La forme de nos pigeons
5 mars 2021 Par admin

La forme de nos pigeons

La forme de nos pigeons

Un amateur désireux de rester à la page devra toujours s’efforcer d’élever des jeunes de valeur et pour y arriver il devra viser à se former une belle collection de bons vieux pigeons. Beaucoup d’amateurs n’apprécient pas à sa juste valeur un bon vieux pigeon. La plupart ne se soucient guère de la maxime que les bons vieux sont « fabriqués » par l’amateur en personne. Je veux faire ressortir par là qu’il est moins méritoire de se monter un lot de bons jeunes, mais qu’il est infiniment plus difficile de se monter un pigeonnier d’élite de vieux pigeons et ce parce que dans le cas de l’espèce ce sont les aptitudes et les qualités de bon manger qui en tout premier lieu entrent en ligne de compte.
C’est ainsi qu’il y a deux semaines j’ai eu le plaisir d’être admis au pigeonnier de M. J. Van den Heuvel de Borgerhout, le redoutable rafleur des grandes poules à l’Union. Je dois avouer que cet amateur, eu égard au peu de pigeons qu’il possède, une douzaine de couples, bat sûrement tous les records, à preuve les résultats remarquables remportés à la plus forte société d’Anvers. J’étais en admiration devant cette superbe collection de vieux, tous au plus frais, aucune lassitude, aucun signe de fatigue chez ces pigeons, qui avaient participé régulièrement aux étapes les plus dures, comme Bois, Vendôme, Châteauroux etc. « Eh bien », me confia-t-il, « je ne joue pas les jeunes, et très peu les yearlings, quant à mes vieux, c’est uniquement « en grande forme » que je les enloge. A cela aucune difficulté, mais il faut avoir la force de caractère de laisser reposer un bon pigeon jusqu’au retour de sa forme et alors on en profite beaucoup plus longtemps ! » Voilà le secret des résultats splendides de Van den Heuvel: il « fabrique de bons vieux » en les ménageant pendant leur croissance et en ne les enlogeant dans la suite qu’en forme. Chers lecteurs, ceci vous montre une fois de plus que pour devenir et rester champion, il ne suffit pas d’avoir de bons pigeons, mais qu’il faut aussi faire montre d’une grande force de caractère pour n’enloger que les pigeons qui sont en « ordre et en pleine forme ». Parfait, mais qu’entend-on par cette « forme » ? C’est à mon avis un état particulier, propre au pigeon qui jouit d’une santé extraordinaire, qui assure le fonctionnement parfait et harmonieux de tout l’organisme jusque dans ses fibres les plus profondes d’où découle ce redoublement de la confiance du pigeon en ses propres moyens, pour le pousser irrésistiblement en ligne droite vers son colombier. Voilà la définition.



Quels sont maintenant les indices de cette « forme » ? Y a-t-il certains points, indices secrets qui vous renseignent avec certitude ? Puis, y a-t-il des artistes, détenteurs de tels secrets, ou, comme d’aucuns prétendent, existe-t-il des appareils qui sans erreur vous désigneront automatiquement les pigeons en forme ? (1) Ce sont des sujets de grande actualité. Personnellement nous avons reçu beaucoup de lettres de nos lecteurs qui nous consultaient à ce sujet. Notre réponse fut toujours: « Pareil appareil est assurément intéressant pour faire des expériences et pour se distraire, cependant l’amateur lui-même saura le mieux quels pigeons il enlogera, car d’une part on ne mesure pas la forme du pigeon en « degrés » et d’autre part suffira-t-i: souvent d’un rien pour donner à certains pigeons Le coup de fouet nécessaire à les amener en forme. Par conséquent seul l’amateur et non pas l’appareil sera le meilleur juge ! »
Pour le plus grand profit de nos lecteurs, je vous signale la réponse de quelques amateurs célèbres quand je demandais leur avis sur la forme du pigeon. Leurs réponses se résument toutes en ceci: « Le pigeon lui-même dira quand il est en forme ! » (2) Lucien Bastin, une gloire de Verviers depuis un demi-siècle, me dit ce qui suit: « Eh bien, quand en compagnie de mon soigneur, je monte au colombier pour désigne-les pigeons à enloger, je ne veux à aucun prix les prendre en main. J’observe chaque pigeon, et celui qui est en forme me le dira par ses manières. Alors je les fais tous voler et je suis renseigné. Je ne m’embarrasse pas de savoir si te pigeon est trop gras ou trop maigre, s’il a mué une rémige ou non, car tout ceci m’induirait en erreur. Mais le pigeon qui me dit: « Maître, mets-moi au panier, car je suis en forme ! », celui-là je l’enloge ».
Voici maintenant l’avis d’Ernest Duray, notre champion national du fond: « La forme, ce n’est pas la santé, mais la sursanté, elle vient parfois sans crier gare, sans motifs apparents, mais le plus fréquemment c’est un colombier hygiénique et une nourriture appropriée qui activent grandement la forme. Heureux l’amateur avisé, qui sait observer la manière d’être et de faire de ses pigeons, tout à fait spéciale et propre à chaque sujet aux jours de sa grande forme ».
Voici maintenant ce que dit mon ami Gust De Feyter, le manager de l’imbattable colombier anversois de Monsieur Havenith, qui l’année passée accomplit le tour de force fantastique de se classer onze fois premier dans les douze championnats des deux plus fortes sociétés d’Anvers: « Quand vous verrez pétiller dans la tête des yeux mobiles, vifs, clairs et secs et que le pigeon est dur de muscles, alors il est en ordre, mais les indices qui vous feraient parier votre tête qu’un pigeon sera en tête, ceux-là l’amateur doit les voir au pigeonnier à la façon de faire de chaque pigeon. Seulement, dites-le à vos lecteurs, qu’à mon avis il y a peu d’amateurs qui s’y connaissent à bien nourrir, et voilà pourquoi la forme disparaît si vite chez leurs pigeons ! On sait tout apprendre à un amateur, mais le plus difficile toutefois est bien de lui inculquer l’art de nourrir ! » Vous voyez donc, chers lecteurs, que ces fins connaisseurs sont pour ainsi dire unanimes à déclarer: « Le pigeon doit le dire lui-même s’il est en forme ou en grande forme ». En effet, qui pourrait le dire mieux que le pigeon même ? Chaque amateur doit connaître ses pigeons et à cette fin les étudier et avoir la force de caractère de les garder à la maison quand ils ne sont pas en ordre. Par où pèchent la plupart des amateurs ? Ils engagent toujours les mêmes pigeons, sans se rendre compte si ces pigeons sont bien en ordre. Comme dans tous les sports en colombophilie, le sang-froid est capital.



Le pigeon traduit sa pleine santé par son regard, l’oeil doit être sec. L’oeil du pigeon en forme semble rayonner davantage. Il y a une profusion de lumière qui semble jaillir de derrière la pupille et cela notamment parce que les couleurs sont plus tendues et que les différents cercles de l’iris se contractent de façon à élargir le petit cercle coloré autour de l’iris et de rendre la pupille plus noire et plus petite. Bref, on doit avoir l’impression que l’oeil du pigeon vous dit: « Enloge-moi, l’arc est tendu et je me sens capable de pourfendre un mur ! »
Naturellement il n’est pas si facile de se rendre compte de tout cela, cependant on l’apprend facilement. Puisqu’on sait lire dans les yeux d’une personne si elle est calme ou fâchée, saine ou malade, pourquoi ne le remarquerions-nous pas chez les pigeons ? Cela constitue une étude différente pour chaque sujet, ce qui la rend plus attrayante, parce qu’elle approfondit plus que l’étude uniquement matérielle.
Les muscles y jouent également un très grand rôle. Ils doivent être durs et tendus et s’arrondir des deux côtés de la poitrine vers le bréchet du pigeon comme un pneu gonflé à bloc. Alors les os de la fourche se serrent davantage et le corps du pigeon gonfle quelque peu, tandis qu’on a l’impression que le pigeon pèse moins, qu’il devient plus ramassé parce que les plumes sont bien lisses et collantes.
Le point principal est bien celui-ci: la forme du pigeon monte-t-elle ou descend-elle ? Un bon observateur s’en rendra lui-même le mieux compte. On a parfois prétendu que quand la petite boule sanguine qui circule sur le bréchet du pigeon, vient se mettre sur le devant, on a un indice de la forme montante. J’ai fait l’expérience et je dois conclure que ce point n’a pas l’importance qu’on lui attribue. Pas besoin non plus de s’arrêter à la propreté de la peau, mais attachez plus d’importance à sa couleur et aux petites veinules mobiles qu’on découvre en dessous de la peau quand le pigeon vient en forme. Lorsque notre « Kaers » fit, par vent du nord, le premier prix avec 13 minutes d’avance au Corbeil de l’Union d’Anvers (3) contre 900 concurrents, sa peau était recouverte de pellicules, mais on remarquait à deux centimètres du bréchet les petites veines rougeâtres, indice que la circulation du sang était en plein rendement. L’augmentation de la forme se dessine dès que les pellicules se détachent facilement de la peau ou quand la peau devient rouge comme du sang, tandis qu’il est moins encourageant de voir apparaître des petites tâches rousses sur la peau. Le pigeon en forme a d’autre part les pattes bien sèches et rouges. La fiente n’y adhère pas, encore un indice que le sang circule vigoureusement. Lorsqu’on reçoit en main un pigeon en pleine forme, on a l’impression que l’on sent le sang couler entre peau et chair. Les muscles semblent vibrer et réagissent au toucher, tel un pneu gonflé que l’on tâte.
Seulement, il est parfois risqué d’enloger un pigeon en pleine forme, parce que l’amateur doit tenir compte de certaines circonstances, de nature à compromettre les chances du sujet enlogé. Tel est par exemple le pigeon enlogé avec des jeunes de 2 à 4 jours, car la bouillie peut occasionner des désordres, surtout par temps chaud. Il est alors préférable de le garder au colombier. Notez que les mâles viennent très fort sur un jeune fraîchement éclos, tandis que les femelles préfèrent voler sur des oeufs becquetés. Néanmoins je n’ai aucune crainte d’enloger un pigeon pour toute la « galette » avec des jeunes de 2 à 4 jours quand celui-ci rend dans le panier les graines qu’il a dans le jabot. C’est un indice de grande forme et d’impétuosité, le sujet n’aura pas à souffrir de l’abondance de la bouillie.



Il est également risqué d’enloger un pigeon, fut-il même en grande forme, lorsqu’il a laissé tomber une rémige le mercredi ou le jeudi, car alors la pousse sera à un point critique le jour du lâcher et il y a 8 chances sur 10 que le pigeon rate. Ceci est très important, et tant d’amateurs cherchent en vain la cause de l’échec d’un bon pigeon, surtout par temps dur et sur une étape sérieuse. Cette cause, c’est là qu’il faut souvent la chercher. Un pigeon qui est sur le point de laisser tomber une plume au panier ou qui vient d’en laisser tomber une avant l’enlogement, ne doit pas être retenu au colombier, bien au contraire. Pour ceux qui auraient encore un doute, je peux vous donner un exemple. L’année passée, nous avions mis trois pigeons jusque 100 au Saint-Denis de l’Union. Le vendredi, un d’eux laissait tomber une plume, les deux autres muaient au panier. Le résultat fut concluant. Tous les trois étaient en tête et raflaient tout (4).
Il y a des indices innombrables qui dénotent la grande forme. L’empressement pour le nid en est souvent le baromètre. Le pigeon est sur le qui-vive, il se défie de ses voisins et parfois il se lance sur eux. Quand il se hasarde à l’extérieur, c’est en claquant les ailes qu’il s’envole, fait un petit tour et se hâte de réintégrer le colombier pour y jeter un coup d’oeil afin de s’enquérir de l’inviolabilité de sa nichette. Il y en a d’autres qui trahissent leur forme dès qu’ils se couchent sur une aile à côté du plateau, les plumes de la tête bien lisses et le regard jaloux et méfiant. Un moyen des plus sûrs pour se rendre compte de la forme des pigeons avant un enlogement est de mettre chaque sujet séparément dans un panier pendant quelques heures, puis de les passer en revue, sans qu’ils vous aperçoivent, et de les prendre en main pour sentir quels sujets se gonflent à bloc. Ceux-là sont en bonne condition physique. Retenez-le bien, chers lecteurs, tâchez de comprendre vos pigeons. Ils vous le diront eux-mêmes quand ils seront en ordre. L’amateur qui pourra s’en apercevoir ne perdra jamais son argent en prendra souvent en tête son premier marqué, ce que je vous souhaite à tous.

Noël De Scheemaecker


Notices:

  • 1. Dans les années trente fut présenté sur le marché un thermomètre pour mesurer la « forme » du pigeon. Il apparut vite que c’était de l’arnaque.
  • 2. Le pigeon montre sa forme par son comportement. Ce que Noël De Scheemaecker écrivait en 1934 est toujours d’actualité.
  • 3. En 1930 l’Union d’Anvers avait les allures d’un club d’élite fréquenté par les « grosses pointures ». Elle fut même appelée « l’université du sport colombophile ». Encore qu’elle n’était plus élitaire au lendemain de la deuxième guerre mondiale, l’Union connut encore des années fastes de 1946 à 1970 grâce à la participation des meilleures colonies anversoises de demi-fond et de petit fond.
  • 4. Les avis sont toujours partagés concernant la date de la chute des rémiges. La plupart des amateurs attachent de l’importance à la chute de la première rémige. Si elle tombe à la date indiquée par Noël De Scheemaecker (entre mardi soir et vendredi matin), il est préférable de ne pas engager le pigeon pour un concours du dimanche qui s’annonce dur et par vent de face.

  • Le bon amateur connaît ses pigeons jusque sur le bout des ongles et dans les moindres détails qui annoncent l’arrivée de la grande forme. Il est bon observateur et peut tirer des conclusions raisonnables.

[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ] 

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