Enquête – pigeon voyageur
Beaucoup de colonies traînent un microbisme inapparent, qui ne se traduit que par des résultats moyens ou médiocres. Jusqu’à ce que la maladie explose. Tout l’art consiste à détecter cela le plus tôt possible. C’est pourquoi il vaut la peine de poser une fois l’année un diagnostic complet, paratyphose compris.
A la fin de la saison ’99, j’ai rencontré un copain que je n’avais pas vu depuis les réunions de l’hiver précédent. Nous avions échangé 2 ou 3 coups de téléphone rapides après les premiers concours à grand rayon.
Sans plus. Dans la conversation, je lui fis remarquer qu’il n’avait pas si bien joué dans le grand demi-fond et le fond que les années précédentes. « Oui me dit-il, je n’ai pas eu d’aussi belles volées, mais elles étaient quand même correctes, 1/2 heure facilement.
Cependant par beau temps, les veufs ne montaient pas aussi haut et ne s’éloignaient pas autant que les années précédentes ». « Et tu n’as rien remarqué au colombier? »
Tu sais que je n’élève pas avant la saison. Les femelles ont pondu normalement et j’ai mis au veuvage sur 8-10 jours de couvage, comme d’habitude. La seule chose que j’ai remarquée au cours de la saison, c’est l’irrégularité des fientes de certains pigeons. Mais jamais longtemps de fientes molles ».
Nous en sommes restés là jusqu’en octobre. « Dis donc, j’ai trouvé un mâle de 2 ans mort brutalement, et j’ai une vieille femelle qui boîte ».
« Apporte-moi le cadavre ».
L’autopsie ne montre pas grand chose: une rate plus grosse que la normale, un foie avec de larges plages de décoloration et c’est tout ». J’aimerais quand même bien qu’on pose un diagnostic complet.
Nous avons le temps et tu as fait une saison moyenne ». Il est temps de voir plus clair. Foie, cœur, reins, tête (pour le cerveau), ainsi qu’une partie d’intestin furent portés au laboratoire de bactériologie pour cultures bactériologiques depuis ces divers organes et fientes.
Cela demande évidemment quelques jours. Et pendant ce temps-là, deux femelles meurent également, tout aussi brutalement.
Deux autres, tristes, dans un coin, un matin furent sacrifiées.
Les femelles de veufs sont, toute la saison, tenues en cases individuelles. Bien sûr, leur ration est légère et elles volent au moins dans le colombier, le vendredi ou le samedi quand leurs mâles sont partis. Mais cette inaction totale, 5 ou 6 jours sur 7 favorise évidemment certains dérèglements et fragilise ces oiseaux. Et puis les résultats arrivèrent: paratyphose avec présence de salmonelles (elles sont toujours « typhi-murium » chez le pigeon) dans tous les organes y compris le cerveau (c’est pour cela qu’on peut noter dans cette maladie soit des paralysies soit des torticolis). Heureusement la souche était sensible à de très nombreux antibiotiques et antiseptiques administrables par l’eau de boisson (amoxicillineampicilline – tétracyclines fluoroquinolones).
Seules les fientes ne contenaient aucune salmonelle! Aussi le laboratoire demanda-t-il des prélèvements de fientes fraîches, afin de préciser ce point (très important étant une source principale de contamination). Onze prélèvements furent ainsi analysés et deux se révélèrent positifs.
Les deux cases des pigeons en cause étaient très souvent souillées de fientes diarrhéiques et vertes.
Nous avons commencé par un triage énergique. Des femelles de veufs déjà vieilles, d’autres, en état de corps douteux ont été éliminées. Les veufs avaient déjà subi le triage de fin de saison et tous ceux qui restaient le méritaient. Comme toutes les colonies, celle-ci comprend une volière de reproducteurs, un colombier de yearlings avec les pigeonneaux de début de saison, un colombier pour les pigeonneaux, vide à cette époque de l’année. Nous avons immédiatement attaqué le traitement avec 8 jours de Baytril à l’absolue totalité des pigeons, à raison de 2 centicubes de la solution à 10 % par litre d’eau de boisson (renouvelée chaque matin) le 1er jour, 1 centicube par litre les 7 jours suivants. Dès le 3e jour, on a constaté un changement dans l’état général: vivacité, plumage plus serré. Les fientes douteuses de quelques-uns se sont améliorés très vite. Après ces 8 jours de traitement, ça a été la vaccination.
Je prescris un « vaccin de clientèle » fait de différentes souches « pigeon » de salmonelles et titrant cinq milliards de germes au ml (centicube). Chaque pigeon reçoit 1/2 ml de vaccin. Je l’injecte en intramusculaire profonde dans les pectoraux, mais on peut le faire tout aussi valablement dans la peau de la nuque ou de la cuisse. Comme c’est un vaccin aqueux il n’y a aucune réaction locale à craindre. Nous avons fait cela un matin, sur des pigeons à jeun tenus à la case ou au panier selon les colombiers. Les 150 pigeons ont été vaccinés en 1 heure 1/2.
A part une tristesse passagère (quelques heures), qu’on constate quel que soit le vaccin ou le produit injecté, aucun incident immédiat.
Cependant 3 ou 4 jours plus tard, 2 femelles, dont une excellente reproductrice, se sont mises à boiter. Nous ne leur avons rien fait de spécial pour cette boiterie. Il est toujours recommandé de prolonger le traitement des salmonelloses.
Après le Baytril, nous avons institué immédiatement un traitement avec le furaltadone (chlorhydrate) soluble facilement dans l’eau de boisson, à la dose de 2 g de la poudre à 10 % par litre d’eau. Les pigeons absorbent cela sans sourciller et la solution est stable.
Ce traitement a été prolongé pendant 3 semaines, jusqu’à la 2e vaccination, avec le même vaccin, à la même dose. Le copain m’a signalé avant la 2e piqûre, que ses deux femelles ne boitaient plus.
Il n’y a plus d’accident depuis le début du traitement. Nous allons faire d’ici une quinzaine de jours la 3e vaccination indispensable si on veut une protection solide.
Et un rappel sera fait au début de la saison sportive 2000. Que penser de tout cela? Beaucoup de colonies traînent un microbisme inapparent, qui ne se traduit que par des résultats moyens ou médiocres (y compris dans l’élevage avec œufs noirs, jeunes ratés puis jeunes morts au nid, pontes espacées ou même stérilité) jusqu’à ce que la maladie explose.
Tout l’art consiste à détecter cela le plus tôt possible.
L’optimisme profond des amateurs en est le plus gros obstacle.
[ Source: Article édité par Dr. Vét. JP. Stosskopf – Revue PIGEON RIT ]
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