la peureuse-pigeon
12 août 2020 Par admin

La « PEUREUSE » raconte (4) – pigeon voyageur

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Ah ! quelle journée radieuse nous allons avoir ! Le soleil se lève déjà… nous ne le voyons pas encore, mais déjà le sommet majestueusement enneigé du mont Canigou, qui surplombe Perpignan de près de 3.000 mètres voit de ses yeux blancs le géant du ciel surgir du néant et s’élancer sur sa formidable trajectoire dans le cosmos. C’est le moment idéal pour faire un petit tour. Car nous, les petites bêtes, nous aimons nous éveiller et commencer la journée avec la nature toute entière. Avez-vous, en été, déjà entendu la nature s’éveiller, les oiseaux se parler, vu la lumière percer la nuit ? C’est pour le colombophile, qui sait se lever tôt pour profiter de ces minutes de vie fantastique, le moment propice pour faire voler ses pigeons. Car nous les pigeons aimons, par dessus toutes les heures de la journée, cette toute première heure matinale. Alors nous volons tout seuls portés par les couches d’air qui montent vers la chaleur du soleil, et emportés par la sourde impulsion de la nature qui s’éveille aussi en nous, en harmonie avec tout le reste de la création. C’est alors d’ailleurs que l’air est le plus riche. Ah, que je plains les pigeons qui doivent parfois attendre le matin, deux-trois heures, avant de pouvoir faire leur volée. Ils restent ainsi bien trop longtemps enfermés dans un colombier encore rempli de l’air de la nuit. Combien pollué de pigeons ne connaissent jamais la belle forme pour cette seule raison ?
Mon petit tour matinal je le fais donc au moment précis où le soleil se lève. Ah, que c’est formidable ! Je ne trouve pas d’autres mots dans mon petit dictionnaire. Quel beau cinéma ça fait ! Mais alors du cinéma au vrai sens du terme, car regardant la terre d’une certaine hauteur, on voit tout bouger de façon étrange. Des traînées d’ombre noire d’une longueur démesurée traversent le sol comme des fantômes surgissant de la nuit, tels de grands guerriers noirs de l’enfer rampant sur terre en livrant un combat désespéré avec le géant de lumière s’élevant vers les cieux, ce dernier ayant vite fait de les ramener à des proportions plus raisonnables ! De ce duel matinal notre grand ami le soleil sort brillamment victorieux ! Et je rentre dans mon petit trou dans la tour de l’église où je prends mon premier bain de soleil pour réfléchir à ce que je vais vous conter aujourd’hui. ça y est, je vais vous raconter l’histoire de mon premier St. Vincent. Elle le mérite…mais avant cela je vous présente mon petit palmarès, où je ne tiendrai compte que des concours nationaux, le reste étant de la petite bière. Tous ces concours. part deux, avaient un doublage provincial, dont j’indique mon classement.
1951. Comme jeune : 4 étapes a_. delà de Paris, 4 prix jusque Bourges.
1952. St. Vincent : raté.
1953. Repos complet.
1954. Périgueux : 12e – Libourne 1er – St. Vincent : 5e -St. Sébastien : 9e – Bourges : 10e
1955. St. Vincent : 10e – St. Sébastien : 1 er – Bourges : 2e.
1956. Cahors : 1 er – St. Sébaste-: désastre, raté.
1957. Cahors : 19e – Périgueux : 3e – St. Vincent international : 126e.
1958. Cahors, national : 277e -Périgueux : 3e – Libourne : 7e -Perpignan : coup de fusil.
Début 1952 mes patrons déménagèrent leurs vieux pigeons du colombier de Schoten à Anvers. Les mâles, une fois m’s au veuvage, retournèrent presque tous à Schoten, et on dut les remettre au naturel, excepté quatre ou cinq mâles qui n’avaient plus le colombier de Schoten en tête. Parmi eux deux cracks extraordinaires, mon bon ami le « Stan » et mon imbattable rival et cousin le « Héron » qui fit empocher à mes patrons une quinzaine de poules à mille francs en quelques années, un petit record je crois !
J’avais déjà remarqué que mes patrons se concertaient souvent devant une grande affiche où figuraient les étapes de l’Union d’Anvers. Un beau jour je vis Noël marquer à côté de l’étape de St. Vincent : la « Peureuse ». Si j’avais pu, je l’aurais assommé au moment même ! Je vais vous expliquer ce qu’on fit avec moi. Lorsque mon mâle, un futur veuf, couvait pour la seconde fois, on m’entraîna en trois bonds jusque St. Quentin… et puis on me relégua avec une dizaine d’autres femelles dans la volière des veuves ! Le « Harem » si vous voulez ! Je me dis en moi-même : « fini le St. Vincent ». Mes patrons qui avaient à un moment – vu que tant de mâles retournaient encore à l’ancien colombier – hésité à jouer au naturel cette année-là, auront l’intention de me jouer au naturel et de m’engager entre autres, à St. Vincent. Maintenant que j’étais veuve — bien triste métier — on me laisserait endurcir dans le harem !
Malheureusement pour moi, ces deux diables, le « Stan » et le « Héron », firent tant de merveilles que mes patrons avaient une chance d’enlever en 1952 des premiers championnats à l’Union… et ils décidèrent contre toutes les règles de la colombophilie de m’engager fin juillet à St. Vincent, moi qui n’avais plus ouvert les ailes depuis la fin avril. Ils me lâchèrent à une trentaine de kilomètres, je retrouvai mon mâle à mon retour. On me prit doucement…. On alla puiser dans une boîte une grosse cuillerée à soupe de sucre candi en on me passa tout ça dans le bec. « Elle ne me semble pas assez gonflée… », entendis-je re… « comme cela elle pourra :eut-être se classer… on ne sait jamais, elle est si peureuse qu’en tout cas elle ne rentrera nulle part dans un autre colombier » ! Je n’étais pas la seule engagée, non, j’avais une amie, une bleue plume blanche, une petite maligne, pas belle pourtant avec ses yeux jaunes, mais qui disposait d’une épaisseur et d’une souplesse d’aile vraiment extraordinaire, et qui se moquait éperdument des kilomètres. Plus on lui en flanquait dans les ailes plus elle se sentait à l’aise. Mais mon amie avait été bien préparée, tous les quinze jours, pendant que son mâle-veuf restait au colombier, elle était engagée à des Dourdan ou des Orléans… puis après être restée quelques minutes avec son mâle revenait au harem, tandis que moi on me laissa me morfondre dans ce harem… « Je l’engagerais bien avec la plume blanche tous les
quinze jours, entendis-je dire mon patron à Rikske le soigneur, mais avec elle on ne sait jamais.. . elle est capable de faire un quart d’heure de toit… et de gâcher ainsi l’arrivée des veufs » ! Et ce St. Vincent alors ? Quel temps de chien, de la pluie, toujours de la pluie. Mon amie se classa en tête… moi je rentrai tout juste à temps pour voir de loin mon patron s’engouffrer avec le constateur dans son auto pour le porter au local. Le concours venait donc de se clôturer. Une heure après mon patron revint… et j’entendis Rikske crier : »Monsieur, la « Peureuse » est rentrée, elle est aussi fraîche qu’une fleur… » « C’est tout bonnement formidable, quel pigeon ! » entendis-je répondre. Et dès ce jour, je montai dans l’estime de mes patrons.

La Peureuse ( à suivre )

[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ] 

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