La sélection des pigeons
8 août 2021 Par admin

La sélection des pigeons

La sélection des pigeons

Débutant:
Parmi les qualités d’un pigeon il y en a une qui me parait bien difficile à définir, notamment la qualité de l’équilibre, et qui, d’après toi, se juge dès la prise en mains.

Victor :
Tu dis vrai, cher ami, mais cette difficulté provient surtout du fait que les références, les comparaisons, avec des modèles parfaits de pigeon sont presque nécessaires pour avoir une idée approximative de cet équilibre.
Nous ne devons pas, pour autant, nous décourager. En prenant souvent nos pigeons en mains, et cela à des périodes différentes, nous nous faisons petit à petit la main, comme on dit à juste titre. Mais, si nous avons le privilège de manipuler de très bons pigeons, cette «main» nous la ferons très vite.
La recherche de l’équilibre, de la balance, est une réelle joie pour le colombophile. L’artiste la ressent quand il crée.
Socrate disait que la beauté, tout comme l’amour, était un «intermédiaire», et que, pour eh juger la qualité, il fallait se référer à l’idée de la beauté parfaite et de l’amour parfait.
Dans les pigeons c’est un peu ainsi : la perfection, on a le sentiment de ne jamais l’avoir atteinte, mais on peut juger de l’état d’équilibre chez un pigeon en se créant une certaine idée de cet équilibre parfait. Cette idée, je vais tâcher de te la créer en décomposant les éléments qui jouent en faveur ou en défaveur de l’état d’équilibre chez le pigeon.



Débutant :
Cet équilibre, je suppose, on ne pour-ra en juger convenablement que si le pigeon est en condition physique parfaite. Car j’ai constaté qu’un pigeon pouvait fort changer; qu’un jour il parait très bien tenir ensemble, tandis qu’un autre jour on le croirait comme disloqué.

Victor :
Ta remarque est pertinente, toutefois il faut se méfier d’un pigeon qui se déséquilibre. Ses prestations sportives seront irrégulières, et sa forme rare. Non, un vrai bon pigeon se tient presque toujours en équilibre, et ne change que fort peu.

Débutant :
Ces choses que tU viens de me di-re sont intéressantes parce qu’elles éclairent le problème. Mais celui-ci n’est pas pour autant résolu. Or donc, qu’entends-tu par un pigeon équilibré ?

Victor :
Un pigeon équilibré est un pigeon dont les qualités physiques du corps proprement dit et celles de sa capacité de vol sont en bon équilibre. Et je vais tâcher de te l’expliquer de mon mieux. J’ai eu tant de pigeons extraordinaires en mains que j’ai eu tout le temps de me faire une «certaine idée» de cet équilibre.

Débutant :
Et cet équilibre est-il le même pour le pigeon de vitesse, pour le pigeon de demi-fond et le pigeon de fond ?

Victor :
Si nous pouvons atteindre la perfection, oui, alors cet équilibre parfait conviendrait pour toutes les distances. Mais, en fait, il n’en est pas ainsi parce que, malheureusement, il y a toujours, chez un être imparfait, les défauts de certaines qualités. Et tant que nos connaissances sont limitées, et elles le resteront toujours, force nous est de nous contenter chez le pigeon des qualités spécifiques, qui ne sont pas toujours universelles, mais convenant mieux ou pour la vitesse ou pour l’endurance.
La «comparaison» est instructive quand on examine l’équilibre de ses pigeons. Le fameux «45» des frères Cattrysse de Moere, qui fut un des meilleures pigeons belges, avait toute une série de frères, provenant du «Pette» et de la «Mette», le couple de reproducteurs extraordinaire de ce colombier.
Maurice Delbar de Renaix était venu avec moi voir ces fameux voyageurs, alors au faîte de leur gloire. Les fils du fameux couple de producteurs se ressemblaient assez bien extérieurement : des bleus de corpulence moyenne. Mais il y en avait un parmi eux dont l’équilibre était meilleur, et c’était le «45». Il était plus aérodynamique : rien ne «dépassait» chez celui-ci. Quand un cycliste se prépare au sprint de l’arrivée, il jette par des-sus bord tout ce qui prend du vent, tout ce qui dépasse : son bidon… et ce qu’il a encore dans ses poches. Ce ne sont pas ces quelques grammes qui font l’affaire, mais c’est l’aérodynamisme qui est handicapé par ces protubérances qui freinent à l’avancement.
L’aérodynamisme, cette faculté de pénétration dans l’air, est donc un élément important de l’équilibre.
Quand vous prenez un pigeon en mains vous ne pouvez avoir l’impression qu’il présente des «trous». Tout doit être bien rempli, gonflé à l’avant, mais serré à l’arrière. Cette sensation, on ne la ressent que chez le pigeon fortement et souplement musclé, et dont le bréchet est suffisamment long pour le couvrir fort loin à l’arrière par le dessous, et chez de tels pigeons le dos est toujours bien soudé avec la queue sans «trou» entre les deux.

Débutant :
Je comprends, cher maître, qu’il ne s’agit là que des qualités du corps du pigeon, mais qu’en définitive, pour juger de l’équilibre total il faudra surtout examiner attentivement l’aile du pigeon, en fonction du corps qu’il doit entraîner dans l’air.

Victor :
C’est le corps qui entraîne l’aile, et c’est l’aile qui entraîne le corps. Il n’y a pas à sortir de là, et quand on examine un pigeon il faut juger en faisant des estimations quant à l’équilibre total. C’est peut-être ce qu’il y a de plus difficile. Il ne s’agit pas de mesurer en centimètres la longueur de l’aile et de l’arrière-aile, mais de juger en fonction d’un tout. Les erreurs que nous commettons quand nous jugeons un pigeon proviennent du fait que nous analysons les «parties» d’un pigeon, et que par là nous perdons de vue leur relation avec le tout.
Réfléchissons un peu.
Si nous avons constaté souvent que nous nous trompons rarement sur un pigeon en nous fiant à la «première impression» quand nous le prenons en mains, cela provient précisément du fait que «l’intuition» est souvent un mode de connaissance supérieur à la méthode de l’analyse.
Pourquoi ? Parce que l’intuition supprime le dé-tour, souvent scabreux, de notre raisonnement conditionné par des «a priori». L’intuition est un mode de connaissance «direct» qui nous trompe rarement. Mais, avant qu’elle porte ses fruits cette méthode directe doit pouvoir s’appuyer sur une longue expérience, qui, goutte à goutte, a conditionné nos mains, au fil des centaines de bons pigeons que nous avons attentivement examinés et comparés.



Débutant :
Tout cela me paraît assez juste «en théorie»… mais dans la pratique je ne vois pas ce que cela peut donner. Un fait est certain : moi, quand j’examine mes pigeons, j’di toujours la sensation de n’être pas sûr de moi…

Victor :
Mais, mon cher ami, moi aussi !
Et c’est pourquoi, souvent, le soir, je monte à mon colombier… pour me faire la main. Ou crois-tu qu’un joueur de billard, p.ex. s’il n’entraîne pas continuellement son «coup de queue» peut acquérir une certaine «certitude de réussir un coup» ? Mais s’il s’entraîne très fort jusqu’à ce que cela «aille tout seul», alors il est arrivé au point où nous désirons arriver quand nous jugeons d’un pigeon : Une «intuition» qui n’a que faire du «raisonnement».
D’ailleurs n’as-tu pas remarqué, cher ami, que presque toujours «l’intellectuel», le type bourré de théorie, se trompe plus facilement que le colombophile que nous appelons, à tort, un «primaire»?
Et c’est pour ce bon motif que, hier soir encore, je suis monté au colombier, pour y prendre, dans l’obscurité, mes pigeons. Et j’en ai mis trois au panier, que j’ai éliminés «par intuition» en me basant seulement sur l’équilibre. Ce matin je les ai revus, car je ne savais pas quels pigeons j’avais «déclassés». J’avais déclassé deux demi-frères et le fils de l’un d’eux.

Débutant :
lis avaient sans doute tous les trois le même défaut ?

Victor :
En effet, ils avaient les deux défauts suivants, qui souvent vont de pair : premièrement ils n’avaient aucune résistance à l’arrière du dos : des plumes, oui, mais rien en dessous — et en second lieu… ils finissaient par «fondre» dans ma main, ils devenaient «flasques» au lieu de rester «tendus», et après deux minutes j’a-vais l’impression de pouvoir les tordre comme un chiffon.

Débutant :
Mais comment cela est-il arrivé, car je crois que tu es si sévère dans le choix de tes producteurs ?

Victor :
Le père des demi-frères a toujours donné des pigeons vigoureux. Mais il s’est fait vieux. Je croyais qu’après la seconde mue les deux se seraient repris, mais c’est le contraire qui est arrivé. Ils sont déjà vieux avant l’âge. Mon ami ! Si tu savais comme cela arrive sou-vent ! Et le déclin d’un colombier se dessine presque toujours par des phénomènes pareils : la vieillesse des producteurs. Ce n’est pas vrai pour tous les pigeons qui prennent de l’âge, mais il faut veiller au grain, avant qu’il ne soit trop tard. Le pigeon qui se déséquilibre doit être radicalement sorti d’une culture.

Débutant :
Je vois que j’ai encore beaucoup de chemin à parcourir avant d’arriver à me faire vraiment la main…

Victor :
Mon jeune ami, si seulement, moi aussi, j’avais cette chance… mais je me fais vieux, et pourtant, souvent encore, le soir, je monte à mon colombier quand ma femme est au lit, et je tâche d’apprendre… d’apprendre toujours !



Débutant :
Je n’oublierai pas cette leçon… cher maître, mais, la prochaine fois, me parleras-tu un peu de l’aile ?… car je crois que ce n’est pas si difficile…

Victor :
Rien n’est facile en colombophilie, mais quel enrichissement que de pouvoir s’attaquer aux choses difficiles !

[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ] 

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