la peureuse-pigeon
12 août 2020 Par admin

La « PEUREUSE » raconte (2) – pigeon voyageur

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Perpignan, le premier jour que je suis capable de prendre un « bic » dans ma patte… « Mes chers patrons Noël et Robert, Je ne suis pas morte, je vis toujours, je suis même en bonne forme, mais mon aile droite est brisée, mes deux pattes à moitié arrachées par les plombs d’un fusil que portait un méchant homme. Il paraît que Nobel a inventé la dynamite, qu’il en a eu du remords, et qu’il donne chaque année un gros prix en argent pour « La Paix ». Nous, les bêtes, savons que l’homme est bon tant qu’il n’est pas puissant mais nous savons aussi, et j’en suis la victime, que quand il trouve l’occasion de devenir puissant, par les armes ou par l’argent, il devient un diable. C’est triste à voir… ah… si vous saviez comme c’est triste… pour nous les bêtes… L’homme ne trouve-t-il donc plus tout son plaisir à admirer la nature, comme nous?… et pourquoi ne reste-t-il pas simple et naturel, comme l’enfant toute sa vie? Pourquoi veut-il dominer, pourquoi veut-il être malheureux, pourquoi n’ouvre-t-il pas plus son coeur, pourquoi ne croit-il plus que le ciel est sur la terre, s’il le voulait seulement… Mais pour vouloir il faut être libre…. Et c’est peut-être bien parce que l’homme est libre… qu’il veut de si vilaines choses et qu’il tâche de nous tuer avec un fusil… comme il tâche de tuer les autres hommes avec un fusil. C’est sans doute parce que nous ne sommes pas libres que nous ne tuons pas, parce que nous ne disposons pas de cette arme à deux tranchants qu’est la … liberté!
Mais assez radoté maintenant, voici ma petite histoire. Si jamais j’ai vu le jour, si jamais on m’a baguée avec le numéro 6432301-51, c’est à mon oncle que je le dois. Il s’appelait le « Coppi ». Mon père s’appelait le « Bartali ». C’étaient deux frères de nid qui naquirent au printemps de l’an 1948.
Il est toujours délicat de parler de sa propre famille et plus délicat encore d’en écrire, car « verba volant, scriptamanent ». Mais si je veux écrire une histoire, je suis bien obligée de parler des choses qui se sont passées. Et puis, le passé n’est pas plus beau que le présent, ni plus beau non plus que l’avenir. Les temps ne changent pas tant que ça quoique les hommes prétendent le contraire. Ceux-ci ne sont jamais contents et c’est justement la raison pour laquelle ils se plaignent pour un rien et désirent se faire plaindre par leur prochain.Chez nous, petites bêtes, ce n’est pas le cas heureusement, car nous sommes contentes de notre sort. Bref, dans ma famille il y a un peu de tout. Rien que de mon père je pourrais remplir un gros volume. Ce beau mâle foncé avec ses yeux brillants d’un rouge vif était donc le frère de nid de l’écailler clair, un peu plus petit que lui mais tout aussi beau. Mon père reçut le nom du campionissimo italien « Bartali » et son frère celui de son grand rival « Coppi ». Mon grand-père était le « Vissenbergh », un mâle noir acheté par Noël chez le modeste tailleur de Broechem. Pour ce jeune de 5 jours Noël avait déboursé cinq billets de mille. Cela semble beaucoup, mais tout bien considéré c’était bon marché, car les trois frères ainés de ce jeune surclassaient à cette époque là tous les pigeons de la province d’Anvers. Pour prouver ce que je vous dis, il suffit de vous rappeler qu’à l’Union d’Anvers ils firent les trois premiers prix de Tours pour aller gagner le dimanche suivant les trois premiers au grand « Orléans » de Lierre. Le « Vissenbergh », frère cadet de ces trois phénomènes, valait donc bien quelques beaux billets!
Et ce frère cadet deviendrait plus tard mon grand-père! Vous allez certainement me demander pourquoi ces pigeons de Vissenbergh étaient si formidables. Eh bien, je vais vous l’expliquer et je crois même que je pourrai vous apprendre quelque chose sur les pigeons en général car étant moi-même de leur race, il vous plaira, sans doute, de convenir que j’en connaisse un peu plus que vous, les hommes. J’écris donc en connaissance de cause: tous les voiliers extraordinaires de ma famille – et ils étaient nombreux dans notre colombier – avaient trois qualités exceptionnelles. C’étaient d’abord de petits mangeurs, ensuite tous ils étaient légers et gonflés comme un ballon et finalement ils avaient le caractère de ne jamais se rendre. Voilà les grands secrets du bon pigeon capable de fournir des prestations retentissantes sur toutes les distances, aussi bien à 1.000 km qu’à 100!

1. C’étaient de petits mangeurs. Or, les petits mangeurs sont les bons pigeons parce qu’ils ont un organisme qui fonctionne très économiquement. Ce sont les pigeons jouissant d’une santé de fer. Chez eux tout fonctionne à la perfection et leur « moteur » est adapté de façon si idéale à leur « châssis » qu’ils n’ont besoin que de très peu de « carburant ». A cause de cette consommation économique, le « moteur » ne « s’encrasse » pas si facilement, d’où forme plus durable! D’ailleurs, vous pouvez le demander à mes patrons Noël et Robert, ils auront certainement remarqué que je volais le plus fort quand je mangeais le moins et que la forme de tous mes congénères du colombier était la plus grande quand ils se contentaient de très peu de nourriture. Il y a des pigeons qui mangent très peu…. Et ceux-là sont presque toujours en forme. D’ailleurs, il ne faut pas les voir manger pour reconnaître immédiatement les petits mangeurs: ce sont ceux qui ont une gorge idéale, des poumons sains et un coeur solide!

2. Tous les voyageurs de ma famille étaient légers et gonflés comme un ballon. A ce sujet je veux d’abord vous dire ceci -avec prière de le répéter à tous vos amis – n’engagez jamais un pigeon lourd à un concours de longue portée. Si vous saviez ce que ces malheureux souffrent pendant le voyage de retour! La plupart de ces poids-lourds essayent en vain de suivre le train et leur fatigue, après quelques centaines de kilomètres de vol, est si grande qu’ils sont obligés de s’arrêter à la première ferme qu’ils rencontrent… pour aller y vivre avec les poules! C’est d’ailleurs là qu’ils seront le mieux à leur place car ils ne méritent pas le nom de pigeon voyageur mais bien d’oiseau de basse-cour! Toutefois, chers lecteurs, n’allez surtout pas croire, qu’en parlant du poids, j’ai l’intention de vouloir prétendre que tous les grands pigeons soient pour cela des poids-lourds! Pas du tout, mais chez un bon pigeon, tout ce qu’il a dans son corps doit vivre, ce qui n’est pas le cas chez un pigeon alourdi par du poids mort. Or, un pigeon pareil est vraiment à plaindre et son patron ne tardera pas à faire faillite!

3. Ils avaient le caractère de ne jamais se rendre. C’est une vertu propre à notre famille. On l’a ou on ne l’a pas! Sur elle se base la sélection dans la nature. Les sujets qui « ne se rendent pas » sont les élus, les privilégiés qui doivent perpétuer la race, les autres sont appelés à disparaître. Il y a là-dedans un grand secret… le secret des nerfs, et le système nerveux est un des secrets de la création. Pourquoi les pigeons ont-ils des nerfs et pourquoi vous, les hommes, en avez-vous aussi?

Tous les êtres vivants en ont pour y puiser la force de vivre, la force de survivre et la volonté d’acquérir une intelligence toujours plus grande. On peut en conclure que tout progrès n’est possible que grâce aux nerfs. Il se peut que vous, chers lecteurs, avec votre esprit d’homme, vous ayez beaucoup plus difficile que moi à saisir tout ceci, mais croyez-moi bien qu’en vous parlant ainsi je n’ai aucunement l’intention de vous offusquer et j’espère que vous daignerez me pardonner ma franchise si, avant de terminer ma lettre je vous confie encore que parmi mes plumes j’en ai quelques-unes blanches comme la neige et que dans mon esprit il y a un peu de cette « inspiration » du Saint-Esprit que vous autres, vous avez coutume de représenter sous le symbole d’un pigeon blanc! A bientôt »!

La Peureuse ( à suivre )

[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ] 

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