liqueur de Fowler pour les pigeons
8 octobre 2021 Par admin

La liqueur de Fowler pour les pigeons

liqueur de Fowler pour les pigeons

Thomas Fowler, pharmacien et médecin anglais, né à York en 1736, mort en 1801. C’est lui qui fut l’inventeur de la célèbre liqueur qui porte son nom et dont la base est l’arsénite de potasse, un poison dangereux pour l’homme et les animaux.
Il y a très longtemps que ce remède à certains troubles de la nutrition et aussi à des troubles nerveux, a été abandonné. Abandonné parce que sans effet curatif bien établi d’abord et ensuite parce que l’arsenic est un poison dont l’effet même aux petites doses de deux à vingt gouttes par jour pour un homme de 70 kilos en moyenne, est d’autant plus périlleux qu’il ne s’élimine pratiquement pas mais s’accumule à la longue jusqu’à provoquer de véritables drames. Ceux qui préconisent encore la liqueur de Fowler, non pas pour la guérison de quelque maladie imaginaire pour nos oiseaux favoris dont le poids ne dépasse guère cinq cents grammes, mais en guise de ‘doping’, n’y vont pas de mainmorte avec les doses: une goutte par pigeon la première semaine jusqu’à trois gouttes la septième, avec trois pauses intermédiaires d’une semaine, pour redescendre graduellement à deux puis à une goutte et remonter ensuite jusqu’à trois. Ces pauses sont destinées à permettre à l’organisme de ‘souffler’, comme on dit en jargon sportif, et d’éliminer le poison avant qu’il s’accumule dangereusement. Le raisonnement des partisans de la liqueur de Fowler semble logique mais sa base est faussée par le fait que l’arsenic ne s’élimine qu’après un temps considérablement long, si tant est qu’il s’élimine jamais chez nos volatiles.
J’ai, il y a près de quarante années déjà, cité le cas d’un excellent colombophile de mes relations d’alors qui domina durant une campagne ou deux à peu près tous ses concurrents dans sa société. A l’époque, il n’y avait guère de veuveurs dans la région et il fallait bien laisser éclore des jeunes pour préparer les pigeons aux concours.
Au cours de sa meilleure saison, ii fut impossible à mon ami d’élever un seul jeune : «Tous, me disait-il en wallon, ‘crèvent’ faute de pouvoir résister à la puissance du fortifiant que je mets dans l’abreuvoir et auquel j’attribue mes succès actuels».



Il avait encore la chance de pouvoir puiser chez son frère qui jouait peut-être encore mieux que lui mais dans une autre contrée et qui, lui, ne donnait que de l’eau et des graines à ses voyageurs. Malheureusement, cette chance s’avéra encore trop mince car les adultes dépérirent l’un après l’autre et les nouveaux venus ne tardèrent pas à suivre le même chemin.
L’homme n’était qu’un simple ouvrier. Il n’avait guère été à l’école après l’âge de onze ans et il n’avait aucune idée de ce que contenait «la bouteille» qu’il allait renouveler régulièrement chez son pharmacien. Un camarade du Pays Noir lui avait donné «l’ordonnance» et il ne songeait même pas à connaître ce qui s’y trouvait prescrit.
Quand il me montra l’étiquette et que je lui dis qu’il s’agissait de la «liqueur de Fowler», il ne se montra pas le moins du monde surpris. Le mot liqueur, à son sens, signifiait un «alcool», comparable aux toniques portant le nom de quelque cloître de France ou de Navarre, et certainement pas un poison aussi redoutable que l’arsenic des Borgia et d’autres empoisonneurs célèbres.
Avant la guerre de 1914, vivait au Pays de Liège un bon amateur qui était, lui, un intellectuel et qui utilisait l’arsenic pour préparer ses pigeons aux concours, sous deux formes infiniment plus énergiques encore que la «liqueur de Fowler» : l’arséniate de soude et l’arséniate de strychnine en granulés.
A cause de ses brillants succès dans les épreuves renommées, il ne manqua pas d’imitateurs, même à l’étranger car il me souvient d’avoir vu,. dans le Nord de la France, des méthodes de préparation aux concours, inspirées de la sienne. Ceux qui les utilisèrent, heureusement, le firent à titre d’essai et je puis écrire ici que ces essais furent tout bonnement désastreux. Les premiers ayant été effectués sur des sujets quelconques, on attribua les échecs à cette circonstance et l’on tenta de les poursuivre sur de bons pigeons. Hélas ! ceux-ci se perdirent et quelque fois moururent dans les mains de leurs managers. Jamais, je n’oublierai ce splendide vitessier noir-écaillé provenant de Louis Boeykens et qui, agité d’un impressionnant tremblement des ailes et des pat-tes, succomba devant mes yeux, terrassé par l’arsenic des granulés qui lui furent cependant donnés «avec prudence», comme me l’avait précisé son maître qui avait alors les larmes aux yeux.
Tous les pigeons «dopés» ne meurent pas si dramatiquement à leur colombier. La plupart sont trouvés morts dans les paniers de concours lors des envolées dominicales. Les convoyeurs, neuf fois sur dix, n’en disent rien pour éviter des ennuis à leurs clients, les comités de sociétés colombophiles. Ils se contentent de jeter les cadavres après s’être assurés qu’ils ne risquent pas d’être vus. D’autres volatiles sont incapables de rallier leurs pénates et succombent en cours de route ou bien s’abattent dans les champs d’où ils ne repartent plus. Leur maître pense qu’il s’agit de «rossards» et que leur perte constitue «un bon débarras».
Plutôt que des «rossards», ces pauvres oiseaux sont des «victimes» de l’égoïsme de leurs maîtres et aussi de leur cupidité. Car si l’on «dope» sou-vent pour la gloriole, on le fait encore davantage par appât du gain.



Je m’en voudrais d’en terminer ici, sans parler d’autres poisons que l’on ingurgite de force aux pigeons, au même titre que la «liqueur de Fowler». Que ce soit sous forme de pilules, de dragées, de granulés ou d’élixirs miraculeux (c’est le mot qu’affectionnent les charlatans), le «doping», même qualifié de «fortifiant» ou d’aliment d’épargne ou encore d’«anti-fatigue», demeure toujours un poison. Et même à dose qualifiée d’infime très souvent, ce poison a vite fait de miner l’organisme de l’oiseau le plus solide. Parce que, tel la «liqueur de Fowler», il ne s’élimine pas ou ne disparaît qu’après avoir laissé dans les organes de l’oiseau des lésions impossibles à guérir.
Normalement, un pigeon voyageur digne de ce nom ne s’use que par l’âge, même si on lui impose parfois des efforts exagérés. Le pigeon de course en pleine santé (ou si l’on préfère en pleine forme) récupère avec une aisance, une rapidité souvent stupéfiantes. S’il arrive que l’on abuse quelquefois de cette facilité de récupération, en enlogeant coup sur coup un champion à des portées sérieuses, il est plutôt rare que l’on paie le prix que mériterait d’être payé pareil abus, pareille imbécilité. Mais dès qu’on sort de la normale en donnant des poisons, l’oiseau le plus rustique, le mieux doué, le mieux portant, perd facilement son pouvoir de résistance et son ardeur en perdant bientôt sa simple santé.
Epuisés par le poison, ses nerfs finissent par craquer et l’on se trouve alors en présence d’une épave au lieu d’un athlète exceptionnel qu’il serait devenu ou resté, si l’on s’était sagement contenté de lui servir de l’eau claire et les bonnes graines où il était assuré de trouver toutes les vitamines et tous les sels minéraux dont nos pigeons ont besoin pour vivre et pour affronter victorieusement les joutes sportives que nous leur imposons.

[ Source: Article édité par M. Henry Landercy – Revue PIGEON RIT ] 

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