De loeuf au pigeonneau 4
14 novembre 2020 Par admin

De l’oeuf au pigeonneau (4) – pigeon voyageur

De loeuf au pigeonneau 4

VII. Evolution de la thermorégulation.
Les pigeonneaux viennent au monde, couverts seulement de quelques duvets jaunes, les yeux encore clos, de véritables petites créatures sans ressources. C’est toujours ainsi chez les oiseaux nidicoles : les jeunes à la naissance ne sont pas capables de se suffire à eux-mêmes, comme c’est le cas pour les nidifuges (comme le poulet). Les pigeonneaux dépendent pendant un certain temps de la protection d’un nid et ont besoin d’être réchauffés par leurs parents. Leur appareil de régulation thermique n’est pas encore fonctionnel. Cela a pour conséquence qu’un pigeonneau n’est pas si vite atteint par le froid. l’organisme ne met pas en branle les mécanismes de défense contre le froid et le jeune ne s’épuise donc pas en cas de refroidissement. Voilà pourquoi lorsqu’on trouve un jeune pigeonneau comme mort, il est possible de le réanimer sans trop de dommage (si cela n’a pas duré trop longtemps). La thermorégulation se développe parallèlement à l’emplumement. de sorte que les jeunes puissent se passer de la chaleur du nid.

VIII. Alimentation et croissance des jeunes pigeons.
Depuis leur naissance jusqu’au moment du sevrage les jeunes pigeonneaux sont dépendants de leurs parents pour leur nourriture. Leur croissance est si remarquable et leur mode d’alimentation unique dans le monde des oiseaux que ces mécanismes sont dignes du plus grand intérêt.
Pour la première fois, il y a 200 ans, a été décrit dans une revue scientifique, ce que chaque colombophile connaît, à savoir que les pigeonneaux sont nourris par les deux parents au moyen du « lait » de jabot (« pape »). Pendant longtemps, ce problème fut négligé d’un point de vue scientifique et l’évolution des connaissances sur ce sujet fut très lente. Un revirement se produit pendant ces trente dernières années. Comme mon laboratoire participa également au débat, je dispose de données précises. La formation du lait de jabot dépend de la prolactine, une hormone dont je vous ai déjà entretenu. Avec la ponte débute la production de cette hormone qui augmente pendant toute la durée de la couvaison pour atteindre son maximum pendant les premiers jours qui suivent l’éclosion, période pendant laquelle les pigeonneaux reçoivent leur lait de jabot. Il est possible de voir l’influence de la prolactine dès le sixième jour de couvaison : la paroi des deux lobes latéraux (pas la partie centrale) du jabot qui est normalement très mince s’épaissit rapidement (quelques millimètres) et forme des plis ; il se produit une augmentation de l’approvisionnement sanguin du jabot (vascularisation) et une accumulation de graisse dans les cellules dirigées vers l’intérieur (la lumière). Ces transformations atteignent leur maximum vers le quinzième jour de couvaison et se maintiennent pendant environ une semaine après l’éclosion des jeunes. Les chiffres suivants illustrent parfaitement les augmentations tissulaires : le jabot au repos d’un pigeon adulte pèse environ 1.7 g, après 24 heures d’allaitement : 15 g. La véritable production de lait de jabot commence vers la fin de la période de couvaison. Le lait ne provient pas des glandes du jabot, comme cela est trop souvent affirmé. Les cellules tapissant la muqueuse intérieure du jabot perdent leurs attaches et sont libérées ; elles forment dans la lumière du jabot une masse fromageuse friable blanc-jaunâtre. Au fur et à mesure de la desquamation, les nouvelles cellules de la muqueuse interne du jabot connaissent à leur tour une forte croissance et repoussent les dernières cellules situées au-dessus (desquamation).



Fig. 1 Evolution post natale du poids du pigeonneau

Fig. 2 Prise de poids journalière du pigeonneau



Pour se résumer, ce lait est en fait constitué des cellules des parois du jabot. Il existe dans la littérature de nombreuses données différentes quant à la durée de l’allaitement et sur la date de passage à une alimentation à base de graines. Les raisons de ces contradictions sont complexes. Certains se sont basés sur trop peu d’observations. d’autres au contraire ont travaillé avec des races différentes de pigeons. Les recherches faites dans mon laboratoire reposent sur de grandes séries de pigeons voyageurs et les résultats trouvés offrent donc toutes les garanties. Il faut d’abord signaler qu’il y a des différences individuelles quant à la durée de l’allaitement. Jusqu’au douzième jour compris après l’éclosion il y a encore du lait de jabot présent dans 100% des jeunes ; ce pourcentage est de 83% à 17 jours, 64% à 22 jours et 16% à 25 jours. Il est donc clair que la production de lait de jabot s’est maintenue plus longtemps pour la plupart des animaux observés, et de toute façon plus longtemps que ce qui était généralement admis. Une deuxième question concerne le passage de la « pape » à l’alimentation aux graines. L’une ou l’autre chose sur ce sujet mérite d’être signalée. Les différences individuelles sont très faibles. L’on peut affirmer que le pigeonneau jusqu’au 3ème jour après l’éclosion reçoit presqu’exclusivement du lait de jabot. De temps en temps il est possible de trouver quelques petites graines dans le jabot mais il faut considérer qu’elles ont été entraînées accidentellement et ne seront de toute façon pas digérées. A partir du 4ème jour, des graines, ayant subi une première macération dans le jabot des parents, sont incorporées en quantités de plus en plus importantes. C’est ainsi qu’à partir du 4ème jour, dans la plupart des jabots de pigeonneaux, il est possible de trouver des graines qui ne sont d’ailleurs pas encore bien digérées. Jusqu’au douzième jour leur nourriture est constituée d’un mélange graines/pape dont la proportion est très variable. Comme je l’ai déjà signalé plus haut, certains jeunes ne reçoivent plus de lait de jabot à partir du 12ème jour. Une grosse modification intervient entre le 22ème et le 25ème jour : au jour 22, 64 % des pigeonneaux examinés reçoivent encore un mélange de graines et de lait de jabot alors que ce pourcentage tombe à 16 % au 25ème jour. C’est également le moment où les jeunes, lorsqu’on laisse faire la nature, choisissent de quitter le nid à ce moment et sont également capables de se nourrir (ils perdent pendant cette période un peu de poids). Vingt-cinq jours après l’éclosion. sur 60 pigeons examinés, nous avons trouvés deux exceptions : dans le jabot de deux pigeonneaux âgés respectivement de 28 et de 35 jours, nous avons mis en évidence la présence de « pape ». C’est donc que la production de lait de jabot de leurs parents n’avait pas cessé. Ceci illustre donc clairement le fait qu’il existe des bons et des moins bons producteurs de lait de jabot. Je voudrais profiter de l’occasion pour affirmer mes griefs contre le sevrage précoce. Comme je l’ai dit, bien qu’il y ait une minorité de parents qui ne forment plus de lait de jabot à partir du 12ème jour, je préfère voir sevrer les jeunes (des bons producteurs) à l’âge de 23 à 25 jours afin que toutes les chances soient réunies pour que ces jeunes puissent recevoir le plus longtemps possible le précieux lait de leurs parents. Entre-temps, les petites plumes en-dessous des ailes sont épanouies chez les pigeons.
Afin d’épargner les veufs destinés aux concours je comprends que l’on sèvre leurs jeunes plus tôt car les pigeonneaux, courrent derrière les parents en mendiant de la nourriture.
En ce qui concerne la quantité de lait de jabot que les jeunes reçoivent en un jour, nous en avons également grosso-modo une idée, du moins au début. Le premier jour de la vie cela s’élève à 6,75 g (pour un poids à la naissance de 14 g) le deuxième jour : 14,4 g ; le troisième jour : 21,3 g ; le quatrième jour : 30,6 g. Ce sont des quantités énormes : en effet cela représente de 50 à 70 % du poids du corps. Ces chiffres sont encore plus étonnants si l’on les considère d’une autre façon : sachant que le poids du jabot en pleine production pèse environ 15 g, cela signifie qu’il doit produire par jour deux fois son propre poids de lait de jabot Concernant les quantités de nourriture que les jeunes absorbent quotidiennement après le 3ème ou le 4ème jour, nous devons nous contenter de valeurs approximatives : des mesures précises sont impossibles puisqu’il y a plusieurs repas par jour et que le jabot et le gésier des jeunes ne sont jamais complètement vidés. Cependant nous savons avec certitude que la quantité de nourriture qu’un jeune pigeon reçoit quotidiennement de la naissance jusqu’au 19ème jour, s’élève de 6,75 g à 42 g ; ensuite se produit une baisse soudaine d’environ 50 %. Pour la composition du lait de jabot, je m’en tiendrai aux généralités, les détails n’intéressant que les spécialistes de l’alimentation. Le lait de jabot est riche en graisses (± 8,6 % du poids frais), en protéines (± 12,4 %) et en minéraux (±1,4 %). Il contient en plus une petite quantité d’acides aminés libres mais aucun sucre.
Ces données sont valables aussi bien pour les mâles que les femelles. Ces données sont le résultat d’une recherche (1968) sur du lait de jabot prélevé chez des vieux. Plus tard. en 1978, dans un travail plus en profondeur, un de mes collaborateurs a analysé des échantillons provenant surtout du jabot de pigeonneaux âgés de 24 heures (dont l’âge était connu avec une précision de 15 minutes) et parce que la teneur en eau de ces échantillons était constante. Il trouva une teneur en graisse de 8,1 % et affirma avec certitude pour la première fois que ce pourcentage diminue au cours de la période d’alimentation. Il faut également signaler que dans la littérature des données différentes sont souvent présentées. J’ose affirmer que ces données sont peu fiables et que l’une ou l’autre fautes ont été commises. Un exemple typique est celui des analyses effectuées avec des pigeons nourris à l’aide de granulés qui se désagrégeaient directement dans le lait de jabot. En examinant ces différentes données (une alimentation riche en grande quantité et une capacité de digestion très grande) la croissance rapide du pigeonneau n’est pas surprenante (voir figures 1 et 2). La croissance est, comme chez tous les animaux, plus élevée pendant les premiers jours de la vie : ainsi le poids, de 14 g à la naissance augmente jusqu’à 21 g après le premier jour; après 2 jours il est d’environ 34 g; après 3 jours de 46 g, après 4 jours de 63 g, etc… Pour mieux se représenter la vitesse de croissance, il faut savoir qu’un pigeonneau venant d’éclore va doubler son poids en 1,4 jour (donc moins de 34 heures). C’est en considérant toutes les données relatives à cette croissance que le pigeon surpasse tous les mammifères mais également la plupart des oiseaux.
Seuls les oiseaux insectivores ont une croissance plus rapide. La croissance ne se maintient pas à un rythme aussi élevé. Une fois produite la substitution du lait de jabot en graines (dont la valeur nutritive est moindre), s’amorce une baisse de la croissance (entre le 7ème et le 10ème jour). Cette diminution est encore plus marquée entre le 17ème et le 22ème jour, période pendant laquelle les pipants commencent à sortir du nid, à battre des ailes et même à picorer un peu de nourriture. Lorsqu’il y a seulement un jeune au nid, sa croissance est plus rapide que lorsqu’il y en a deux.
A partir du 17ème jour la différence est bien cependant rattrapée.

Evolution du vitellus.
Sur ce sujet, toute une série de résultats ont été publiés pour le poulet.
Ce n’est pas tout à fait le cas pour le pigeon : il n’y a pas de résultat à recueillir en parcourant la littérature.
Dans le cadre des recherches faites dans mon laboratoire, je me suis également intéressé à cette question. Il est clair que les résultats obtenus chez le poulet ne peuvent pas être transposés directement au pigeon car il y a une énorme différence dans le type de développement : le poulet est un nidifuge. le pigeon un nidicole. Le jaune d’un ceuf de pigeon non couvé pèse environ 4,5 g. Pendant toute l’incubation, seulement 1,1 g sera utilisé. Pendant la résorption du sac vitellin. un processus demandant quelques heures, 1.2 g sont encore consommés de sorte qu’il reste 2 bons grammes à l’intérieur du pigeonneau au moment de l’éclosion. L’utilisation importante du jaune pendant les dernières phases de la couvaison s’explique par les changements physiologiques importants qui se produisent comme par exemple les mouvements violents des muscles de la tête, des membres et de l’appareil respiratoire. Comme le lait de jabot ne comporte pas d’hydrates de carbone (sucres), beaucoup se sont demandé comment un pigeonneau pouvait bénéficier d’un apport de sucres pendant les premiers jours de sa vie.
L’on a pensé naturellement aux restes du jaune et considéré que ce dernier constituait une source supplémentaire de nourriture pour le jeune oiseau.
Grâce à toute une série d’observations effectuées par un de mes collaborateurs, il est clairement apparu que les restes du jaune sont d’une importance secondaire pour le pigeonneau.
Après 24 heures d’alimentation normale (lait de jabot) et même après 24 heures de jeûne, il reste encore 1 g sur les 2 disponibles : cela signifie que le jaune n’est pas entamé très rapidement lors de la privation de nourriture.
Je dois encore ajouter :
1. qu’il est possible de trouver chez la plupart des pigeonneaux des restes de jaune encore 10 jours après l’éclosion ;
2. que la teneur en hydrates de carbone du jaune d’un pigeonneau fraîchement éclos comporte seulement une cinquantaine de milligrammes ; il subsiste encore la moitié après 2 heures d’alimentation à base de lait de jabot et pratiquement le tiers après 24 heures de jeûne. De ces résultats, il apparaît clairement qu’un pigeonneau n’utilise pratiquement pas d’hydrates de carbone pendant les premiers jours de sa vie et n’en a d’ailleurs pas besoin. Les graisses au contraire servent de sources d’énergie. pour la production de chaleur et les protéines principalement pour la construction tissulaire. Ces données montrent à quel point il est inutile de donner du pain aux pigeons ayant de petits jeunes car ces derniers ne peuvent en profiter. De plus, le pain est susceptible de déranger leur système digestif. Cela ne doit pas nous étonner que les hydrates de carbone ont si peu d’importance pour les petits pigeonneaux car pour les pigeons adultes, ils viennent également en deuxième position, après les graisses.



IX. Elevage artificiel de pigeonneaux.
J’ai pris connaissance de quelques rapports sur l’élevage artificiel des pigeonneaux ; les essais ont été infructueux. J’ai également essayé en substituant au lait de jabot différentes « mixtures » à base de graines de chanvre moulues auxquelles ont été ajoutées toute une série de vitamines et d’oligo-éléments. Cela n’a réussi qu’avec des pigeonneaux ayant déjà été nourris par leurs parents pendant 3 jours. Il ne m’a pas été possible d’éviter les trois premiers jours.
M.C. Yang et P. Vohra (U.S.A.) ont été les premiers à réussir (en 1987) avec des pigeonneaux de chair, éclos en incubatrice et élevés avec succès à la main jusqu’à un poids d’environ 700 g à l’âge de 28 jours. Ils utilisèrent un aliment à base de protéines et d’huile de graines de soja. C’est grâce à leur énorme patience que leur projet a abouti et dont le succès se reflète dans les chiffres exprimant la croissance du pigeonneau comme l’exemple suivant en témoigne: poids à la naissance: 17 g, jour 7: 139 g; jour 14: 474,3 g; jour 21: 608,5 g; jour 28: 664,5 g.

Prof. Dr. G. Van Grembergen


Notices :

  • Les pigeonneaux venant d’éclore reçoivent pendant les premiers jours de la vie des quantités importantes de lait de jabot. Le premier jour, le pigeonneau absorbe 6.75 g de lait de jabot pour un poids à la naissance de 14 g, le 2ème jour : 14.4 g. le Sème jour : 21.,3 g et le 4ème jour : 30.6 g. Ces quantités sont importantes et correspondent à 50 à 70 % du poids du corps.
  • Un pigeonneau venant d’éclore va doubler son poids en moins de 34 heures !
  • Le lait est en fait constitué de cellules des parois du jabot.
  • La quantité de nourriture qu’un jeune pigeon reçoit quotidiennement de la naissance jusqu’au 19ème jour, sélève de 6.75 g à 42 g.
  • Il y a des bons et des moins bons producteurs de lait de jabot.

[ Source: Article édité par Prof. Dr. G. Van Grembergen – Revue PIGEON RIT ] 

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