En parlant avec les colombophiles sur les pigeons
Oui, chers lecteurs, tout en parlant avec les colombophiles, j’ai appris beaucoup de choses, ces dernières semaines. Vous devez savoir que quand on joue fort et qu’on écrit dans la petite revue verte, on est interpellé par d’innombrables amateurs, qui vous demandent à quoi cela pourrait bien tenir que leurs pigeons ne tombent pas. C’est ainsi qu’on entend exprimer beaucoup d’idées qui vous apprennent un tas de choses. C’est pour ce motif que je voudrais rassembler les propos, à bâtons rompus, que j’ai relevés tout en causant pigeons avec les colombophiles. Ce qui m’a surtout frappé, c’est de voir le désarroi dans lequel se trouvent actuellement plusieurs grands champions. Ils paraissent stupéfaits… peu sûrs d’eux-mêmes. En un mot, ils étaient naguère les maîtres et en ce moment, ils doivent baisser pavillon et abandonner leur argent aux jeunes et aux petits amateurs. Le fait est là, amis lecteurs, et je pourrais vous en citer par dizaines, des champions qui étaient, l’an dernier ou les années précédentes, les « hommes du jour », et qui sont maintenant absorbés par la masse des petits amateurs qui, disons-le tel qu’il est, sont devenus beaucoup plus malins en colombophilie, alors que les champions s’endormaient sur leurs lauriers.
On ne doit pas perdre de vue que « le meilleur moyen de se défendre, consiste à passer à l’offensive », attendu qu’au point de vue psychologique, l’assaillant croit pouvoir battre son adversaire, tandis que celui-ci craint d’être battu. Chaque fois que la réaction ne sera pas violente, l’action dominera toujours: c’est une générale qui s’applique en colombophilie comme ailleurs. D’après ce que nous avons appris un peu partout, nous pouvons affirmer que « Le Sport Colombophile » a mis beaucoup d’amateurs « en action », et que la lecture de la revue verte les a conduits fort loin en une couple d’années. A tel point que les plus grands champions des années précédentes, doivent abandonner maintenant leurs enjeux à cette troupe d’amateurs qui travaillent. Vous seriez renversés, si vous deviez connaître le nombre de champions réputés qui n’ont encore rien pu gagner cette année, ou qui ont même perdu de l’argent dans les concours. Et pourtant ce nombre est considérable. Ces champions ont été littéralement surpris par le progrès. Ils sont presque désespérés. Je pourrais vous citer de nombreux exemples.
J’en choisirai un entre cent. Lorsque j’arrivai, la semaine dernière, au colombier d’un des plus grands champions du pays, j’ai été surpris de voir combien les pigeons étaient mal soignés. Comme je lui en faisais la remarque, il me répondit: « C’est ainsi que j’ai toujours fait et chaque année, j’ai gagné beaucoup d’argent. Mais à vrai dire, j’en ai déjà perdu pas mal cette année ! A quoi cela tiendrait-il ? » Telles sont, exactement reproduites, les paroles qu’il a prononcées et voici ce que j’y ai répondu: « Auparavant, la colombophilie était un jeu d’enfant. On gagnait toujours quand on avait de bons pigeons, mais maintenant il faut que ces pigeons soient en grande forme pour pouvoir encore gagner quelque chose, et cette forme, vous ne pouvez l’amener au colombier, parce que vous soignez mal. D’autres vous battent avec des pigeons inférieurs, mais mieux en forme ! » Hélas ! Des as, il y en avait dans ce pigeonnier, assez pour écrabouiller toute une ville, mais l’amateur lui-même n’était plus un as pour les soigner. Sa femme assistait à notre entretien et savez-vous ce qu’elle a répondu, sincèrement et spontanément: « Oui, Monsieur, je le lui ai déjà dit. Nous perdons de l’argent avec de bons pigeons, parce que les autres soignent mieux leurs oiseaux. Ici, les amateurs courent avec leur revue verte en poche… et ceux qui suivent les conseils de cette revue, nous battent ! » Ce que je vous rapporte ici, chers lecteurs, est la pure vérité. Je ne veux pas prétendre que notre système soit le seul bon, mais j’affirme simplement que l’amateur doit, actuellement, voler aussi vite que ses pigeons… mieux qu’il doit les dépasser ! Une petite erreur dans les soins à donner aux pigeons, une petite faute au colombier, suffit pour récolter des brosses aux concours.
J’en fais l’expérience… rien qu’en parlant aux amateurs. C’est ainsi que nous avons vu tomber beaucoup de pratiquants du veuvage parce qu’ils ne permettaient pas aux veufs d’approcher leur femelle au retour des voyages. Après quelques semaines, le choc en retour se produisait.
D’une part, les pigeons se décourageaient et d’autre part, l’organisme perdait son équilibre, car le « climat » sexuel des veufs joue un rôle certain dans la montée et la chute de leur forme dominicale. Aidez la nature, adaptez-la à la vie « spéciale » des veufs, mais ne vous y opposez pas de front, car la nature se venge. L’expérience apprend que les veufs doivent pouvoir approcher leur femelle ‘à des intervalles réguliers. Pour ceux qui jouent le naturel, la question du maintien des pigeons en forme est beaucoup plus compliquée encore.
Un joueur au naturel devrait avoir quatre yeux bien ouverts et quatre mains habiles. Garder le sang pur est ici la préoccupation principale, car les pigeons qui couvent et qui élèvent, ont trop de motifs d’avoir le sang impur. Primo, la suralimentation, qui est la peste en temps de couvage. Secundo, le champ, qui est la peste en temps d’élevage. Il faut être artiste, posséder des oiseaux extraordinaires et disposer de beaucoup de temps pour briller au naturel. C’est du moins ce que j’ai appris en parlant avec les colombophiles et c’est surtout lorsqu’on monte à leur colombier, que l’on s’en aperçoit: rares sont les colombiers au naturel où il y a quelques oiseaux en belle forme, avec la peau bien propre et bien rouge, avec les muscles durs, avec l’oeil clair et la gorge propre. La plupart du temps, les couveurs sont gras, la chair grise, couverte de pellicules, la gorge enflammée, la langue mobile. Bref, le sang est impur. Celui qui n’est pas adroit dans la distribution de la nourriture, se heurte à cette difficulté. Seul le veuvage apporte la solution aux amateurs, car il est souvent difficile de ramener le nombre de pigeons au naturel à un minimum, afin de faciliter le maintien de la forme. Pour terminer d’une manière amusante, voici un secret que j’ai appris « tout en parlant avec un amateur » de ma région, amateur qui joue bien depuis des années, et qui n’a jamais perdu de l’argent avec les pigeons.
Quand il a construit son colombier, il y a longtemps de cela, il a cloué un clou à côté de la porte. A ce clou pend un couteau bien aiguisé. « C’est cela, mon secret ! », prétend-il. « Il faut bien soigner, mais se montrer sévère ! » Le temps est passé où il suffisait d’avoir beaucoup de pigeons pour être champion ! Maintenant, c’est devenu presque impossible, car les amateurs sont devenus trop adroits dans la manière de soigner leurs pigeons, et il est aisé de maintenir un petit nombre de sujets en grande forme. Quand on a beaucoup de pigeons, c’est presque une impossibilité.
Voilà ce que j’ai appris « tout en parlant avec les colombophiles » et c’est pour cette raison que j’ai terminé ce bref article en contant l’histoire du couteau.
[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ]
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