la peureuse-pigeon
15 août 2020 Par admin

La « PEUREUSE » raconte (7) – pigeon voyageur

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Nous ne pouvons pas nous tromper… parce que nous ne savons pas comprendre! Si vous me lisez, croyez-moi donc, plutôt que de croire à ce qu’écrivent les chroniqueurs colombophiles ! C’est ainsi que la «Peureuse» commence sa dernière lettre, nous envoyée de Perpignan et elle continue comme suit. Ce n’est pas, chers amis colombophiles, parce que nous, pigeons, ne savons pas parler, qu’il nous est impossible d’entendre tout ce qui se raconte. Si je vous disais que nous sommes les vrais sages et que par conséquent nous nous taisons et laissons les autres parler, vous seriez sans doute étonnés. Et pourtant, y a-t-il chose plus sotte au monde que le
radotage des hommes…. Sans parler de celui des femmes, qui sont les championnes de la langue !
Voici en bref ce que je voulais vous dire. Perchée sur une branche d’un platane, sur la place de Perpignan, j’entends au-dessous de moi la conversation animée de deux hommes à barbiche — ça donne un air d’érudition, la barbiche — qui me parurent vraiment des érudits, des professeurs sans doute égarés sous ce platane pour étancher leur soif, mais qui, ayant pris l’un pastis après l’autre, me parurent décidés à mourir sous cet arbre bien-veillant, noyés dans l’alcool que ne cessait de leur servir le barman d’en face ! Ah, si déjà nous n’avions que cette supériorité sur le genre humain que nous ne buvons que quand nous avons soif et pas d’alcool encore, il me semble que cela devrait suffire pour arriver au ciel ! Et voici donc ce que j’ai retenu d’intéressant de leur dialogue sur l’intelligence de l’animal.
Le plus jeune des deux, le plus loquace aussi, tint à peu près ce langage: l’homme se sert des principes comme d’un flambeau pour guider ses pas dans la nuit. Il parvient même à se connaître soi-même (ah, si c’était vrai ! remarquai-je…) !
Et l’autre de poursuivre: non seulement nous pensons mais nous savons que nous pensons, ce dont l’animal est incapable… (qu’en savez-vous, pensai-je I ) Sur ce je m’envolai, car j’eus une peur bleue de devenir aussi intelligente que les hommes, ces rois de la création qui prétendent se connaître eux-mêmes… et pensent qu’ils savent qu’ils pensent ! Ces deux-là avaient naturellement oublié ce qu’il y a près de 23 siècles la Pythie de Delphes avait dit à Socrate:» Tu es le plus grand parmi les humains, parce que tu sais que tu ne sais rien- ! Mais si je continue à radoter de la sorte, mes chers amis colombophiles, vous ne saurez jamais comment, en 1954, après mon Périgueux, mon Libourne, mon St. Vincent et mon St. Sébastien, je remportai encore le 3e dimanche d’août le 10e prix au Bourges provincial et le 39e avec tout l’enjeu au national dans quatre mille pigeons ! Après le grand effort fourni tout au long des interminables kilomètres qui relient St. Sébastien à mon colombier, je fus soignée «aux petits oignons» ! Ne pensez pas qu’on me servit des oignons – le colombophile croit si vite que l’autre «sait» -non, on me mit dans la volière des veuves, bien au soleil et je reçus pendant quatre jours un mélange léger dépuratif à volonté, beaucoup de verdure et une boisson citronnée et légèrement sucrée.
Puis, mon patron alla me lâcher seule à Bruxelles et je retrouvai mon grand chéri le «Petit Bec» au colombier.
Ce fut le grand amour et huit jours plus tard je pondais mon premier oeuf – le cinquième de toute la saison. C’est le secret des champions au naturel de laisser pondre leurs bonnes femelles le moins possible. Espacer les pontes, c’est l’a b c du jeu au naturel ! Et quel est le x y z ? me demanderez-vous. C’est moins simple que pourriez le croire, car cela consiste à nourrir en proportion de l’exercice physique qu’effectue le pigeon. Le grand avantage de nos amis du sexe fort, joués au veuvage, c’est qu’ils ne s’engraissent pas du fait qu’ils font deux bonnes volées par jour, tandis qu’au naturel le grand handicap est souvent le manque d’entraînement et l’engraissement qui en est la conséquence. Pendant la couvaison ma forme monta lentement, car la nourriture que je recevais était très légère. Après la volée du soir que j’effectuais avec les pigeonneaux je retrouvai parfois couvant mes oeufs, dans mon nid…. ma voisine du casier au-dessous, une petite femelle bleue, que je chassai chaque fois avec rage. Pendant que je volais on mettait cette femelle – qui couvait également -sur mes oeufs.
Elle se croyait chez elle, figurez-vous et me rendait terriblement jalouse. Vous pouvez penser dans quel état d’alerte je me trouvais ! Mes jeunes sortaient des oeufs un jour avant terme – cela arrive les naissances avant terme ! En tout cas mes jeunes avaient six jours lorsque arriva le jour d’enlogement et je n’avais plus à craindre les effets néfastes de la bouillie pendant le séjour au panier.
Le jour de l’enlogement je fis une petite étape d’entraînement d’une quinzaine de kilomètres et …. je retrouvai à ma rentrée la fameuse petite femelle bleue sur mes jeunes ! Je n’eus même pas le temps de me battre avec elle, car on me mit en panier ! Puis ce fut l’enlogement et la belle étape de Bourges (500 km), juste de quoi ouvrir tous les gaz.., et de remporter un prix de tête remarquable avec tout l’enjeu !
Je retrouvai évidemment la petite femelle bleue sur mes jeunes…. Mais elle s’enfuit dès qu’elle me vit… Puis on me donna mon «Petit Bec» chéri… C’était la fin de cette année fantastique… et le repos bien mérité n’est-ce pas ?

La Peureuse ( à suivre )

[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ] 

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