Le pigeon dans son passé – le lieu de lâcher – (11)
Après la création des premières sociétés, en 1810, l’intention d’organiser des courses de pigeons se trouva confrontée au problème du transport vers le lieu de lâcher. On débuta « pedibus cum jambis », transportant les pigeons dans des hottes d’osier. Afin de tolérer des relais, le porteur était rarement seul. Il voyageait de nuit (19 h. à 7 h. du matin) se reposait de jour, après avoir soigné les pigeons, pour lesquels il emportait des graines et de l’eau. La hotte contenait une quarantaine de pigeons. Un bon porteur arrivait à Paris après huit jours pour une rémunération de cinq francs. L’ampleur du convoi diminuait en fonction de la longueur du parcours, ce qui explique le petit nombre de participants dans les concours de fond. Arrivé à destination, le porteur devait recevoir le cachet de la mairie pour confirmer son passage et le maire assistait régulièrement au lâcher. Monsieur Pinet, père du tenancier du local colombophile « La Colombe » à Huy fonctionna durant vingt ans comme porteur et son fils prit sa succession pour porter les pigeons à Metz, Besançon, Orléans, Chaumont, Nantes, Lyon ou Limoges.
On a trouvé dans les archives un certificat attestant: « Nous, commissaire de police de la ville d’Orléans, déclarons avoir vérifié le compte de soixante-dix pigeons envoyés en cette ville, les avoir trouvés bien portants et les avoir fait lâcher ce jour à 6 heures du matin et nous être assurés qu’ils ont tous pris la volée. Fait à Orléans le 15 juillet 1845. (Note de la réd.: nous avons abrégé). Le porteur avait mis neuf jours pour parcourir les 450 kilomètres de Huy à Orléans.
Les pigeons devaient mettre de quatre à cinq heures au plus. En 1830 déjà, des amateurs gantois avaient envoyés leurs pigeons à Lyon par plusieurs porteurs rétribués à un franc de l’heure. Ils portaient chacun deux paniers d’un mètre de diamètre, accrochés à une solide branche d’érable.
On prétend que la charrette, à deux roues, avait devancé les porteurs mais fut abandonnée à cause du cahot insoutenable provoqué par le mauvais état des routes. Ces charrettes étaient armées d’arceaux par dessus lesquels était tendue une toile, tandis que l’intérieur était garni de nombreux reposoirs pour les passagers ailés.
La participation du chemin de fer.
Les distances s’allongeant progressivement, les organisateurs firent appel aux voitures de postes. Cela n’allait pas sans mal pour le chargement et la reprise des paniers. Pour un concours à Paris le convoi partait le mercredi pour atteindre au but le samedi. On débarquait ensuite les pigeons dans un hangar pour qu’ils se reposent du voyage. Il arrivait que certains participants, ayant des relations dans la cité, obtenaient le concours de ceux-ci pour soigner leurs pigeons. Les sociétés ne disposant pas de relations à l’étape ne pouvaient garantir les bons soins pour les pigeons et moins encore un lâcher dans de bonnes conditions. Le convoyage par chemin de fer remonte à 1859 à Liège. Par contingents réduits d’abord, les sociétés n’hésitant pas à inclure leurs pigeons dans les envois de l’une ou l’autre société d’exportation; c’est ainsi que furent abordés les grands centres de commerce international tels Lyon, Cologne et même Londres. Le convoyage colombophile se développa au même rythme que celui des liaisons ferroviaires. Les pigeons demeuraient à la merci des bonnes âmes rencontrées en chemin. A chaque panier était accroché un petit sac contenant des graines; il portait en plus une étiquette invitant à: « Donnez à boire s.v.p. ». Le lâcher était confié au chef de gare! Celui-ci faisait appel à deux, trois ouvriers pour couper les ficelles et ouvrir les paniers à l’heure du lâcher. Comme ils avaient parfois plus de 400 paniers sur le quai, vous pensez bien que tous les pigeons ne partaient pas à la même minute. Il arrivait même que les retards de certains pigeons devenaient insurmontables.
L’entrée des convoyeurs.
De nombreux organisateurs comprirent qu’il devenait indispensable d’inclure une surveillance à leurs convois. Ils trouvaient ainsi l’assurance que les pigeons seraient bien soignés et que les lâchers s’opéreraient dans les meilleures conditions. En Flandre fut créée une société de convoyage sous la direction de Jules Cras qui avait fait ses classes en accompagnant les pigeons de la société « Eendracht » de Waregem. La tâche du convoyeur était définie avec précision: il était responsable de la surveillance du convoi et du bon déroulement du lâcher. Les pigeons devaient être libérés à une heure précise laquelle devait être signalée par télégramme à l’organisateur. La préférence était donnée à d’anciens amateurs colombophiles, ayant l’expérience requise pour diriger un convoi et pouvant juger des conditions climatiques afin d’éviter le déroulement désastreux du concours. On ne disposait pas d’un « Service de renseignements » par radio, comme de nos jours.
La bonne organisation du convoyage a pris du temps pour se mettre en place. Les premiers convoyeurs eurent à surmonter bien des difficultés. Les retards de trains étaient courants; il manquait régulièrement des paniers au déchargement et certains n’étaient plus scellés en arrivant à destination. Les frais de convoyage étaient très élevés au début et bien des petites sociétés ne pouvaient les assumer. On y remédia avec un certain succès par la création d’organisations en commun, avec celle des « Ententes » et « Groupements » de tous genres. Les concours organisés sans « convoyage » se déroulaient généralement mal; certains convois arrivaient en gare incomplets, des pigeons ayant été extraits des paniers.
De plus l’aérage dans les wagons n’étant pas surveillé, les pigeons souffraient énormément par fortes chaleurs. Autant de conditions poussant à développer le convoyage.
Notices:
Jules Cras fut le premier à fonder en Flandre une société de convoyage.
Une fois arrivés en gare de destination, les pigeons étaient transportés à bras d’homme vers le lieu du lâcher.
[ Source: Article édité par Revue PIGEON RIT ]
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