La stérilité des pigeons
La stérilité des pigeons, c’est l’inaptitude à donner des descendants viables. On voit donc que le problème est très large et dépasse singulièrement celui de ‘la femelle qui ne pond pas’ ou ‘du mâle qui coche clair’.
Cela comprend donc non seulement ces 2 cas mais encore la mortalité de l’embryon dans l’oeuf, la mortalité à la naissance (à l’écaille ou dans les 2 premiers jours), la mortalité au nid, le plus souvent entre le 8e jour et le sevrage.
Pendant tout ce temps, de la ponte au sevrage, le jeune est totalement sous la dépendance de ses parents tant au titre de l’hérédité qu’à celui des maladies congénitales (transmises à l’oeuf ou au pigeonneau). La stérilité vraie, de base dirai-je, c’est l’absence d’oeuf chez la femelle, l’absence de spermatozoïdes chez le mâle. Il peut s’agir d’une déficience d’origine héréditaire. Dans certaines lignées il apparaît chaque année un petit pourcentage de femelles stériles, qui ne pondent jamais. Un de mes bons amis a eu toute une lignée ainsi. Le pigeon de base, grand crack avait une soeur — remarquable voyageuse — stérile.
Et pendant 20 ans, dans cette lignée, il a eu environ 5% de femelles stériles. Cette infirmité, lorsque la femelle est bonne au voyage, peut être un atout car elle accepte alors très facilement oeufs, pigeonneau à grains etc… La mise en forme s’en trouve grandement facilitée. Par contre, ce sont, semble-t-il, de mauvaises femelles de veufs très mal acceptées. De même certains mâles — plus rares — sont stériles ‘de naissance’. Certains mêmes n’ont pas de caractères mâles, les glandes sexuelles restent infantiles, non développées. Je en ai possédé un comme cela. Par curiosité je l’ai gardé 3 ans. C’est à l’autopsie que j’ai été certain que c’était un mâle: il ne s’était jamais accouplé, n’avait, bien sûr, jamais rien fait de valable au concours. L’âge provoque peu à peu la dégénérescence des glandes sexuelles. La stérilité sénile apparaît cependant à des âges variables. La plupart du temps vers 12 ans avec des durs qui tiennent jusqu’à 14 -15 ans, parfois plus (mais méfiance pour les mâles, il y a aussi… les copains) et plus courants chez les mâles que les femelles.
Plus précoce, la stérilité est souvent la conséquence d’une maladie microbienne des glandes génitales.
La stérilité, au sens large évoqué plus haut, a souvent des causes indirectes: il est évident que l’état général de la colonie conditionne son rendement à l’élevage. Dans ce cas, les cas de stérilité touchent une proportion plus ou moins importante des éleveurs. Chez les éleveurs de pigeons de fantaisie ou de cuisine, souvent moins bien tenus que les voyageurs, il n’est pas rare de s’entendre dire « mes 10 couples ne m’ont donné que 5 jeunes dans l’année ». Pourquoi? D’abord, les parasitismes anémiants (vers capillaires, coccidioses graves en particulier) en provoquant l’amaigrissement, la diarrhée entraînant peu à peu le sommeil des glandes génitales: pontes espacées, oeufs clairs, mortalité néo-natale à causes multiples que nous verrons plus loin. On y ajoute le manque de lait (pape): les nouveaux-nés meurent de faim, maigres, le jabot vide. A côté du parasitisme, il y a les erreurs alimentaires. De nos jours, les pigeons ont de plus en plus de difficultés à compenser dans la nature, les carences de leur alimentation.
Les pigeons campagnards ne sont pas beaucoup mieux lotis que les citadins. Dans les champs il n’y a plus guère de ces petits limaçons, de ces petites graines ‘déchets de batteuse’ qu’on trouvait au champ en abondance, dès le printemps. Les traitements antiparasitaires, antifougiques, insecticides ont fait disparaître tout cela, tout comme les techniques modernes ont supprimé toutes les petites graines de plantes de parasites des cultures des céréales (sauves, vescillons etc…), les désherbants sélectifs sont passés par là.
De nos jours, il y a plus de chances de trouver au champ une intoxication, chronique ou aiguë, qu’un complément instictif de la ration. Bien sûr, les reproducteurs en volière, nourris de façon illogique seront encore bien plus exposés à ces carences. Et si on connaît de mieux en mieux les besoins profonds de nos pigeons et dispose de produits para-alimentaires de mieux en mieux calculés, il y a encore de profondes lacunes à combler. La carence (oligo-éléments, protéines, cellulose acides aminés essentiels) intervient de diverses façons.
Directement quand le manque interdit la formation d’un embryon ou d’un oeuf normal. Indirectement quand la carence alimentaire favorise les entérites, les déficiences hépatiques et rénales, favorisant du même coup les affections microbiennes ‘de circonstance’ telles que la colibacillose. 90% des oeufs clairs contiennent des colibacilles qu’on retrouve dans le foie, le coeur, les reins des pigeons de la colonie.
Enfin, l’habitat joue un rôle essentiel. Direct quand il y a humidité, absence de soleil, aération insuffisante, surpopulation. Indirect quand cet habitat défectueux, souvent aggravé par une hygiène insuffisante, favorise les parasitismes intestinaux entraînant entérité et colibacillose, donc mauvaise assimilation des éléments nutritifs: carences et microbismes s’y ajoutent. La stérilité peut être due à une maladie spécifique provoquant directement l’inflammation et la dégénérescence des glandes génitales. Le microbe infecte facilement ces organes. Cela a deux conséquences directes. D’abord, dans un premier temps, l’embryon est infecté dès sa conception (rapprochement sexuel) et va se développer plus ou moins bien et longtemps: mortalité embryonnaire très rapide (colibacillose) plus tardive (salmonellose au 12° jour d’incubation) néonatale (staphylocoque).
Les rescapés seront pour la plupart des ‘porteurs sains’, véritables réservoirs du microbe, très dangereux. Beau-coup de ces rescapés pousseront mal, seront victimes d’un parasitisme (ou plusieurs) en particulier la trichomonose qui provoquera leur mort vers le 20° jour, le plus souvent par complications respiratoires (râle, pneumonie, coryza). Ensuite, l’inflammation chronique provoque peu à peu une dégénerescence progessive avec pontes espacées, un oeuf clair sur deux etc. jusqu’à la stérilité complète, ou bien la femelle ne pond plus, ou bien (quand le mâle est atteint), oeufs clairs systématiquement.
La stérilité peut être secondaire: en effet la coquille de l’oeuf est très poreuse et les gaz (gaz carbonique, méthane, ammoniac des fermentations) les liquides vapeur d’eau (eau, solutions fécales), les germes microbiens traversent la coquille très facilement. Tout cela peut provoquer la mort de l’embryon rapidement par simple intoxication ou par développement du microbisme dans le milieu nutritif et chauf qu’est l’oeuf couvé. La contamination microbienne peut se faire à la ponte (au niveau du cloaque), au contact de fientes infectées au fond du nid.
Que faire contre la stérilité?
D’abord il y a le cas isolé, sans importance, on supprime. Ce peut-être aussi un vieux reproducteur, parfois une bonne femelle (j’ai soigné ainsi il y a un an une grande championne de grand fond allemande) qui ne reproduit plus ou n’a jamais pondu. Alors quelques jeunes supplémentaires, quelques pigeonneaux de ce bon pigeon. Il s’agit d’une déficience glandulaire sous la dépendance de glandes à sécrétion interne (hypophyse, ovaire, testicule, principalement).
Sauf dégénérescence totale due à l’âge (il est toujours très recommandé d’agir dès l’apparition des premiers signes de stérilité d’un vieux pigeon, un traitement à base d’hormones antehypophysaires (prolans) pendant un mois (10 injections) donne de bons résultats, souvent couronnés d’un élevage de valeur.
En ce qui concerne les stérilités microbiennes, il va sans dire qu’il faut d’abord y voir clair. Le plus souvent, elles sont anciennes car on réagit rarement dès le premier cas. Bien souvent, on a trié les premiers déficients (et on a bien fait) et ce n’est que lorsque les signes deviennent fréquents et multiples que l’amateur s’enquiert des causes. Le traitement sera spécifique, prolongé, patient.
Quand tout ira mieux, on fera un triage pour éliminer tous les pigeons définitivement marqués, devenus sans valeur. En matière alimentation, il faut d’abord avoir notion de l’équilibre de la ration. L’excès d’orge pendant la morte saison, l’insuffisance prolongée de légumineuses, l’abus du mélange froment, maïs, trop pauvre en protéines, en cellulose, en minéraux sont autant de causes de stérilité. Il faut savoir que les carences s’établissent lentement mais se composent au moins aussi lentement. L’équilibre de la ration de base, l’apport minéral y compris les oligo-éléments, vitaminique doit être un souci quotidien et non uniquement pendant l’élevage.
En matière d’hygiène, il faut se dire aussi que les efforts bénéfiques non nocifs sont progressifs et que la négligence, l’illogisme dans la conception du colombier et la direction de la colonie se paient très cher et très longtemps. Là, comme ailleurs, le hasard est rarement en cause.
Dr. J.P. Stosskopf
Notices:
- De la ponte au sevrage. le jeune est totalement sous la dépendance de ses parents tant au titre de l’hérédité qu’à celui des maladies congénitales transmises à l’oeuf ou au pigeonneau.
- De nos jours, les pigeons ont de plus en plus de difficultés à compenser dans la nature, les carences de leur alimentation. Les pigeons campagnards ne sont pas beaucoup mieux lotis que les citadins. Dans les champs il n’y a plus guère de ces petits limaçons, de ces petites graines ‘déchets de batteuse’ qu’on trouvait au champ en abondance, dès le printemps. Les traitements antiparasitaires, antifougiques, insecticides ont fait disparaître tout cela, tout comme les techniques modernes ont supprimé toutes les petites graines de plantes parasites des cultures céréales (sauves, vescillons etc…), ?es désherbants sélectifs sont passés par là. De nos jours, il y a plus de chances de trouver au champ une intoxication chronique ou aiguë, qu’un complément instinctif de la ration.
- La stérilité vraie, c’est l’absence d’oeuf chez la femelle, l’absence de spermatozoïdes chez le mâle.
- L’illogisme dans la conception du colombier et la direction de la colonie se paient très cher et très longtemps.
[ Source: Article édité par Dr. J.P. Stosskopf – Revue PIGEON RIT ]
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