De l’oeuf au pigeonneau (3) – pigeon voyageur
IV. Métabolisme de l’embryon.
Nous avons vu, dans un article précédent, que le développement du germe s’arrête lors de la ponte de l’oeuf chez les pigeons (à cause du refroidissement).
La couvaison relance le processus de croissance de l’embryon. Toutes sortes de processus métaboliques y sont impliqués. L’essentiel est qu’un échange de gaz puisse se produire : par diffusion l’oxygène doit entrer dans l’oeuf et l’acide carbonique en sortir.
Cela est possible grâce aux pores de la coquille. Pour des oeufs sales (par exemple souillés par des matières fécales ou par le contenu d’un oeuf brisé), ces petits pores sont bouchés et il s’en suit l’asphyxie et la mort de l’embryon. Si l’on veut sauver la situation, alors il faut intervenir rapidement : nettoyer ou brosser doucement à l’eau tiède la coquille mais surtout ne pas la gratter avec les doigts. Les trois constituants de l’oeuf (la coquille, l’albumen (blanc) et le vitellus (jaune) jouent chacun un rôle jusqu’à l’éclosion. Pour construire le squelette une certaine quantité de calcium est nécessaire. Seulement 20% du calcium proviennent du jaune et du blanc. Les 80% restants sont prélevés à la coquille dont la partie interne se dissout et est assimilée par l’embryon.
Par conséquent l’oeuf devient de plus en plus fragile au fur et à mesure que l’incubation avance. Il faut donc être très attentif lorsque l’on veut déplacer ou mirer des oeufs incubés. En ce qui concerne l’albumen la majeure partie sert à l’édification des tissus: seulement une petite fraction fournira de l’énergie. De cette façon les déchets produits (sous forme d’urates) se réduisent au minimum et ne sont pratiquement pas toxiques. Heureusement d’ailleurs parce que les déchets doivent rester dans l’oeuf (dans un organe appelé allantoïde (voir figure 1).
L’énergie vient en grande partie de l’oxydation (combustion) des graisses du vitellus : cette oxydation fournit également un peu d’eau ce qui compense un peu les pertes par les pores de la coquille. Comme l’eau est d’une importance vitale, il est primordial de respecter le degré d’humidité dans les couveuses artificielles afin que les pertes en eau restent dans certaines limites acceptables (pour la poule cette perte s’élève à environ 18% du poids du corps pendant toute la durée d’incubation). Lors de la couvaison naturelle l’évaporation est minimale car d’une part la peau des pectoraux (se trouvant au contact des oeufs) laisse passer un peu d’eau ce qui produit une légère moiteur et d’autre part les oiseaux couvant « enveloppent » leurs oeufs à l’aide des petites plumes pectorales créant ainsi un microclimat favorable.
V. Développement embryonnaire.
Je ne ferai naturellement pas un exposé détaillé sur le développement embryonnaire chez le pigeon.
Les grandes lignes devraient suffire (fig. 1). A partir du 4e-5e jour de couvaison, le coeur et. l’appareil circulatoire sont déjà présents; lors du « mirage » il est possible de les voir, au travers de la coquille, comme une tache sombre avec ramifications. Il peut être intéressant d’effectuer le mirage pour voir très vite si les oeufs sont fécondés. Plus la couvaison est avancée, plus l’embryon devient grand et plus il prend peu à peu les formes d’un pigeonneau. Pour cela, il puise dans le jaune qui est entouré par le sac vitellin. Ce sac est parcouru par des vaisseaux sanguins qui conduisent les lipides du jaune vers le réseau sanguin de l’embryon. Jusqu’au jour précédant l’éclosion, l’on peut encore voir ce sac sous l’abdomen auquel il est relié par le cordon ombilical. Progressivement, ce sac va être absorbé dans l’abdomen par l’ouverture de l’ombilic. Une fois ce processus terminé, cette ouverture se referme grâce à la traction des muscles environnants.
Je dois faire remarquer que le plus fréquemment l’éclosion se produit lorsque le sac vitellin est entièrement résorbé dans la cavité abdominale. Cependant parfois le pigeonneau sort de l’oeuf avec le sac vitellin se trouvant encore complètement à l’extérieur du corps. Tous les stades de résorption peuvent être observés (pour plus d’informations sur le vitellus voir plus loin). Plus ou moins un jour avant l’éclosion il se produit encore d’autres événements importants. Différentes contractions musculaires du futur pigeonneau font se déchirer les membranes de l’oeuf, entre autres la membrane coquillière à hauteur de la chambre à air située du côté le plus obtus de l’oeuf.
Le bec se place ainsi directement dans la chambre à air. A partir de ce moment les poumons et les sacs aériens se remplissent d’air et la respiration pulmonaire débute. Les membranes sèchent rapidement et le sang qui circulait dans les vaisseaux de ces membranes est dévié vers l’appareil circulatoire du pigeonneau et récupéré en quelque sorte, au moment de la naissance, comme un sang extra-corporel.
Comme après un certain temps la réserve en air de la chambre à air s’épuise, le jeune commence alors à taper son bec contre
le côté intérieur de la coquille. Une petite ouverture est ainsi créée et cela lui permet de continuer à respirer. L’oeuf est becqueté. Dans les heures qui suivent le pigeonneau va en tournant la tête découper une circonférence au moyen de la spicule (le « diamant ») situé au-dessus du bec. Une calotte est ainsi découpée dans la coquille, dont émerge le pigeonneau en effectuant quelques mouvements de secousses. Ce qui est décrit est donc le déroulement d’une éclosion normale. Dans un certain nombre de cas, cela n’est pas aussi simple.
Je ne vais pas considérer les cas des oeufs non fécondés ou lorsque la mort embryonnaire est précoce (par exemple à la suite d’une contamination par le germe de la paratyphose). Je ne considère donc que le cas où le jeune n’est pas capable de sortir de l’oeuf.
Je ferai d’abord remarquer que la durée du processus d’éclosion (le temps entre le becquetage de l’oeuf et la véritable éclosion) est très variable : de quelques heures à environ 24 heures. Toutefois cela ne peut guère durer plus de 24 heures car le pigeonneau risque de mourir asphyxié ou d’exténuation pendant la lutte pour se libérer.
Il est possible d’essayer d’aider le jeune : par exemple en humidifiant légèrement la coquille avec un peu de salive ou bien d’enlever à l’aide d’une petite pince un morceau de coquille. Il faut être très prudent car la déchirure des membranes peut provoquer des hémorragies. Dans ce cas il vaut mieux arrêter tout de suite. Je sais que beaucoup d’auteurs déconseillent d’intervenir. Je ne suis pas d’accord sur ce point. S’il s’agit d’un jeune provenant de parents de valeur, il faut se donner la peine d’essayer de le sauver. C’est vrai qu’il y a des jeunes qui ne sont pas capables de sortir de l’oeuf suite à une faible constitution (par exemple suite à une cause héréditaire, une avitaminose de la mère au moment de la ponte ou une couvaison défectueuse). Dans de tels cas une intervention n’est pas intéressante. Ils crèveraient de toute façon par manque de vitalité. Mais il y a d’autres raisons, comme par exemple. une coquille trop dure ; et je ne vois aucune raison pour ne pas intervenir. Personnellement, j’ai enregistré plusieurs interventions réussies. Il arrive, rarement il est vrai, que la coquille du premier veuf éclos vienne recouvrir le deuxième non encore éclos et provoque ainsi l’asphyxie du pigeonneau. C’est pourquoi lorsque le premier jeune est né, il est préférable de retirer du nid les déchets des coquilles, si les parents ne l’ont pas fait.
En position normale, un jeune pigeon qui se prépare à éclore a le bec situé près de la chambre à air et est dirigé vers le côté obtus de l’oeuf, la tête sous l’aile droite et les pattes à hauteur de l’autre côté de l’oeuf. Au cours des ans, j’ai examiné pas mal d’oeufs dont l’embryon, bien que normalement développé, était mort.
Dans un petit nombre de cas, l’embryon se trouvait en position normale mais dans la plupart des cas ce n’était vrai. C’est ainsi que j’ai pu observer toutes les positions possibles dans les trois autres directions, parfois l’image inverse de la position normale, ou le bec complètement éloigné de la chambre à air. Une position anormale constitue réellement un obstacle à l’éclosion. Finalement, il y a peu d’explication (chez le poulet) à ces positions défectueuses : secousses mécaniques, transport des oeufs avec l’extrémité la moins obtus vers le haut et trop faible porosité de la coquille.
VI. Interactions entre l’embryon et les pigeons couvant.
Je désire citer ici quelques événements qui se produisent pendant la période d’incubation.
Dans la peau du poitrail se trouvent des cellules spécialisées (thermorécepteurs) qui peuvent évaluer la température des oeufs couvés.
Grâce à ces thermorécepteurs les parents savent quelle attitude adopter pendant la couvaison (tenir ou pas les oeufs près du corps) et évaluent également le temps pendant lequel ils peuvent s’éloigner du nid : en été, le temps est évidemment plus long que pendant l’hiver. Ils contrôlent également la croissance de l’embryon suite à l’augmentation de sa propre production de chaleur. Lors du jeu au naturel, sur couvage. il faut tenir compte de ces indications : l’amateur doit toujours s’arranger pour que le pigeon trouve, à son retour du concours, des oeufs chauds. Il sera ainsi plus facile de leur faire reprendre le nid.
Les oiseaux couvant ont d’autres types de contacts avec l’embryon de l’oeuf : ils peuvent entendre certains bruits et enregistrer les vibrations de la coquille. La plupart des recherches sur le sujet ont été faites pour le poulet.
L’on a trouvé que le poulet réagissait très rapidement. Pour le pigeon, cette sensibilité intervient plus tard : à la fin de l’incubation, les parents sont capables de « sentir » (et peut-être entendre) la « vie » à l’intérieur de l’oeuf, ce que l’on remarque à l’augmentation de leur attachement au nid. Cet amour du nid est à la base d’un vieux truc utilisé pour augmenter la motivation d’un pigeon en fin de couvaison : un petit vers de terre ou une mouche vivante sont placés dans un oeuf postiche. Il y a encore le contact auditif des parents avec le pigeonneau encore dans l’oeuf. Pour les pigeons cela se produit pendant les dernières phases de l’éclosion (beaucoup plus tôt chez le poulet).
Les petits « cuic » annonçant une naissance prochaine stimulent l’attachement au nid et la sollicitude envers les jeunes. L’augmentation des motivations créée par des jeunes en train d’éclore peut éventuellement être exploitée lors de l’enlogement pour un concours.
(à suivre)
Prof. Dr. G. Van Grembergen
Notices :
- Pour construire son squelette, l’embryon a besoin d’une certaine quantité de calcaire. Seulement 20% de ce dernier proviennent du vitellus et de l’albumen. Les 80% restants sont prélevés à la coquille dont une partie du côté intérieur est dissoute et assimilée par l’embryon. Par conséquent, l’oeuf devient de plus en plus fragile au fur et à mesure que la couvaison s’avance. Il faut donc en tenir compte pour l’échange ou l’examen des oeufs.
[ Source: Article édité par Prof. Dr. G. Van Grembergen – Revue PIGEON RIT ]
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De l’oeuf au pigeonneau (1) – pigeon voyageur
De l’oeuf au pigeonneau (2) – pigeon voyageur