La chaleur au colombier
Avoir un colombier bien chaud est la marotte de la plupart des colombophiles. L’adage « pas de chaleur, pas de forme » règne en maître. Si je ne conteste pas le bien-fondé de la maxime, je pense qu’il faut la moduler sous ses différents aspects et voir ensemble jusqu’où ne pas aller trop loin.
Chacun sait que le zéro thermique, c’est-à-dire la température pour laquelle le pigeon au repos ne dépense aucune calorie ni pour se réchauffer ni pour se refroidir (sa température corporelle normale étant de 40°C environ) est de 20 à 25°C. C’est donc à cette température moyenne que le pigeon fait le maximum de réserves énergétiques puisqu’il dispose à cet effet de la totalité de sa ration alimentaire. (Nous négligerons le travail des volées dans ce raisonnement théorique.) 20°C, c’est la température d’une pièce bien chauffée pour les humains. Il était donc très tentant d’appliquer cela aux pigeons, puisqu’il suffit d’installer un ou quelques radiateurs dans le colombier de grenier. J’ai connu dans les années 50-60 quelques tentatives de ce genre. Toutes ont été catastrophiques: si l’élevage se passait fort bien, on assistait aussi à des dysfonctionnements naturels: mue très précoce et très rapide, nervosisme avec batailles continuelles sanglantes, abandon de nids en cours de couvage. Et si les premiers concours d’avril étaient souvent très bons, dès le 1 er mai on assistait à une chute de forme très difficile à rattraper. Pourquoi tout cela? Tous les organismes répondent aux conditions extérieures par les systèmes nerveux, circulatoire, glandulaire. Cela est d’une extrême complexité.
Mais par exemple tout le monde sait que les animaux sauvages ont une couverture cutanée (poil ou plume) plus épaisse en hiver qu’en été, et d’autant plus épaisse que l’hiver est plus long et plus rude. De même, la peau se charge alors d’une plus forte couche de graisse dermique, dont la formation est assurée grâce à une forte augmentation de l’appétit. Et que cette période hivernale est caractérisée par ur repos sexuel sous l’effet d’un éclairement plus faible et plus court (action de la lumière sur la glande hypophyse par l’intermédiaire du nerf optique et du cerveau), et d’une ration souvent faible pour les animaux sauvages.
La chaleur au colombier modifie donc toutes ces normalités hivernales: la même ration devient trop importante, la protection du plumage bien moins utile. On provoque donc un déplacement anticipé du printemps et de l’été.
Il y a une dizaine d’années, un amateur m’a apporté, à la mi-mai plusieurs pigeons qui avaient déjà tombé leur huitième rémige. « Cela fait 3 années de suite que ça m’arrive et je ne peux pas jouer ». Renseignements pris, les pigeons muaient tout à fait normalement mais ils commençaient à la mi-janvier, ils tombaient une rémige tous les 15 jours. S’ils élevaient ça faisait 3 semaines à chaque nid, mais as plus. Lui demandant comment était son colombier, il me dit qu’il l’avait fait dans le grenier de l’hôpital où il travaillait, adossé à l’énorme cheminée de la chaudière du chauffage central. Il y faisait 25 à 30°C en permanence.
Morale de l’histoire: « Si vous voulez jouer, démontez votre colombier et refaites-le dans un endroit normal ».
La recherche de la chaleur amène souvent les amateurs à fermer les fenêtres, doubler les plafonds etc… Il est exact que des matériaux mauvais conducteurs emmagasinent la chaleur du jour et la restituent peu à peu dans la nuit, limitant ainsi la variation jour nuit de la température au colombier.
Je pense personnellement que plus que la température maxima de la journée, c’est cette faible variation qui est souhaitable. D’après mes observations, 5-6°C maximum de différence entre le jour et la nuit.
Il est bien évident que cette protection contre les grandes variations thermiques ne doit pas se faire au détriment de l’aération. C’est là que la situation du colombier joue un grand rôle. Un colombier de grenier avec une chambre chauffée en dessous ne connaît aucun problème: l’air se réchauffe au contact du plancher légèrement plus chaud et par conséquent monte, créant ainsi un mouvement d’air continu qui en assure le renouvellement. Dans les colombiers de jardin, seul l’emploi de plaques chauffantes permet de résoudre le problème selon le même principe. Comme je l’ai cent fois écrit, le test de la fumée (cigarette ou autre) est une garantie de cette bonne aération. Dans les colombiers de grenier, le mouvement lent mais continu d’une toile d’araignée ou de quelques duvets constitue également un bon test de l’aération.
En résumé, sauf volonté de jouer fort dès la mi-mars et pour 5-6 dimanches, avant que la masse des amateurs ne se mette en route, le chauffage au colombier se révèle à l’usage, au moins inutile et souvent néfaste. Même pour l’élevage précoce, ce chauffage se révèle d’une utilité douteuse. Si ce n’est, très localisé, pour empêcher l’abreuvoir de geler.
Doct. Vét. J.P. Stosskopf
Notices :
- Les matériaux mauvais conducteurs emmagasinent la chaleur du jour et la restituent peu à peu durant la nuit, limitant ainsi la variation jour – nuit de la température à quelques degrés.
- Le Dr. Stosskopf estime qu’une faible variation entre jour et nuit est préférable à une température maximale durant le jour. D’après ses observations, cette variation doit se situer entre 5 à 6 degrés.
- Le Dr. Stosskopf déconseille le chauffage même pour l’élevage hivernal. Même par très grand froid les petits jeunes dans les nids y grandissent normalement et sans aucun problème.
[ Source: Article édité par Doct. Vét. J.P. Stosskopf – Revue PIGEON RIT ]
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