Désastres et sélection – pigeon voyageur
J’ai lu, il y a quelque temps, sous la plume d’un haut responsable colombophile, quelque chose comme: « Et puis après tout un désastre c’est en fait une sélection plus brutale que d’habitude. » Ce haut responsable a-t-il une longue carrière colombophile derrière lui? On peut se poser la question. Qu’est-ce qu’un désastre? C’est un concours dont le déroulement est anormal à tel point qu’après plusieurs jours, il manque encore les 2/3 ou les 3/4 des pigeons. Bien sûr, la météorologie est toujours en cause, aggravée quelque fois par un mauvais entretien (par exemple, défaut d’abreuvement, excès de nourriture après plusieurs jours d’attente sur le lieu du lâcher) des pigeons. Que les prix soient enlevés n’est qu’un indice: il ne manque plus que les 2/3 (à un prix pour 3) ou les 3/4 (à un prix pour 4) des concurrents.
Ce qu’on peut dire dans de tels concours, c’est que certains pigeons se révèlent aptes à « passer quand même » alors que les autres s’arrêtent ou dévient de leur route normale.
Cela se voit en particulier quand, par vent contraire, les pigeons arrivent devant un véritable « mur de pluie ». La plupart s’arrêtent, certains cherchent la faille et le beau temps en longeant le mur de pluie soit vers l’ouest soit vers l’est (il en est signalé des 2 côtés), d’autres, rares, entrent franchement dans la pluie et continuent.
La plupart de ces derniers sera classée en tête. Est-ce que ce sont des cracks pour autant? Ce sont généralement des pigeons qui, par temps normal, gagnent leur petit prix de milieu de jeu, régulièrement. Mais ils ont l’aptitude à « passer dans le feu ». J’ai possédé jadis un tel pigeon: en demi-fond et fond, par temps normal, il faisait très régulièrement son prix au milieu ou aux 2/3 des prix. Dans un désastre sur Tulle, où ne rentrèrent que 4 pigeons le jour même, sur près de 4.000, il faisait le 4e.
L’année suivante, dans 11 pigeons sur 3.000 rentrés le même jour de Cahors, il faisait le 10e. C’était un pigeon venant d’une « succursale » des colombiers Duray d’Ecaussines. Sa seule caractéristique était un plumage de couverture (tectrices) d’une exceptionnelle épaisseur. Il est raisonnable de penser qu’il était mouillé « jusqu’aux os » bien plus tard que beaucoup d’autres. Et non seulement il était mouillé plus tard mais aussi il perdait moins vite ses calories par le temps froid, du jour de Tulle en particulier (7 à 9′ C).
Un tel pigeon pouvait-il être une « tête de souche »? J’en ai certes gardé quelques jeunes, qui tous m’ont déçu. Mais de toute façon, est-il souhaitable de multiplier – ou d’essayer de le faire – de tel sujet dans sa colonie?
Si sa régularité était un assez bon point, ses coups d’éclats étaient rares. Un comme ça, ou deux, c’est bien pour l’équilibre des résultats, mais plus?
La souche Stichelbout a essaimé un peu partout des sujets de fer, increvables. Mais s’ils ont été une base solide, c’est en croisement qu’ils ont été les plus bénéfiques. Un peu plus que la moyenne des autres saisons, 1989 a été marquée par quelques désastres. Bien sûr, il y a toujours un premier et des amateurs qui font des prix. Et cela est bon pour eux et leur moral. Mais combien de tout bons pigeons sont restés sur le carreau? L’étude de l’ordre d’inscriptions d’enlogement apporte des enseignements intéressants. Dans les nationaux et internationaux, où la plupart des amateurs n’engage que la fine fleur de leur colombier, fine fleur en pleine forme pour la grande majorité, les prix de tête sont enlevés, par temps normal, par les premiers marqués et « l’argent ne va pas loin ».
C’est rarement le cas dans les désastres.
En plus des pertes, il y a l’état général de ceux qui sont rentrés, même s’ils sont « encore dans les prix ». Il faut en particulier surveiller de près les pigeons rentrés maigres: ils ont « brûlé leurs muscles ».
Quelques jours au mélange dépuratif et au thé puis mélange riche en légumineuses (et toujours du thé). Le pigeon qui ne reprend que difficilement du muscle est perdu pour le sport: il a une néphrite (dégénérescence des reins) incompatible avec l’effort sportif. S’il le mérite, il pourra à la rigueur faire un reproducteur, sinon… Il est certain que présenter un désastre comme une sélection sévère, arrange, au moins moralement, quelques responsables. C’est une forme d’autosuggestion, à défaut d’autosatisfaction. Certes la critique est facile et je m’en garderai bien, ayant été responsable à travers ma longue carrière de dirigeant de quelques désastres. Là n’est pas, au fond, la question. Mais celle-ci: faisons-nous tout pour que ces désastres deviennent de plus en plus rares? Et après chacun d’eux, sommes-nous convaincus qu’il faut encore plus chercher, mieux, plus loin, avec tous les moyens scientifiques qui s’offrent à nous?
Même s’il faut payer. Au fait, quand plusieurs milliers de pigeons « restent sur le carreau » il y en a pour combien d’argent?
Doct. Vét. J.P.Stosskopf
Notices :
- Ce qui est surtout grave dans un désastre, c’est que ce sont dans la plupart des cas les meilleurs pigeons qui en sont les victimes. Les recherches qui ont été faites ces dernières années et les instruments sophistiqués utilisés en météorologie permettent de limiter les désastres à un strict minimum. Faire des prévisions météorologiques valables et fiables pour les pigeons nécessite un personnel compétent et la collaboration d’un service qui dispose de toute l’infrastructure nécessaire. Cela coûtera certes plus cher que cela coûte aujourd’hui, mais cette dépense est justifiée car elle profite à tous. Quand plusieurs milliers de pigeons restent sur le carreau cela représente une perte inchiffrable en argent et en plaisir colombophile.
[ Source: Article édité par Doct. Vét. J.P.Stosskopf – Revue PIGEON RIT ]
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