La « PEUREUSE » raconte (9) – pigeon voyageur
Je sais très bien, mes chers lecteurs de « Pigeon Rit », qu’il faut être en bonne forme pour se classer en tête dans un « national », mais ce que je sais également, c’est qu’il faut être en toute grande forme pour écrire un article. Serait-il donc vrai que l’effort du cerveau est plus épuisant encore que l’effort des muscles ? En tout cas je préfère abattre mille kilomètres par un vent d’est que d’écrire ma lettre mensuelle que je vous ai promise. La grande forme…. non, je ne l’ai pas pour le moment. La forme relève autant du psychique que du physique. Le pigeon en santé idéale ne fait rien de grand s’il n’est pas poussé par un ressort intérieur qui mobilise toutes ses forces… L’art du colombophile ne consiste-t-il pas à nous préparer autant psychiquement que physiquement? Les forces mystérieuses qui mettent en branle toutes nos ressources physiques sont de la plus haute importance… et le colombophile fera bien d’y songer le soir quand il se met au lit et que sa tendre moitié commence à lire l’évangile…. Avec tous les reproches que cela incombe ! Comment préparer mon pigeon pour le concours prochain, non seulement quant au physique, mais également quant au psychique ? Je vous entends dire… «Oh, le pigeon n’a pas d’âme… tout le psychique chez lui c’est de la blague» ! Ce n’est pas mon avis… et j’estime que tout l’art du colombophile consiste à éveiller nos instincts. Au fond n’est-ce pas la même chose ? S’il est vrai que les racines des mots révèlent la nature des choses, comme pensait Platon, il est tout aussi vrai qu’il y a des synonymes qui au fond veulent dire la même chose et dans notre petit monde à nous les bêtes, la vie de l’âme, le psychique, c’est la vie de nos instincts. Je ne parle donc pas pour ne rien dire ! Et le colombophile commettrait une grave erreur en ne me prenant pas au sérieux. Voyez-vous, chers amis, ce qui est très grave pour nous, petits pigeons, c’est que les années durent si longtemps. Après douze ans nous sommes «fichus», les hommes «tiennent» presque dix fois plus longtemps. Pour eux voir arriver l’automne et l’hiver n’est pas tellement grave, quoique à un certain âge, cela vous prend au coeur de voir tomber les premières feuilles…. Combien de fois encore ?…. pense-t-on alors ! Mais pour moi, qui compte maintenant presque 12 ans, cette angoisse devient hallucinante… Sera-ce la dernière année ? Verrai-je encore les feuilles tomber l’année prochaine? Ou plutôt verrai-je bien le printemps prochain avec son renouveau de vie ? Si la terre tournait dix fois moins vite, chers amis, que diriez-vous à l’automne de chaque année, d’une année qui durerait dix ans ? Oh, qu’alors la venue du printemps serait une grande fête… une fête que vous ne fêteriez plus alors une centaine de fois… mais disons au maximum dix fois ! Eh bien, c’est cela notre vie à nous, chers amis. Pensez-y parfois… et pensez alors à ce qu’il y a d’éphémère dans la durée du temps. Peut-être deviendrez-vous alors un peu meilleurs ! J’ai la nostalgie des temps passés, de «mon» passé et j’ai la crainte de «mon» avenir en voyant tomber les premières feuilles des platanes sous le choc véhément des vents chassants de Perpignan qu’on nomme la capitale du Vent ! Et malgré cela, je vous écris quand-même, car j’ai cela dans la peau de me donner. C’était ainsi quand j’abattais les centaines de kilomètres, c’est encore de même maintenant que je dois vous apprendre des choses sur ma vie de voyageuse. Ah ! avoir quelque chose dans la peau…. Quelle fortune. Il y a des pigeons qui n’ont que des muscles sous la peau, moi j’ai une âme, une volonté qui me force d’agir. J’ai cela de ma grand-mère et de mon grand-père qui eux, descendaient directement de la fameuse «Boerinneke» de Huyskens-Van Riel. De tout ceci je vous parlerai dans ma lettre prochaine.
A bientôt !
La Peureuse (fin)
[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ]
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