9 novembre 2020 Par admin

Le mystère de la forme – pigeon voyageur

Débutant:
Je me demande s’il est vrai, mais alors « vraiment vrai », que le colombophile peut, par les soins hivernaux, influencer le degré et la durée de la forme pendant la saison sportive. Car j’ai constaté que nous ignorons comment vient et disparaît la forme, tout comme les météorologues ne savent pas fort bien comment naît et s’effondre un anticyclone. J’ai l’impression que cette forme, dont dépendent les succès, reste et restera toujours un mystère. Nous pouvons donc compter uniquement sur le hasard… et attendre qu’elle surgisse sans savoir ce qui l’a provoqué. Je devine que tu n’es pas de mon avis, car tu t’avoues que rarement battu!

Victor:
Nous connaissons nos limites pour atteindre la vérité. Et nous devons avoir le courage de dire la vérité, surtout lorsque nous parlons sur la Vérité. Je serais d’accord avec toi pour admettre que la naissance et la mort de la forme sont bien mystérieuses, mais cela ne doit pas nous empêcher de rechercher certaines causes possibles, mais alors des causes qui, le cas échéant, peuvent « vraiment » avoir une certaine influence. Nous devons bien nous rendre compte que la limitation de notre connaissance du pigeon est la conséquence de la structure même de notre cerveau. Celle-ci nous impose un compartimentage arbitraire du problème de la forme, c.-à-d. un découpage en pièces isolées qui nous handicape pour solutionner le problème.
Cela me fait penser à ce que Georges Fabry me disait: « Pour se faire une idée de la valeur d’un pigeon, ce qui, pour moi, est le meilleur moyen c’est ma sensation d’ensemble à la prise en main du pigeon ». Car dès qu’on commence à juger point par point des différents défauts ou qualités d’un pigeon… on s’égare et on se trompe souvent.

Débutant:
Et donc nous devrons forcément nous « tromper » puisque nous sommes incapables de porter un jugement d’ensemble en ce qui concerne la forme chez nos pigeons!

Victor:
Tu as raison. Mon but n’est pas de donner une solution d’ensemble au problème, sinon il n’y aurait pas de problème entouré de mystère, mais de trouver l’un ou l’autre facteur qui puisse avoir son influence sur la venue et la durée de la forme en été. Et je crois pouvoir en justifier au moins un.

Débutant:
Je suis curieux de t’écouter!

Victor:
C’est précisément en hiver que se présente pour nous colombophiles, une occasion de favoriser la forme en été. Ecoutons un peu ce qu’en pensent quatre super-champions, Ernest Duray, Georges Fabry, Pol Bostijn et Jef Van Riel. Personne ne contestera qu’Ernest Duray pouvait se vanter d’avoir des pigeons en toute grande forme pendant l’été. Ses résultats extraordinaires sont là pour l’attester. Dans ses conseils mensuels aux débutants, il écrit ceci au mois de janvier: « Pourquoi faut-il rationner en ce moment?
Parce que, pour avoir une belle forme en été, le pigeon, en cette période de l’année, doit rester inerte, et, si nous pouvons arranger les choses à notre façon. nous demanderions même qu’il tombe en léthargie jusqu’au 1er mars au moins. Pour y arriver nourrissons de telle façon que toute velléité d’accouplement ou de « feu » disparaisse de nos colombiers ».
Ernest Duray conseille de servir 30 grammes par pigeon par jour d’un mélange très très léger avec maximum 10 % de légumineuses. Les 30 grammes peuvent encore être diminuées ou augmentées d’après les rigueurs de la température. Voilà donc. cher ami, la ligne de conduite à suivre en hiver pour avoir une belle forme en été.

Débutant:
Tu as donc là, par l’entremise d’Ernest Duray. trouvé un facteur, d’ailleurs fort simple, pour solutionner en partie le « mystère » de la forme!

Victor:
Il n’y a pas seulement Ernest Duray pour avancer cette façon de soigner ses pigeons en hiver.
Disons encore un mot de feu mon ami Georges Fabry, que je considère comme un des « grands sages » de la colombophilie belge. Un jour il vint me voir à Schoten où j’avais nos pigeons dans un colombier situé dans le jardin derrière la maison, mais entouré d’une forêt d’arbres. Comme je lui disais que je devais attendre la mi-été pour avoir les pigeons en forme, il me conseilla d’endurcir les pigeons en hiver. Au lieu de les préserver en hiver contre le froid et l’humidité, il fallait faire le contraire, et les exposer le plus possible aux intempéries. Cela leur donnera plus de vitalité, plus de résistance, et dès que les conditions deviendront meilleures, au printemps déjà, ces pigeons, qui ont été endurcis en hiver, verront vite la forme monter.
Tel était l’avis de Georges Fabry. Mais parlons un peu de ce que pensaient Pol Bostijn et Jef Van Riel de la question.

Débutant:
Je suppose qu’ils étaient du même avis. Avec quatre champions comme référence j’admets que je n’ai pas le droit de contester la « vérité » de l’efficacité du système pour susciter la grande forme dont dépendent les succès en colombophilie.

Victor:
Pol Bostijn, qui était illettré – car il avait été élevé dans la nature… et sans avoir fréquenté l’école – était un observateur sans pareil de tout ce que pouvait lui apprendre la nature.
J’ai fait un long voyage avec lui dans le Midi de la France. Quand il voyait p.ex. une plante qu’il ne connaissait pas, il me demandait de m’arrêter… pour examiner cette plante. On apprend toujours dans la nature, me disait-il, elle ne se trompe jamais.
Pour éclater au printemps il faut dormir longtemps en hiver. Ceux qui dorment le plus longtemps éclatent le plus fort! C’est tout l’art du colombophile, me disait-il. Il ne pouvait pas mieux dire! Sacré Pol! Mais pour remporter une douzaine de premiers prix nationaux, l’école de la nature y aura sans doute contribué!

Débutant:
Ce que Jef Van Riel pensait de la question est fort simple. Tu m’en as déjà parlé: Jef disait que les pigeons devaient « souffrir » en hiver.

Victor:
C’est exact. C’est à nous d’y penser à l’approche de l’hiver.

Noël De Scheemaecker

Notices :

La plupart des veufs vont avoir terminé complètement leur mue dans quelques jours. C’est le moment où on peut commencer à nourrir légèrement et avec parcimonie. On adoptera la ration à la température et à l’activité des pigeons. Si les pigeons font chaque jour leur volée – et celle-ci dure souvent une heure en hiver – on nourrira évidemment plus que si les pigeons restent enfermés. C’est certes simple et logique, mais il faut y penser.
Nous ignorons comment vient et disparaît la forme.
C’est en hiver que se présente une occasion de favoriser la forme en été.
Ceux qui dorment le plus longtemps éclatent le plus fort!
Les colombophiles qui ont le don de pouvoir juger de la valeur d’un pigeon lors de la prise en main vous le diront tous: la première impression lors de la prise en main d’un pigeon est très souvent la bonne. Dès qu’on commence à juger point par point des différents défauts ou qualités, on s’égare et on se trompe souvent.

[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ]