Le classement des pigeons selon le type « Standard »
Victor:
Nous avions l’intention, en nous séparant après notre dernier dialogue, d’étudier de plus près comment agissent les champions des pigeons pour obtenir cette belle forme sans laquelle un colombophile ne peut prétendre au succès. Mais nous remettons cette causerie à la prochaine fois, car aujourd’hui je voudrais te parler un peu des Olympiades Colombophiles.
Débutant:
Je sais que les Olympiades Colombophiles auront lieu l’hiver prochain au Japon. Peu de colombophiles s’y intéressent. Pour eux le « Standard » c’est « l’inconnu », et la catégorie « sport » c’est pour les « grands » pensent-ils. Pourtant ces Olympiades Colombophiles, ce ne sont pas les « grands » qui le financent, mais ce sont les gros vendeurs parmi ces derniers qui en récoltent des avantages financiers. C’est du moins ce que l’on me dit de toute part… et il parait que les Japonais sont de gros acheteurs… Qu’en est-il de tout cela?…
Victor:
Il y a beaucoup de vrai dans tout cela. Et pour intéresser plus de colombophiles aux Olympiades, et plus particulièrement aux pigeons « olympiques », il faudra bien qu’on change quelque chose à la formule actuelle. Mais ce n’est pas si simple… et, une fois de plus, il faudrait de « l’imagination »… or l’imagination est la chose qu’on accepte le moins quand elle jaillit « chez les autres ». Voilà cher ami, ce qui se passe depuis toujours. On n’accepte le génie chez un autre que lorsqu’il est mort…
Débutant:
Tu peux compter sur moi: je viendrai à ton enterrement!
Victor:
Ai-je prétendu que je suis un génie? Soyons sérieux, et si j’en étais vraiment un je ne serais pas aussi ridicule que de penser que je le suis! Mais ce avec quoi je suis d’accord c’est que le génie en définitive consiste parfois simplement à regarder les choses autrement qu’on ne l’avait fait auparavant. En colombophilie c’est cela sur-tout qu’il faudrait faire de temps à autre.
Débutant:
Et quelle est donc ton idée pour les Olympiades?
Victor:
Je tâcherais de marier le côté « Standard » et le côté « Sport ». Il y a maintenant une catégorie « Standard » et le côté « sport ». Il y a maintenant une catégorie « Standard » où les points attribués aux différentes qualités physiques du pigeon vont décider de leur classement et de celui du pays auquel ils appartiennent. Dans ce classement la Belgique a presque toujours figuré parmi les derniers classés.
Et il y a la catégorie « Sport » où ne rentrent en ligne de compte que les résultats remportés par un pigeon, suite à un calcul qui repose sur certains coefficients chiffrés.
Mon idée est la suivante: si on pouvait classer chaque pigeon en attribuant des point pour une partie à ses qualités « Standard » et pour une partie à ses qualités « Sport », on parviendrait sans doute à un classement plus équitable. Car dans les Olympiades jusqu’ici c’est la « beauté » qui a primé. Et il y a là quelque chose qui est indigne des Olympiades… et qui ne contente pas le vrai colombophile. Car pour celui-ci le « Standard » signifie le « beau »pigeon, le « fort » pigeon, et malheureusement c’est ce dernier qui prime aux yeux de beaucoup de juges.
Débutant:
D’après toi le « bon » pigeon n’est pas un « beau » pigeon dans le sens où l’entendent les juges. Dis-moi un peu où est la différence car cela pourrait m’aider à distinguer un bon pigeon d’un beau pigeon!
Victor:
Il existe chez nos pigeons une beauté sportive qui est différente de la beauté tout court. Je me rappelle une description qui te dira plus que ce que je pourrais te dire à ce sujet. Elle est de la fameuse « Peureuse » dont je t’ai parlé le mois passé. Je lui passe la « parole ». Voici ce qu’elle dit des beaux forts pigeons: « Ah, des beaux forts pigeons j’en ai connu des centaines, qui étaient tout juste bons à se traîner en queue des pelotons, des hercules parfois, mais paresseux comme e tout!
J’ose bien le dire — il ne faut pas les tuer… et les manger, ce serait peu charitable de ma part de vous conseiller cela pour mes frères et soeurs de race colombine, mais il y a autre chose à faire: exposez-les en hiver…mais, en été, laissez-les au colombier, tous ces paresseux, tous ces soldats de parade, qui s’envolent avec vos petits francs. Et puisque voici arrivée l’époque du grand triage au colombier, écoutez-moi bien.
Ce qui est « beau » est tout autre chose que ce qui est joli! Le pigeon mal foutu qui a quelque chose « dans le ventre » est beau, tandis que le pigeon bien fait, et tout simplement « joli » à voir, « ‘pur’ à palper, n’est pas vraiment « beau », car la vraie beauté n’existe pas si elle ne dénote pas la vie.
Attachez-vous, chers amis, aux pigeons qui ont du caractère… les autres ne méritent pas votre attachement.
Notre valeur de pigeon, c’est ce que valent nos instincts.
Vous rappelez-vous encore le portrait que mon patron a tracé de moi? J’ai lu ce qu’il disait de moi, et je vous conseille de le relire encore une fois. Voici:
« Ses petits yeux — tous les yeux expressifs paraissent petits, parce qu’ils s’expriment dans une concentration qui converge vers la pupille —sont d’une richesse de couleur que nul peintre ne pourrait arracher de sa palette. Bref, ces petits yeux de la « Peureuse » c’est l’éclaboussure d’une santé physique débordante, c’est aussi l’étincelle d’une intelligence instinctive mobile à l’extrême.
Elle n’est pas belle au sens que donnent les juges à ce mot dans les concours de beauté. Non, mais elle a une beauté « sportive » une beauté qui relève plus de vitalité que de la prestance pure-ment corporelle. Et cette vitalité se reflète dans son plumage lisse, brillant et d’une intensité de tons dénotant un sang très riche.
Par sa démarche nerveuse éthérée dans le colombier elle trahit ses capacités de vol. Elle effleure le plancher, plus qu’elle ne s’appuie sur lui — telle la voiture de course qui, même arrêtée, semble s’élancer, tant son aérodynamisme dénote une pénétration facile de l’espace.
Voilà la « Peureuse », telle qu’elle m’est toujours apparue. Mais, chers lecteurs, chaque fois que j’ai cueilli cette bien-aimée avec des mains amoureuses, elle m’a donné une sensation tellement exquise, que, de ma vie, je ne pourrai oublier ces moments adorables, pendant lesquels de son plumage soyeux elle me caressait la peau ».
Tout cela, c’est bel et bien, mais il a peut-être oublié de dire que si «je me donne» entièrement, si j’ai l’air d’être »sportive », c’est parce que j’ai le tempérament sportif, c’est à dire, le tempérament que j’ai hérité de ma grand-mère, la « Boerinneke ». (Huyskens -Van Riel) Ah, qu’elle était laide, celle-là, mais belle à la fois avec sa tête volontaire coupée à la hache, avec ses yeux fanatiques et brûlants, avec ses muscles qui vibraient de vie, avec son petit dos mince mais résistant, avec ses ailes qui semblaient un peu dures, et qui, malgré leur souplesse, ne se « donnaient » pas à celui qui les étirait parce qu’elle avait une musculature « commandée » par une vivacité peu ordinaire, parce qu’un vrai bon pigeon préfère ne pas être pris en mains. Il pense à son casier, à son jeune, à ses oeufs… et quand on le lâche il va « quelque part », il n’est pas pigeon pour la parade… mais pour défendre ce qu’il doit défendre.
De grâce attachez-vous. à de tels pigeons, ce sont les vrais bons, ceux qui ont quelque chose dans le ventre!
Etudiez bien vos pigeons — si vous perdez au colombier cette qualité primordiale du pigeon qui consiste dans ce que j’appellerai « d’être sportif », vous êtes sur la pente qui mène au précipice.
Débutant:
C’est bien dit tout cela, et je com-prends maintenant que la différence entre un beau et un bon pigeon réside dans le fait que chez ce dernier tout « vit », alors qu’un beau pigeon n’est souvent pas beaucoup plus que du « poids mort ». Mais je comprends aussi que ce ne doit pas être facile pour un juge de faire la distinction.
Victor:
Cela est évident. Les juges doivent se rendre compte que le panier est moins faillible qu’eux mêmes. C’est d’ailleurs pour ce motif qu’il faudrait changer quelque chose au classement des pigeons olympiques. Ou bien il faut hardiment faire un classement séparé pour les beaux pigeons, les pigeons de parade. Car les prestations qu’on exige des pigeons pour être candidat aux Olympiades sont trop minimes. Si on pouvait donc changer le classement comme je l’ai suggéré plus haut — 50 % pour la cotation des résultats sportifs, et 50 % pour la catégorie Standard — ce serait à mon avis un vrai progrès sur le système actuel.
Débutant:
Je suppose que dans le classement qu’on établit en’ attribuant des points, le pigeon « fort » prendra toujours de l’avance sur un pigeon « moyen » et surtout sur un « petit » pigeon. Mais, pour le peu que j’en sais, j’oserais dire qu’à mes yeux un petit pigeon est tout aussi beau qu’un grand pigeon.
Victor:
Oui… à tes yeux! Mais le petit pigeon n’a aucune chance dans les Olympiades… à moins qu’il puisse compenser cet handicap — (qui n’en est pas un à mes yeux également) — par des résultats extraordinaires. Pour cela il faudrait changer le système actuel. Les dirigeants internationaux voudront-ils s’intéresser à une solution susceptible de redonner un soufle nouveau à l’aspect sportif des Olympiades Colombophiles?
Débutant:
Ils y ont peut-être déjà pensé avant toi?
Victor:
Je l’espère, car les idées d’un dirigeant valent mille fois celles des autres.
Noël De Scheemaecker
Notice :
- Il est certain que l’intérêt des colombophiles pour une olympiade serait bien plus grande si le classement et le jugement étaient revus. Les points devraient être divisés en deux parties, une partie pour le « standard » et une partie pour les qualités « sportives ».
[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ]
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