19 avril 2020 Par admin

Jubilé 1 – pigeon voyageur

Au printemps dernier, cela a fait 60 ans que j’ai eu mes premiers pigeons. Certes cela n’a pas duré longtemps puisque la guerre est arrivée en août, qui a tout arrêté.
J’en garde le souvenir de l’enthousiasme d’un gamin.
J’avais un pigeon de 4 ans, adduit, surnommée « Baptiste », imperdable mais d’un naturel peu bileux. Ce pigeon m’a cependant laissé un souvenir et donné une leçon que je n’ai jamais oubliée.
Un week-end où je devais partir avec mes parents, j’avais demandé à mon copain d’en face, colombophile lui aussi, d’engager Baptiste à Orléans (130 km) en supplémentaire puisque je n’étais pas là pour le constater.
Lorsque je revins, le copain me dit » Tu sais, heureusement que tu n’étais pas là, sinon tu aurais eu des histoires. Baptiste aurait fait le 1er avec 1/2 h. d’avance ».
Etant donné les capacités de ce pigeon, cela demandait enquête.
Un soir suivant, j’allais dire bonjour à un camarade de la société voisine, excellent amateur chevronné, et lui racontai mon histoire.
C’était lâché où?
– à Orléans
vous avez été lâché à quelle heure?
– 8h30
Nous aussi nous étions à Orléans et lâchés à 8h35.
A quelle heure sont vos pigeons
– 10h30
– Baptiste était là à 10h35.
Les autres pigeons de la société à 11h!?

Baptiste peu bileux s’était probablement posé sur un toit voisin pour démarrer 5 minutes plus tard avec des pigeons qui avaient filé droit alors que les autres s’étaient détournés. Depuis ce jour, quand on accuse un amateur d’avoir constaté trop tôt, j’aime qu’on prouve la fraude. Cette même année ’39, j’ai joué mes premiers pipants. Ils étaient dans une volière à tous les vents, avec juste des perchoirs sous 2 tôles ondulées. Mes cinq pipants faisaient 3-4 prix tous les dimanches. Je n’ai plus jamais si bien joué à pigeonneaux.
La guerre arriva, l’exode avec 2 pigeons. Nous nous sommes repliés mes parents et mes frères et sœur en Bretagne.
Lorsque les soldats Allemands arrivèrent, la famille me pria de lâcher les 2 pigeons que j’avais installés le long d’un mur dans une petite cage. Je vois encore mes 2 pigeons voler sur fond d’un immense nuage de fumée (les stocks de carburant de la Marine brûlaient).
Cela dura plusieurs heures de l’après-midi et le soir …. mes 2 pigeons étaient sur la cage.
Je les récupérai et ils revinrent ensuite à la maison dissimulés au fin fond de la voiture, dans la pénombre. Malheureusement quelques jours après notre retour, un chat de ferme affamé …
Je n’ai repris le sport qu’en 1947, alors que j’étais étudiant vétérinaire. J’avais installé mon petit colombier dans le grenier de la maison paternelle.
Il fallait passer par les chambres pour y accéder. La première année se passa sans encombre.
Mes pigeonneaux se défendirent honorablement. Je me souviens avoir emporté plusieurs fois par semaine mes pigeonneaux de voyage à l’Ecole Vétérinaire et les avoir lâchés un par un tous les quarts d’heure. Cela faisait à peu près 55 km. Le premier concours (à 120 km) était doté d’un agneau à la 1er série de 2 sur 3 premiers marqués. J’étais de loin celui qui connaissait le mieux ses pigeonneaux dès leur premier concours. Je gagnai l’agneau avec … 2h d’avance (temps additionnés). L’hiver suivant (47-48) fut particulièrement
rigoureux. Croyant bien faire, je doublai le toit avec des plaques de contreplaqué clouées sur les chevrons et bourrai l’intervalle tuiles – contre-plaqué avec de la paille. Dans les 15 jours, mes pigeons sont tombés malades: trichomonose avec muguet, yeux larmoyants. Je fis part de mes déceptions à un ami colombophile, excellent amateur, qui m’avait fait cadeau de mes premiers pigeonneaux. Venu voir cela sur place, il me dit: » Vite, enlève-moi cela », en désignant la double paroi. Un pigeon ça a besoin d’air. Chacun de mes lecteurs sait que je n’ai pas oublié la leçon. Si le coryza s’estompa très vite après remise en état du colombier, la trichomonose me créa des ennuis pendant de longs mois. On ne disposait à l’époque que de la trypaflavine (qui tachait tout en jaune) qu’on administrait en gouttes dans le nez et le bec.
Ça calmait mais les rechutes étaient très rapides.
Il a fallu attendre l’apparition du Dimetridazole (1960) pour avoir enfin un remède valable, qui éliminait rapidement ces abcès buccaux, hépatiques etc.
En 1950, je m’installai comme vétérinaire rural et dès que j’eus trouvé une maison début ’51, j’ai transformé le grenier au-dessus de la buanderie en colombier.
Mon ami me fournit à nouveau des pigeonneaux dont quelques-uns me donnèrent satisfaction.

Les années suivantes furent marquées par de beaux succès en vitesse avec des premiers dans 1500 à 2000 pigeons à 250 km. Vers 1955, j’allongeai le tir. En effet j’avais eu des pigeons chez mon ami le commandant Vanderlinden avec qui je collaborai régulièrement au journal « De Sportduif » à Gand. C’est là aussi que je connus Rob. Demeurichy qui fut Champion de Belgique à pigeonneaux.
Deux couples de croisés Vanderlinden x Demeurichy me donnèrent dans les années 58-59 une série de cracks qui me mirent au sommet dans le grand demi fond et le fond dans les années 60. Malheureusement mes couples ne durèrent pas.
Un mâle, de 54 devint stérile et je perdis successivement au toit le mâle et la femelle de l’autre couple. Depuis ce temps, mes reproducteurs confirmés sont
mis en volière. Un tel coup dur est toujours très difficile à surmonter. Un des bons pigeons issus d’un couple Vanderlinden x Demeurichy me donna quelques bons pigeons. Mais ça n’était plus la grande équipe, avec laquelle je réalisai sur Bordeaux (550 km) l’exploit de mes 4 premiers marqués ensemble sur la trappe ,avec les 3-4-5-6e prix dans 360 pigeons et 4 prix dans les 20 premiers dans l’interrégional.
Peu à peu ces cracks prirent de l’âge et je n’avais pas la même qualité dans leurs descendants. De quoi « se défendre » mais les « cartons » étaient réduits à l’état de souvenirs.
En 1967, je fis construire dans le même village et l’on commença par … les colombiers.

à suivre ………………

[ Source: Article édité par Dr. J.P Stosskopf – Revue PIGEON RIT ]