La glande uropygienne et le duvet poudreux chez le pigeon
Les mammifères sont pourvus de plusieurs sortes de glandes cutanées. Au contraire, les oiseaux n’en possèdent presque pas. Ils n’ont pas, par exemple, de glandes sébacées.
Finalement la glande uropygienne (glande du croupion) est l’unique glande cutanée des oiseaux. La glande siège au niveau des dernières vertèbres caudales (le croupion), dans du tissu gras, recouverte par de la peau. Elle s’ouvre à la face dorsale du croupion au sommet d’un mamelon.
La glande uropygienne est formée de deux lobes accolés, et séparés par une cloison primaire conjonctive. Chez le pigeon voyageur, les deux parties se marquent par la présence d’un sillon longitudinal du mamelon. De la glande uropygienne partent deux canaux évacuateurs (un pour chaque saccule) qui débouchent isolément au sommet du mamelon.
Chez la plupart des oiseaux, sauf chez le pigeon, le sommet du mamelon porte un plumet ou pinceau (le plumet uropygien). La glande uropygienne élabore un produit jaunâtre huileux, dont la composition varie suivant les espèces d’oiseaux. Les acides gras sont bien représentés (acides stéarique, palmitique et oléique).
Certains ont affirmé que chez le poulet la sécrétion de la glande uropygienne contenait une petite quantité de cholestérol. En partant de là, l’hypothèse fut formulée que ce cholestérol étendu sur les plumes en même temps que la sécrétion uropygienne pouvait être transformé en vitamine D3 par les rayons ultra-violets.
Du coup, lors de sa toilette ( lissage des plumes au moyen du bec), le pigeon trouvait là une source de vitamine D. Mais il a fallu revoir cette opinion car des essais précis ont montré que la glande du croupion ne contenait pas de provitamines D. Par contre, on en trouve en grande concentration dans la peau des pattes chez le poulet; c’est donc à cet endroit que la transformation en vitamine D3 sous l’influence du soleil a lieu. L’on peut penser que les choses ne sont pas tellement différentes pour les autres oiseaux, y compris le pigeon.
D’autres fonctions ont été attribuées à la glande uropygienne. Il fut écrit que les sécrétions uropygiennes avaient pour rôle de rendre le plumage doux, brillant (ce qui éviterait l’usure) et imperméable. Ce dernier fait a naturellement une grande importance pour les oiseaux aquatiques; c’est une explication au développement important de leur glande uropygienne. L’on doit vraiment faire attention avant de rapporter cette affirmation au pigeon. Premièrement parce qu’il y a différentes sortes de pigeons qui n’ont pas de glande uropygienne (par exemple la « queue de paon »). Cette glande uropygienne était également absente parmi 2 % des Carneaux (pigeons de chair) d’un grand élevage américain et pourtant cela n’a eu aucun effet sur la santé et la reproduction des pigeons.
En ce qui concerne le pigeon voyageur, l’on peut se poser la question de savoir si leur glande uropygienne joue un rôle important.
Je voudrais ici faire remarquer qu’il n’est pas si facile de faire sortir une goutte de liquide de leur glande uropygienne: il faut pincer vigoureusement avec les doigts.
Je ne vois pas comment le pigeon pourrait en obtenir beaucoup plus par la simple pression de son bec sur le croupion.
Par ailleurs on n’a jamais vu un pigeon voyageur effectuer le frottement typique sur la glande uropygienne comme le font les poulets. En soi il ne doit pas y avoir beaucoup de sécrétions; j’ai l’impression que tout cela est limité à la célèbre « tache d’huile » située sur les pennes (un signe de « forme » peu fiable).
J’ai lu quelque part qu’il existe des colombophiles qui coupaient et enlevaient la glande uropygienne de leurs pigeons âgés de 6 semaines. Pourquoi le font-ils? Je n’en sais rien; il semblerait que cette mutilation n’empêche pas de bien jouer. Tout bien considéré, il faut conclure que la glande uropygienne n’est pas indispensable au pigeon. C’est vraisemblablement un organe qui tend à disparaître (évolution). Cette ablation ne se déroule pas sans douleur. La glande uropygienne contient beaucoup de cellules spécialisées (les corpuscules de Herbst) qui sont très sensibles à la pression. L’on peut d’ailleurs vérifier cette grande sensibilité chez les pigeonneaux qui se trouvent encore dans le nid; des caresses particulières du doigt sur le mamelon les rendent chatouilleux et nerveux.
Maintenant que nous avons vu que la glande uropygienne n’a pas un rôle important chez le pigeon nous devons nous poser la question de savoir comment ils se protègent de l’humidité. Nous savons déjà que les pigeons au repos ne sont pas vite mouillés; que les gouttes d’eau glissent sur leurs plumes. Tout d’abord, nous pensons à la « poudre » (ou la farine).
Les colombophiles savent bien que le plumage des pigeons est recouvert de « blanc ». Il suffit pour cela de prendre un pigeon en bonne santé contre soi pour avoir les mains et les vêtements recouverts de traces blanches. La poudre n’est pas issue de la glande uropygienne comme cela est décrit dans le vieux livre des professeurs Lahaye et Cordiez, mais bien du plumage. Les pennes et les plumes de couverture sont très peu concernées par cette production. Cette formation est principalement le fait du duvet poudreux qui est rassemblé en masses distinctes situées de chaque côté de l’extrémité postérieure du corps.
Pour s’en convaincre, il suffit d’arracher un tel duvet et de frotter l’ouverture ou de l’écraser entre les doigts: l’on voit la poudre jaillir. La poudre est répandue sur l’ensemble du plumage lorsque les pigeons se secouent, en frottant les pennes sur le duvet poudreux et par le lissage au moyen du bec.
Vient maintenant la question à propos de l’origine de la poudre. Comme beaucoup d’entre vous le savent, les plumes sont principalement constituées d’une protéine spécifique: la kératine. Les pellicules de kératine sont libérées sous la forme de petits grains qui forment un film de poudre sur les plumes. Et ces particules de poudre sont pratiquement imperméables. Mais il y a plus. Une sécrétion graisseuse qui provient de la peau dans sa totalité (donc ne venant pas de cellules spécialisées) veille à ce que les particules de poudre soient recouvertes de graisse, ce qui augmente encore la propriété imperméable de cette poudre. Cette poudre légèrement grasse n’empêche pas seulement la pénétration de l’eau mais facilite le travail de frottement des pennes (ce qui empêche leur usure prématurée); elle est en quelque sorte un lubrifiant. Cette imperméabilité n’est naturellement pas totale; nous pouvons remarquer que lorsque les pigeons prennent un bain les particules de poudre se répandent à la surface de l’eau. C’est pourquoi il n’est pas bon de donner le bain aux pigeons avant l’enlogement.
La formation d’une nouvelle couche de poudre prend toujours un certain temps. Il faut noter que lors du vol, des particules de poudre vont être entraînées par le flux d’air et que les plumes vont ainsi perdre graduellement leur propriété d’imperméabilité. Cette perte est d’autant plus rapide que le pigeon doit voler par temps de pluie. Après un certain temps les limites sont atteintes: il pénètre tant d’eau dans les pennes que les barbules des barbes collent ensemble et le pigeon ne peut plus voler. Cette résistance à l’humidité des plumes ne vient pas seulement de la poudre. L’on a su prouver de façon scientifique qu’il existe une structure optimale du plumage: les barbes et les barbules, suffisamment épaisses et disposées régulièrement, assurent une parfaite cohésion. Si pour l’une ou l’autre raison les plumes sont mal placées, le pigeon y rétablit immédiatement bon ordre. Il fait sa « toilette » ( lissage des plumes au moyen du bec).
En tout cas, une bonne structure du plumage et la présence d’une couche de poudre sont complémentaires. Il est bon de savoir que ces deux propriétés dépendent autant de l’hérédité que d’un bon état général de santé.
Nous devons donc conclure que le pigeon possédant la meilleure structure de plumage avec une bonne couche de poudre saura résister le plus longtemps par temps de pluie, ce qui est naturellement de première importance pour un pigeon de fond.
Je ne crois pas possible d’attribuer un ordre d’importance à l’une ou l’autre de ces propriétés. C’est l’expérience qui doit nous éclairer à ce sujet, ce que je vais expliquer avec clarté à l’aide d’un exemple précis. Le meilleur pigeon de fond que j’aie possédé sous mon toit fut le prénommé « Barcelone Il » (1958). C’était un pigeon bien équilibré recouvert d’un plumage très doux.
A partir de l’âge d’un an, je savais que j’en tirerais quelque chose. Mais ni moi ni personne n’aurait pu prévoir un tel palmarès. Eh bien, il a prouvé lors du vol Barcelone de 1964 qu’il était exceptionnel, surtout au point de vue des qualités dont nous parlons ici.
Je ne me rappelle plus quel était le temps le jour du lâcher, mais bien de celui du deuxième jour de vol. Le temps était si mauvais le matin (principalement à cause de la pluie) que les vols de Paris furent retardés d’heure en heure. Notre champion (ainsi que les autres concurrents) a dû affronter de lourdes pluies lors de la dernière partie du vol de retour. L’on peut évaluer sans fantaisie cette distance à 200 km, étant donné que les pigeons parcourent ± 900 km le premier jour de vol. Son arrivée (à 9 h du matin) se déroula sous une pluie battante, alors que les lâchers de pigeons de vitesse furent annulés. Cette prouesse est à attribuer à la qualité de son plumage. Il ne peut en être autrement; seule la résistance à l’eau exceptionnelle de ses plumes lui a permis une telle avance (2 heures).
Prof. Dr. G. Van Grembergen
Notices :
- La formation de poudre est principalement le fait du duvet poudreux qui est situé en masses distinctes de chaque côté de l’extrémité postérieure du corps. Ce duvet joue un rôle très important.
- La glande uropygienne siège au niveau des dernières vertèbres caudales (le croupion), dans du tissu gras, recouverte par de la peau. Elle s’ouvre à la face dorsale du croupion au sommet d’un mamelon. De la glande uropygienne partent deux canaux évacuateurs qui débouchent isolément au sommet du mamelon.
- La structure du plumage joue également un rôle important lors de vois par temps pluvieux. L’épaisseur, l’intervalle et l’imbrication régulière des barbes et des barbules conduisent à une cohésion optimale du plumage.
- Lors du vol, des particules de poudre vont être entraînées par le flux d’air et les plumes vont ainsi perdre graduellement leur propriété d’imperméabilité.
[ Source: Article édité par Prof. Dr. G. Van Grembergen – Revue PIGEON RIT ]
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