L’aspergillose chez le pigeon
Un client m’a contacté suite à de gros problèmes de santé dans ses pigeonneaux. Lors de notre conversation téléphonique, le client m’a énoncé le problème suivant: depuis quelques jours, plusieurs de ses pigeonneaux dépérissaient et quelques-uns étaient également morts. Aucun symptôme typique d’une maladie bien précise n’était présent. La mort de ces jeunes apparaissait rapidement après le début du dépérissement (1 à 2 jours maximum). Au moment de notre conversation, un traitement contre l’adénovirose avait déjà été entamé depuis quelques jours mais sans aucune amélioration. Un rendez-vous fut pris et le soir même, je pus rencontrer ce malheureux client. Ce dernier se présenta avec deux pigeons qui étaient « fraîchement » décédés. Lors de l’autopsie de ces derniers, des lésions très importantes pouvaient être observées le long des voies respiratoires. De nombreux placards jaunâtres étaient présents au niveau de la gorge, de la trachée et des sacs aériens. A première vue il semblait que ces lésions faisaient suite à une infection à Herpes virus avec des complications bactériennes. Les lésions présentes différaient cependant légèrement des lésions classiques d’ Herpes virus. Les lésions au niveau des sacs aériens apparaissaient plus grisâtres que lors d’une infection classique avec des bactéries et/ou virus. Mais vu le type de lésions observées, un prélèvement fut envoyé vers un laboratoire de diagnostic. Un traitement antibiotique fut entamé avec du Baytril 10 % en vue de gagner du temps en attendant les résultats. Quelques jours après le début du traitement, de nouveaux cas apparaissaient chaque jour. La cause de l’échec pouvait être double, ou le germe présent était résistant au Baytril ou il s’agissait d’une autre cause. La réponse fut vite apportée par le laboratoire: aspergillose au niveau des voies aériennes. L’aspergillose est une maladie causée par un champignon dénommé Aspergillus fumigatus. Sur mes 4 années de pratique vétérinaire, je n’avais jamais rencontré de cas d’aspergillose contagieuse et mon collègue Norbert Peeters a déjà eu plusieurs cas (avec diagnostic de labo.) de cette maladie.mais il s’agissait toujours d’un cas individuel et non pas d’une véritable épidémie comme c’était le cas ici. L’échec du traitement s’expliquait parfaitement par l’origine du mal. En effet, les antibiotiques n’ont aucune efficacité sur l’Aspergillus et que du contraire, le fait de les utiliser favorise le développement du champignon. Maintenant que le diagnostic était posé, encore fallait-il trouver un traitement adéquat. Au niveau vétérinaire, aucun médicament n’existe sur le marché pour traiter ce genre de pathologie. Le traitement doit être mis en route à deux niveaux: les pigeons et leur environnement. Nous connaissons diverses molécules qui agissent contre les champignons (fongistatiques) mais les 2 principales sont: Amphotéricine B et la Nystatine. Après de nombreuses recherches, il fut décidé d’utiliser l’Amphotéricine B. Ce produit n’existe qu’en médecine humaine et est administré la plupart du temps par voie intra-veineuse. Vous devinez que la voie intra-veineuse est impossible chez le pigeon. Nous avons décidé d’administrer ce produit par inhalation car il s’agit de la seule voie qui permettra au produit d’atteindre directement les champignons qui se trouvent au niveau de l’arbre respiratoire. Jamais je n’avais encore traité de pigeons par aérosol. Après réflexion nous avons décidé de placer tous les pigeons dans des paniers et de vider de la sorte tous les pigeonniers. Un panier de concours serait utilisé pour traiter les pigeons. Ce panier a été totalement fermé par du plastic et seuls deux trous (quelques cm2) étaient laissés de manière à pouvoir y placer les embouts des deux appareils nébulisateurs. Ces deux appareils sont des appareils utilisés en médecine humaine (aérosol). Maintenant que le système était au point et que nous avions trouvé le médicament adéquat, il fallait encore trouver la bonne dose. En effet, le produit utilisé en médecine humaine l’est via voie intra-veineuse et dans ce cas-ci par voie aérienne. Un test a d’abord été effectué sur plusieurs pigeons de moindre valeur car en cas de surdosage avec ce produit, on peut avoir des modalités ! Les premiers pigeons traités ont bien toléré le traitement et celui-ci fut poursuivi pour les autres pigeons. Vingt pigeons étaient placés ensemble dans le panier de concours et devaient respirer les vapeurs pendant quelques minutes. Pendant que les pigeons étaient traités, le pigeonnier fut également traité. Une fumigation fut réalisée avec un produit fongicide. Tous les paniers de transport, les grattoirs, les nids, etc furent également placés dans les pigeonniers pour subir le même traitement. Par sécurité et pour mettre toutes les chances de son côté, le même schéma de soins fut réalisé deux jours plus tard et les pigeons et le matériel furent de nouveau traités. Le jour du premier traitement, un pigeon présentait encore des signes de maladie (plaques jaunes dans le bec, amaigrissement) car les autres fortement atteints avaient été éliminés. Deux jours après le traitement, les lésions présentes sur ce pigeon avaient disparu et son état général fortement amélioré. Par la suite, aucun autre pigeon n’est retombé malade alors que, avant le traitement, de nouveaux cas se présentaient chaque jour. Vu que nous ne disposions d’aucune expérience au sujet du traitement de l’aspergillose, nous avons travaillé « au feeling » et le résultat s’est révélé très positif. Abordons maintenant les principales caractéristiques générales de cette maladie peu fréquente chez le pigeon. De nombreuses sortes d’aspergillus existent mais l’espèce pathogène rencontrée chez le pigeon est aspergillus fumigatus. Comme dit ci-dessus, il s’agit d’un champignon. Les symptômes sont très variés et peuvent atteindre les organes respiratoires, digestifs et/ou nerveux. Des pigeons de tous les âges peuvent être touchés. Lors d’aspergillose algue, les principaux symptômes rencontrés sont une perte d’appétit: trouble de la respiration, diarrhée fétide et une rapide perte de condition. La mortalité survient souvent rapidement dans les 24 à 48 heures après le début des symptômes. Lors d’aspergillose chronique, les animaux peuvent survivre plus longtemps mais leur état se dégrade ensuite progressivement, Les lésions rencontrées au niveau respiratoire peuvent être observées au niveau de la gorge, des bronches, de la trachée, des sacs aériens et des poumons et sont caractérisées par des plaques jaunes-blanchâtres dont le diamètre varie de 1 mm jusque plus de 2 cm. Ces lésions peuvent également être rencontrées au niveau de la rate, des ovaires, du foie, des reins. Le diagnostic se fait après mise en culture de morceaux d’organes présentant des lésions. L’infection fait suite à l’inhalation de spores de champignons. Les spores sont des micro-particules produites par les champignons. Les spores sont surtout présentes dans les litières et les grains moisis. Aspergillus peut également infecter les oeufs. Cette infection se fait après la ponte par contamination externe de la coquille et le champignon pénètre dans l’oeuf via les pores de celui-ci. Il s’en suit une mortalité de l’embryon. Le but de cet article était de vous éclairer sur cette pathologie peu rencontrée. En ayant pris contact avec un Professeur de l’université de Gand, nous avons appris de celui-ci qu’il n’avait jamais rencontré, chez les oiseaux, de cas d’aspergillose à caractère contagieux mais toujours des cas individuels. Une chose également importante à signaler est qu’il s’agit d’une pathologie qui peut être transmise à l’homme et par conséquent, lorsque le diagnostic est établi, il faut se protéger un minimum (masque et habits) pour effectuer les diverses opérations de nettoyage ou de traitements. Le cas rencontré ici montre également que lorsqu’un problème grave se présente, il faut toujours essayer d’obtenir un diagnostic précis. Ce n’est qu’en obtenant ce diagnostic qu’un traitement efficace peut être mis en place car les traitements aveugles sont souvent aléatoires et se soldent souvent par des échecs.
Dr. Vincent Schroeder
Notice :
- L’aspergillose emprunte diverses voies d’entrée pour pénétrer dans le corps: par voie aérienne (les spores du champignon sont transportés via les poussières de l’air) ou par voie orale (spores présentes sur de la nourriture). Sur ces cieux vues microscopiques vous pouvez observer les spores qui se détachent du champignon.
[ Source: Article édité par Dr. Vincent Schroeder – Revue PIGEON RIT ]
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