Source: Article édité par Prof. Dr. G. Van Grembergen – Revue PIGEON RIT ]
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De l’oeuf au pigeonneau (1) – pigeon voyageur
Schéma de suivi pour pigeonneaux