pigeon voyageur oiseau migrateur
17 septembre 2021 Par admin

Le pigeon voyageur n’est pas un oiseau migrateur

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De temps en temps, la presse mentionne le cas de pigeons voyageurs qui se sont égarés dans des endroits situés à des distances considérables de leur pigeonnier. Ainsi, il y a quelque temps, nous avons appris la capture et le rapatriement d’un pigeon hollandais d’Arabie Saoudite.
Pigeon Rit (janvier 1989) signalait également le cas d’un pigeon belge perdu à Pékin. Le plus souvent, il n’est pas possible de reconstituer le chemin parcouru par l’oiseau égaré et aucune hypothèse n’est émise. Il y a quelques années, un pigeon belge se retrouva à Casablanca au Maroc. Le correspondant émet l’avis suivant (et beaucoup de personnes pensent d’ailleurs comme lui): nous nous trouvons vraisemblablement devant une « réapparition » de « l’instinct migrateur » du pigeon voyageur; il s’appuie pour cela sur le fait que le Maroc est situé sur l’itinéraire de migration du pigeon ramier qui quitte, en automne, son territoire de nidification (Scandinavie et autres pays d’Europe, dont la Belgique) et migre le long des côtes de l’Europe de l’Ouest vers le Sud-Ouest de la France, le Portugal et même l’Ouest de l’Afrique. Cet avis n’est pas valable: le vol de retour des pigeons voyageurs ne peut être comparé avec la migration des oiseaux. Les deux phénomènes sont mystérieux et comparables sur certains points et les chercheurs ont beaucoup étudié l’un et l’autre simultanément. Mais il y a des différences essentielles. En effet la migration des oiseaux migrateurs s’effectue dans deux directions (aller et retour) qui sont comme programmées. Tout est déclenché par les sécrétions d’une glande, l’hypophyse et cela se traduit par une augmentation de la graisse et un conflit intérieur, une sorte d’agitation à l’approche de la date de départ. Tout cela n’existe pas chez le pigeon voyageur.
Ceci dit, je dois commencer par un long historique car l’évolution du pigeon (appelé d’une manière scientifique Columba) peut seulement être bien comprise si l’on implique également l’évolution de la terre. Les géologues sont intimement convaincus que la terre était primitivement un super continent qui suite aux déplacements (« dérive continentale ») s’est scindé au cours des siècles en un supercontinent Nord et un supercontinent Sud. C’est dans la partie Australo-Asiatique de ce continent Sud que l’on doit chercher l’origine de l’évolution de l’oiseau Columba. Les différentes sortes de colombidés se sont essaimées à partir de ce centre vers la partie Nord. Un de ceux-ci fut le pigeon de roche ou biset (Columba livia). Il se rencontre actuellement dans le bassin méditerranéen, du Nord-Ouest de l’Afrique jusqu’au Moyen-Orient; plus loin encore le long des côtes de l’Angleterre, de l’Irlande et du Portugal. Jusqu’aux environs de 1950, il y en avait encore quelques exemplaires dans la région de Bouge, Beez et Marche-les-Dames (province de Namur), ces oiseaux furent vraisemblablement importés d’Espagne pour le tir aux pigeons. Il y a encore en Belgique quelques personnes qui s’efforcent d’élever des pigeons de roche (ceux-ci sont naturellement tenus enfermés). Ils le font par plaisir et pour participer à des expositions tout comme les éleveurs de pigeons d’ornement.
Le pigeon de roche n’a rien à voir avec le pigeon ramier; c’est un oiseau sédentaire et non un oiseau migrateur comme le pigeon ramier. Ce sont les pigeons de roche du bassin méditerranéen qui sont à l’origine du pigeon domestique. L’homme a domestiqué le pigeon de roche sauvage (de là son nom Columba livia domestica).
Cela s’est vraisemblablement passé il y a 10.000 ans. Peut-être en Egypte, peut-être au Moyen-Orient mais de toute façon pas en Europe.

Grandes étapes de lévolution des pigeons



Le procédé de domestication du pigeon de roche restera toujours une énigme (ceci est également valable pour tous les animaux domestiques).
On peut seulement émettre une série d’hypothèses. On part du fait que tous les individus d’une population d’animaux sauvages ne sont pas complètement identiques. Cela devait être pareil dans la préhistoire. On peut rationnellement accepter qu’il y avait des caractères différents chez les animaux: certains moins méfiants que d’autres se laissaient approcher par l’homme et possédaient les qualités intrinsèques nécessaires à une bonne relation avec l’homme. L’homme primitif a dû être très habile, beaucoup plus que ne l’a jamais été l’homme moderne. En effet toutes les domestications ont eu lieu pendant la préhistoire: plus tard la domestication d’un animal sauvage ne se produisit plus.
Les animaux domestiqués par l’homme primitif furent l’objet de soins attentifs afin d’être de plus en plus soumis. L’homme commença de cette manière à développer les races d’animaux domestiques. Par l’application d’une sélection dirigée, il parvint de génération en génération à effacer une grande partie de la sélection naturelle. Il arriva à créer toute une série de transformations corporelles et put conserver des sujets déformés selon ses souhaits et sa fantaisie. C’est la raison pour laquelle il existe chez les animaux domestiques autant de races et de variétés qui seraient incapables de se maintenir en vie dans la nature sauvage. Ces animaux doivent être protégés et aidés par l’homme. Nous en trouvons beaucoup d’exemples parmi la race canine (par exemple le Pékinois complètement difforme) et chez les pigeons (certains pigeons d’ornement sont incapables de couver leurs propres oeufs). C’est ainsi que l’homme a créé autant de variétés de pigeons domestiques à partir du pigeon de roche sauvage. Une de ces variétés (ou race) est le pigeon voyageur, qui par sélection de ses capacités de « voyageur » fut amené à’ « voler » de mieux en mieux. Cette amélioration repose en partie sur une augmentation progressive des possibilités d’orientation: des essais comparatifs sur l’aptitude à revenir au pigeonnier ont démontré tout cela. Les pigeons voyageurs semblaient être supérieurs aux pigeons de roche sauvage dès que la distance de 15 km était dépassée. Cela montre clairement que rien de positif d’un point de vue de l’orientation ne saurait être obtenu en croisant des pigeons voyageurs avec des pigeons de roche. Plus encore, les « pigeons de ville » qui sont en fait des pigeons domestiqués (principalement des pigeons voyageurs) retournés à l’état sauvage se situent, quant à leurs possibilités d’orientation, entre les pigeons de roche sauvages et les pigeons voyageurs.
Le fait que les pigeons redevenus sauvages soient « inférieurs » aux pigeons voyageurs est tout à fait prévisible. Non seulement parce que plus aucune sélection dirigée n’est faite mais également parce qu’il n’existe plus aucune sélection naturelle. Actuellement les pigeons ne sont plus obligés d’aller chercher leur nourriture en-dehors de la ville comme c’était le cas il y a 50 ans encore; ils n’effectuent donc plus beaucoup d’exercices de vol. Ils reçoivent partout un peu de nourriture qui est distribuée par des gens qui s’imaginent être des amis des animaux; cette nourriture est généralement de qualité inférieure. C’est quelque chose du genre « trop que pour mourrir mais pas assez pour vivre ». Il est facile d’en faire la constatation: la plupart de ces pigeons sont dans un état lamentable.
Mais je le dis encore une fois: le pigeon de roche n’est pas un oiseau migrateur et ne l’a jamais été; le pigeon voyageur ne l’est pas non plus, il n’a pas d’instinct migrateur. Il faut poser la question de savoir d’où vient cette confusion? (voir le début de cet article).



Il est possible que les raisons soient dues au fait qu’il existe un « pigeon migrateur » ou mieux qu’il ait existé. Une histoire intéressante en soi.
Les pigeons migrateurs vivaient autrefois dans la plupart des états des E.-U. et au Canada. En se basant sur une grande quantité de données on estime, qu’à l’époque de la découverte de l’Amérique, il y avait environ 3 à 5 milliards de pigeons migrateurs. L’on a retrouvé des écrits dans lesquels il était fait mention d’énormes quantités de pigeons qui obscurcissaient le ciel lorsqu’ils s’envolaient (leur migration se faisait du Nord vers le Sud et inversement); ils volaient en bandes de plus de 10.000 sujets.
Très peu de temps après leur arrivée, les colons européens commencèrent à faire la chasse aux pigeons migrateurs (pour leur viande). A l’aide de filets et d’armes à feu, les colons décimèrent rapidement ces oiseaux. Pour fixer les idées: en 1855, à New-York, il était possible de rencontrer chez un seul commerçant un arrivage quotidien de 18.000 oiseaux! Il ne fallait pas espérer un miracle et l’extermination fut si importante que l’élevage des jeunes fut rapidement incapable de compenser l’abattage. En 1874 quelqu’un tira la sonnette d’alarme et par conséquent l’on essaya en vain de sauver la race en pratiquant de l’élevage dans les jardins zoologiques et chez les particuliers. Le dernier mâle mourut en 1910 et la dernière femelle en 1914.
Voici donc l’histoire d’une extermination d’une espèce animale uniquement dans un but lucratif.
Tout ce qui reste du pigeon migrateur sont quelques dessins et photographies, un petit monument à la mémoire du dernier pigeon exterminé et par-ci par-là dans certains musées quelques exemplaires empaillés. J’en ai vu quatre exemplaires au musée de zoologie de la ville de Nancy (une ville du Nord-Ouest de la France agréable à visiter). Il y a dans ce musée 3 mâles adultes et une jeune femelle qui à mon grand étonnement sont encore dans un extraordinaire état de fraîcheur (ils doivent avoir environ une centaine d’années). La couleur rouille typique de leur poitrine est encore remarquable, et telle qu’elle est décrite dans les livres.
Ils devaient être des oiseaux gracieux avec une petite tête comparable à celle d’une tourterelle mais plus gros de corps et avec une queue plus longue. Je veux montrer expressément que le pigeon migrateur n’est pas apparenté avec la tourterelle pas plus qu’avec le pigeon domestique. Ils ont eu une évolution totalement indépendante. C’est d’ailleurs pourquoi les zoologistes ont donné au pigeon migrateur un nom tout à fait différent. Ectopistes migratorius.

Prof. Dr. G. Van Grembergen


Notices :

  • Le pigeon de roche sauvage (Columba livia) est l’ancêtre du pigeon domestique (Columba livia domestica); notre pigeon voyageur est une variété de ce dernier. il y a environ 10.000 ans. l’homme a domestiqué le pigeon de roche sauvage. Le pigeon de roche vit toujours à l’état sauvage dans le bassin méditerranéen et le long des côtes d’Angleterre, d’Irlande et du Portugal.
  • Le pigeon voyageur n’a pas d’instinct migrateur puisqu’il a pour ancêtre le pigeon de roche qui est un oiseau sédentaire. Il en va autrement du pigeon ramier et du pigeon migrateur qui sont bien eux des oiseaux migrateurs.
  • Le pigeon migrateur (Ectopistes migratorius) vivait autrefois aux Etats-Unis et au Canada. Ce pigeon fut exterminé par l’homme au début de ce siècle.
  • Le procédé de domestication du pigeon de roche restera toujours une énigme.
  • Les « pigeons de ville » sont en fait des pigeons domestiqués (principalement des pigeons voyageurs) retournés à l’état sauvage. Ils se situent, quant à leurs possibilités d’orientation, entre les pigeons de roche sauvages et les pigeons voyageurs.
  • Le pigeon voyageur n’a pas d’instinct migrateur.

[ Source: Article édité par Prof. Dr. G. Van Grembergen – Revue PIGEON RIT ] 

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