théorie alaire – pigeon voyageur
20 avril 2020 Par admin

L’aile et le vol (3) – pigeon voyageur

théorie alaire – pigeon voyageur

Le lecteur attentif a pu se rendre compte que j’ai déjà, au cours de précédents articles, eu l’occasion de présenter quelques éléments de cette théorie.

A. Les muscles du vol et les muscles de l’aile.
Tout d’abord, je dois citer Ch. Vanderschelden qui fut un des pères de la théorie alaire. Dans « Les caractères alaires » (1956) et le « Vade-Mecum du colombiculteur » (1962), nous trouvons ceci: « les muscles pectoraux ne sont que des muscles apposant qui forment un matelas élastique entre l’effort des muscles de l’aile et la carcasse.  » Pour moi cela est tout à fait incompréhensible: les muscles se contractent et produisent des mouvements; les muscles pectoraux ne servent donc pas d’amortisseurs, ce qui est le rôle du coracoïde.
Une autre erreur: « les muscles pectoraux ne jouent un rôle qu’à l’envol et à l’atterrissage. En plein vol, dès que le pigeon a pris sa vitesse de route, leur rôle devient nul ou presque. » Cela n’a pas empêché ces hérésies d’être reprises et développées par quelqu’un se prétendant être le dernier élève de Vanderschelden. Il s’agit en réalité de Rik Vrancken, auteur du livre. »Pigeons plus rapides », de 1984. Très peu de temps après sa parution, j’ai eu l’occasion de lire plusieurs commentaires, tout à fait élogieux.
J’ai personnellement toujours refusé d’en faire car je trouve qu’il contenait trop d’erreurs « biologiques ». Je fus très irrité’ par un texte portant ce livre au ciel: « la méthode’ alaire de Rik fut confirmée de A à Z par toute une brochette de professeurs d’Université de réputation mondiale. Ce livre est un véritable soufflet pour tous ceux qui déconsidèrent la théorie alaire par ignorance ou fantaisie car celle-ci est actuellement acceptée dans son entièreté par le monde scientifique. » Un chroniqueur d’articles de vulgarisation ayant un fondement scientifique doit adhérer à certaines règles déontologiques.

 

Il lui faut donner un minimum de renseignements en ce qui concerne’ les sources et méthodes. Mais il doit surtout être indépendant, critique et objectif. J’avais donc le choix: donner libre cours à la critique ou me taire. J’avais à l’époque opté pour le second choix après mûre réflexion. Mais aujourd’hui 6 années plus tard, l’occasion se présente de rompre le silence et d’émettre des critiques pour étayer mes propres dires.
1. Tout d’abord V. Vansalen (un spécialiste de l’aile) qui dans son livre. « Les qualités alaires du pigeon voyageur » (1976) prend ses distances avec les théories de Vanderschelden sur les muscles (par exemple, p. 18).
2. Pour prouver ses dires, Vrancken cite toute une série de biologistes principalement des Allemands (comme Bilo, Rüppel, Herzog). Je puis pourtant affirmer avec vigueur qu’aucun biologiste au monde, vraiment aucun, n’ait dit ou écrit quelque chose qui soit différente des explications que j’ai données précédemment du mécanisme des battements d’aile. Mieux encore, Dial et coll. (U.S.A.) ont étudié scientifiquement le vol du pigeon (1988-1989). Ils ont suivi à l’aide d’un télémètre (c’est-à-dire à distance) des pigeons en vol et grâce à des électrodes implantées dans les muscles pectoraux, ils ont pu montrer (électromyogramme, à comparer avec l’électrocardiogramme) que lors de l’abaissement de l’aile c’est le grand pectoral qui se contracte et que lorsque le pigeon relève l’aile, c’est le petit pectoral qui travaille.
3. Voici encore quelques exemples d’erreurs tirées du livre de Vrancken. A plusieurs endroits, le lecteur peut lire que les grands pectoraux sont de peu d’importance (p. 76) et qu’ils interviennent de façon énergétique uniquement lors de « envol et de l’atterrissage (p. 82); « que le déroulement du vol se fait via les muscles de l’aile et constitue un processus qui demande peu d’énergie » (p. 148); « les muscles pectoraux jouent seulement un rôle lors de l’élévation ou de la descente. En vol de croisière, lorsque le pigeon a atteint sa vitesse, leur rôle est minime voire quasi nul » (p. 152); « c’est le grand pectoral qui assure le déploiement et le repliement de l’aile » (p. 222). Cela est tout simplement impossible.
Si Vrancken devait avoir raison, alors l’organe le plus important du pigeon (les muscles pectoraux) n’aurait qu’un rôle dérisoire à jouer. En vérité, il n’est pas possible que la nature ait commis une telle erreur D’ailleurs Vrancken lui-même cite une série de paragraphes inspirés de livres scientifiques et qui s’opposent directement à ses propres théories!
En voici quelques exemples:
a) une traduction du livre d’un biologiste allemand, G. Rüppel: « dès que le grand muscle pectoral se contracte, l’aile est abaissée. Par contre, le petit muscle pectoral et le muscle deltoïde relèvent l’aile (p. 81 ).
b) Une traduction d’un extrait du livre du Professeur K. Herzog _ « Anatomie und Flugbiologie der Vogel, 1968 ». Les deux coracoïdes forment deux piliers résistant au puissant travail des muscles pectoraux (p. 86).
c) Un extrait du livre » Le vol dans le règne animal » (1950) du Prof. Slijper, p. 87 et 89: « Le muscle responsable de l’abaissement de l’aile est le grand pectoral… Le relèvement de l’aile s’accomplit par l’intermédiaire du petit pectoral (m. supracoracodeus ou m. pectoralis minor) » (p. 127). Et plus loin: « les très nombreux muscles des avant-bras jouent un rôle négligeable lors de l’abaissement et du relèvement des ailes. Leur rôle est surtout de donner à l’aile sa solidité, son 1 maintien ou d’en changer la forme, le profil; de modifier l’angle d’attaque ou l’angle entre le bras et la main.
Par conséquent, ces muscles ont un rôle important pendant le vol. Je vais m’arrêter ici. Dans tous les cas, une analyse perspicace du livre me permet de donner l’explication suivante aux erreurs de Vrancken. »il s’agit d’une confusion à propos du terme « muscle du vol » (pour lequel les Allemands utilisent souvent le terme » Flugmuskeln » désignant ainsi le muscle pectoral) avec le terme » muscle alaire . Cela-a eu pour résultat une série de fausses interprétations dont il est question précédemment.

B. Aile avant et arrière-aile.
Je suis certain que le lecteur me fera remarquer que la discussion précédente sur les muscles n’a pas ébranlé les fondements de la théorie alaire.
Il y a en effet encore toute une série de choses qui ont un effet direct avec l’appareil du vol, l’aile.
Il a été dit précédemment que l’aile avant et l’arrière-aile sont tout à fait différentes dans leur forme et leur fonction. C’est pourquoi je veux approfondir quelque peu le sujet.
Les rémiges secondaires sont plus ou moins perpendiculaires à la partie de l’avant-bras que l’on nomme cubitus et y sont fermement rattachés par la pointe de leur rachis. Comme nous l’avons vu le relèvement de l’aile est surtout passif; le pigeon doit soutenir le poids du corps et ce mouvement doit créer une force ascensionnelle. Le rachis, particulièrement ferme, des rémiges secondaires, fait en sorte qu’il n’y a pas de problèmes: ces plumes ne peuvent pas se courber vers le haut. Les choses sont tout autres pour les rémiges primaires qui sont implantées sur la main;de1 à6sur le deuxième doigt, la 7ème sur l’unique phalange du troisième doigt, les huitième et neuvième sur la première phalange du 2ème doigt et la dixième sur la deuxième phalange.
En ce qui concerne leur orientation, les rémiges sont de plus en plus obliques par rapport aux os de la main en allant vers la fin de l’aile: La dernière penne dont le rachis s’enfonce profondément, et constitue un véritable prolongement de la dernière phalange ( fig. 9).

figure9 - pigeon

 

Les rémiges primaires sont accrochées plus fermement à l’os que les rémiges secondaires. Cela est nécessaire: ces pennes primaires accomplissent un travail considérable pendant le vol horizontal, et qui est ce plus en plus important quand un atteint l’extrémité de l’aile. En effet les dernières pennes ont le mouvement le plus important et le plus rapide et parcourent la plus grande distance. Ce sont elles qui » souffrent » le plus. Leur élasticité est soumise à rude épreuve. C’est pourquoi après un vol long et dur, même chez les bons voiliers (qui ont des plumes très souples), on constate que les dernières pennes sont légèrement repliées (surtout par temps humide).
Suite à ce travail intense, ce sont ces dernières pennes qui en fin de saison sont les plus usées. J’en profite pour examiner, sans entrer dans les détails, quelques exigences des défenseurs de la théorie alaire.
D’après le livre, il faut que le bras et l’avant-bras soient courts, que l’arrière-aile soit étroite et que l’aile terminale soit longue et de forme effilée.
Le chef de file de la théorie alaire, Ch. Vanderschelden, tira ces arguments essentiels d’une étude comparative de K. Müllendorff (1885) faite sur des perdrix, des faisans, des passereaux, des ramiers et des martinets. Ce dernier constata que dans la liste des oiseaux énumérée, le bras et « avant-bras est de plus en plus court et la vitesse de plus en plus élevée. Vanderschelden reporta ces données aux pigeons et décida que le meilleur (et donc le plus rapide) devait avoir le bras et l’avant-bras les plus courts.
De tels raisonnements sont extrêmement dangereux et doivent être réprouvés. Il ne faut donc pas s’étonner si je n’ai pas encore trouvé le nom Müllendorff pendant ces dernières quarante années dans les articles scientifiques traitant du sujet et que j’ai pu lire.
Prof. E.J. Slijper montra déjà en 1950 dans son livre (p. 96) qu’il n’existe pas de relation déterminée entre la surface de l’aile, le poids et l’aptitude au vol, ni entre la longueur de l’aile et celle du corps.
De plus, cette étude ne mit pas en évidence certains aspects positifs dans les proportions des différentes parties de l’aile.
Nous avons également le Prof. K. Herzog (certainement le plus grand connaisseur de la technique de vol des oiseaux) qui dans son livre (1968) démontre que le pigeon avec un petit bras et une longue aile terminale est aussi bon voilier que l’épervier avec son long bras et son aile courte.
Herzog a également fait remarquer que les proportions réciproques entre les différents os de l’aile ont peu d’importance.
Pour la vitesse cela n’a donc pas d’intérêt de savoir quelle partie est la plus longue car si l’aile dans son ensemble possède une belle longueur, les aptitudes au vol sont bonnes. Il attira l’attention également sur le fait que les oiseaux peuvent être classés en trois groupes sur base de 1’aile: les types .. bras », .. avant-bras ,. et « main ». Et il faut savoir qu’il y a d’excellents voiliers dans les trois groupes! Lorsqu’il est question de mesures, certains spécialistes de l’aile vont jusqu’à travailler avec un mètre et donner les dimensions souhaitées en centimètres. Cela aboutit à toute ; une série de déclarations contradictoires; les partisans et les opposés de la théorie prennent pour prouver leurs arguments des » cracks » connus.
Je crois qu’actuellement même les défenseurs les plus acharnés de la théorie alaire admettent qu’il faut relativiser lès dimensions des différentes parties de l’aile. Il y a eu en effet au cours des années, un série de vainqueurs nationaux qui possédaient une » mauvaise aile ».
Je n’ai pas la liste complète mais j’ai retrouvé dans mes paperasses quelques cas: par exemple, un pigeon de R. Vandenberghe qui remporta un premier prix sur Cahors et un premier prix national sur St. Vincent; le vainqueur de Montauban (1987) de R. Van Quickenborne et encore l’as pigeon national 1990 de l’amateur limbourgeois J. Withofs (d’après un reportage » un pigeon avec la plus mauvaise aile arrière qu’il soit donné de trouver. » Cela n’a naturellement aucun sens de considérer que ces exemples sont des exceptions qui confirment la règle. Au contraire, ces pigeons prouvent qu’il est  possible de remporter des  premiers prix avec » un handicap alaire » et qu’une « mauvaise aile » n’est pas dérangeante.

C. Conclusions.
D’après ce qui précède, j’imagine que le lecteur n’a aucun doute et sait que je ne suis pas un partisan de la théorie alaire, surtout si les particularités de l’aile servent de critères à une sélection du pigeon voyageur.
Comment pourrait-il en être autrement? Je pense par exemple à tous ces vainqueurs nationaux ayant des types d’ailes tout à fait contraires à la théorie alaire, et qui bien sûr salon les dires des partisans de la théorie n’ont aucune chance de se distinguer.
Je pense également à un cas très spécial: le fameux » étalon » (nommé de « Piet ») du grand maître allemand R. Hermes.
Ce pigeon est décrit comme un pigeon de chair possédant une arrière-aile trop large. Cela signifie que pour ces théoriciens ce pigeon est condamné à aller directement à la casserole. Chez Hermes, au contraire, il est devenu le père de toute une série de descendants de classe.
Je ne considère pas non plus que les caractéristiques de l’aile, des muscles alaires, des os de l’aile et des rémiges sont sans importance; toutefois cela reste secondaire. Il s’agit de caractères morphologiques qui ont très peu de rapport avec les prestations, comme l’ont fait remarquer mon collègue le Prof. Y. Bouquet (un généticien de réputation mondiale) et le Docteur B. Smet (voir l’article « Sélection génétique du pigeon voyageur d’après les prestations » dans le livre « Vouloir c’est pouvoir » ( 1986) du reporter Gerry).

 

J’ai encore une quantité d’autres motifs pour justifier mon attitude négative vis-à-vis de la théorie alaire:
Il y a une caractéristique morphologique qui n’est pratiquement pas prise en considération, c’est le profil de l’aile. » .Cet aspect de l’aile devrait être étudié de plus près en fonction de la théorie alaire. Les différences individuelles .du galbe de l’aile sont un fait; il ne pourrait d’ailleurs en être autrement.’ De petits détails qui ont une grande répercussion sur la vitesse de vol, vue sous l’angle des forces ascensionnelles et des tourbillons d’air. Cela a été démontré par Herzog d’après des études expérimentales sur des modèles.
Il est bien évident qu’il n’est pas possible d’évaluer des différences minimes à partir de palpations.
Ma critique va encore plus loin.
Imaginons qu’une aile idéale existe et que son type soit connu.
Un pigeon ne se résume pas seulement à une paire d’ailes. A quoi cela peut-il servir d’avoir une aile idéale si d’autres qualités internes sont absentes. Quelques exemples: la taille et la qualité des muscles pectoraux ainsi que leur possibilité d’accumulation de réserves: leur économie dans J’utilisation de ces dernières (rendement) sont des éléments beaucoup plus importants pour des pigeons de fond; le parfait fonctionnement de l’appareil respiratoire et de l’appareil circulatoire sont nécessaires pour une production maximale d’énergie par les muscles; le bon développement des organes des sens car ils jouent un rôle important dans l’orientation et dans la recherche des meilleures couches aériennes de vol, etc…
Puisque les caractéristiques principales ne sont pas externes, je ne vois pas comment les défenseurs de la théorie alaire pourraient émettre un jugement sur la valeur des pigeons.
Laissons donc le panier seul juge quant à l’aptitude d’un pigeon à remporter des prix, et ses qualités de reproducteur seront jugées d’après les prestations de ses descendants.

[ Source: Article édité par Prof. Dr. G. Van. Grembergen – Revue PIGEON RIT ]

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