L’importance de la sélection des pigeons voyageurs
Débutant:
Tu m’as dit et répété souvent que l’avenir d’un colombier dépendait avant tout de la sévérité dans la sélection des pigeons. Mais « sélectionner » veut dire « choisir ». Et toute la question se situe dans cette simple question: « comment choisir ». Et, à ce sujet, la réponse ne doit pas être évidente.
Victor:
Raymond Devos, qu’on connaît pour ses jeux d’esprit par ses jeux de mots, a confessé un jour: « C’est quand on s’oublie soi-même, qu’on touche à la vérité… ». Le colombophile doit réfléchir à ces quelques mots avant de faire la sélection de ses pigeons. Car chaque colombophile a « son » caractère, « ses » faiblesses, ses préférences et ses favoris.
Débutant:
Mais ce qui m’intéresse, quant aux -faiblesses », est de savoir celles qui sont le plus fréquentes, celles qui m’handicapent, moi, dans la sélection de mes pigeons.
Victor:
La plus grande, à mes yeux, est celle de laisser son jugement se conditionner par l’auréole qui entoure un grand « nom »… une grande « race ». Il n’y a pas de race sans « casse », c.-à-d. qu’une race n’a de valeur que par la sévérité que le « champion » y met quand il sélectionne ses pigeons. C’est une des raisons pour lesquelles on réussit très souvent le mieux avec des pigeons d’un petit colombophile, petit parce-qu’il a peu de pigeons, suite à une sélection ultra-sévère, souvent même par manque de place dans ses colombiers.
Débutant:
Ce que tu me dis là m’étonne. Ne croirais-tu pas aux grandes » races?
Victor:
De moins en moins, cher ami. Beaucoup de « grands » sont sévères dans la sélection. Cela ne veut pas dire qu’ils sacrifient pour la cuisine les pigeons qu’ils ont condamnés. Ils les vendent. Un jour, l’incomparable manager du colombier Havenith de Hoboken me dit ceci: pour obtenir un bon pigeon il faut d’abord « acheter » le propriétaire, ou du moins se lier d’amitié avec lui. « Toi tu y es parvenu avec moi et avec monsieur Havenith… C’est la raison pour laquelle je ne te vendrais jamais un pigeon si je savais que tu n’avais que peu de chances de réussir avec.
Débutant:
Et Gust était un sélectionneur à outrance. Tu m’as raconté que lors du derby des pigeonneaux sur Dourdan par vent chaud de Nord-Est, il constata une dizaine de jeunes en bon ordre. Mais l’autre moitié des engagés, il leur tordit le cou au fur et à mesure qu’ils arrivaient. Havenith devait sa renommée mondiale à cette sévérité extrême.
Victor:
Gust, qui était un connaisseur assez exceptionnel du pigeon, connaissait ses limites… car le panier était, pour lui, encore meilleur connaisseur que lui-même.
Débutant:
C’est peut-être là « tout » le secret dans la sélection?
Victor:
C’est en tout cas ce qui réussit aussi à merveille chez André Roodhooft qui procède un peu de la même manière. En fait, c’est une grande leçon d’humilité. Et on approche de la vérité, comme disait Raymond Devos, quand on s’oublie soi-même. C’est-à-dire quand on ne croit pas avoir en soi tout seul, toute la connaissance!
Débutant:
D’accord! Mais tu sélectionnes quand même tes propres pigeons par la main… et quelles sont les qualités essentielles que tu recherches?
Victor:
Je dois t’avouer que je me trompe parfois. Et c’est souvent le cas avec les pigeonneaux qu’on doit trier sans que le panier l’ait déjà fait à ta place. Ce n’est pas facile! La raison est simple: la croissance d’un pigeonneau nous réserve parfois des surprises. Leur physique évolue parfois en leur faveur. Il faut, pour ne pas commettre trop d’erreurs de jugement, les examiner à l’intervalle de quelques mois. C’est là tout le mystère des tissus qui composent l’organisme.
Débutant:
Mais cette évolution favorable ou défavorable chez tel ou tel pigeon, sur quelles qualités essentielles porte-t-elle?
Victor:
Il y a, d’abord le plumage, la souplesse des dernières rémiges ainsi que leur conformation. Le plumage d’un pigeon disposant d’une vitalité organique parfaite est soyeux, au toucher. Le C.X., c’est-à-dire le degré de la pénétrabilité dans l’air, chez le pigeon, c’est pour une grande part le plumage qui la conditionne. Pour René Genette et Gust Ducheyne un plumage soyeux constituait la valeur sportive première chez le pigeon. L’élément qui facilite la pénétration dans l’air.
Débutant:
Cela ne me paraît pas difficile à déceler: le « toucher » du pigeon vous fixe d’emblée sur cette qualité. Mais il y a tant d’autres choses qui conditionnent ses prestations sportives…
Victor:
Il y a ensuite la musculature. Des épaules larges bien musclées au départ de celle-ci. Un bréchet long… et donc une musculature alongée, ce sont là des qualités à rechercher. Un chassis rigide supportant bien l’effort musculaire, et un arrière train bien compacte et soudé, voilà également des qualités à rechercher. Le Dr. Bricoux disait: un pigeon doit ressembler à une « poire »… Pour être bref, on peut dire de tels pigeons qu’ils vous « tombent bien dans la main » au tout premier examen. Georges Fabry me disait à ce sujet que s’il fallait attendre longtemps pour donner son avis sur un pigeon après la prise en main, cela ne lui disait rien de bon quant à sa valeur sportive.
Débutant:
Mais pour avoir ce « feeling » il faut déjà avoir manipulé beaucoup de bons pigeons… Car si je comprends bien il s’agit de pouvoir juger si le pigeon est équilibré dans son ensemble.
Victor:
Pourtant cela s’apprend assez vite. Il suffit de « comparer » ses propres pigeons les uns aux autres. Tu finiras par « sentir » qu’il y a des différences.
Débutant:
Mais la tête, les yeux… ce que tous les colombophiles ne manquent pas d’examiner longtemps…
Victor:
Pour y voir peu de choses. Néanmoins un pigeon curieux dénote l’éveil de ses instincts. Une pupille qui bouge, une tête en mouvement et qui « observe », une luminosité dans une richesse dans la pigmentation de celui-ci, tout cela peut être révélateur d’un bon pigeon… Mais ce qui se passe « dans » la tête qu’en savons-nous? Il faut être présomptueux pour faire croire qu’on a le secret de percer ce secret! Et à ce sujet j’ai lu cet été un des meilleurs articles que j’ai connus dans ma longue carrière colombophile. Il a paru de la plume de notre éminent collaborateur le prof. Van Grembergen dans Pigeon Rit août 1 et 2 sur le trajet suivi par le pigeon par vent latéral. Il faut le lire et relire… car tout se passe dans la tête du pigeon, qui avouons-le, a pour seul but de regagner « le plus vite possible », son colombier. Et là, à part le degré de sa motivation, il se passe quelque chose dans sa tête.
L’exactitude du « calcul » que le pigeon fait pour atteindre ce but dépend de l’intelligence de son instinct, dans la recherche des couches d’air les plus favorables. Grand mot… mais qui mérite qu’on en approfondisse sa signification chez le pigeon voyageur.
Débutant:
Pour une prochaine fois, peut-être?
Victor:
A mon âge je dis toujours « peut-être » et s’il plaît à Dieu.
Noël De Scheemaecker
Notices :
- La croissance des pigeonneaux réserve parfois des surprises. Leur physique peut évoluer tout aussi bien positivement que négativement. C’est la raison pour laquelle il faut les examiner à intervalle régulier et noter ses impressions dans leur évolution. Cela facilitera la tâche de la sélection en main.
- Un pigeon curieux dénote l’éveil de ses instincts, une pupille qui bouge, une tête en mouvement et qui « observe », une luminosité dans l’oeil et une richesse dans sa pigmentation, tout cela peut être révélateur d’un bon pigeon. N’oublions cependant jamais que ce qui se passe dans la tête, est et reste pour chaque colombophile un mystère… heureusement.
[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ]
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