Le secret de la vitesse des pigeons
Il y a des spécialistes pour toutes les distances et pour tous les systèmes de jeu. Mais qu’ils exploitent leurs pigeons au naturel ou au veuvage, ils ont tous leurs secrets qui, pratiquement, se ramènent presque toujours à un seul.
En vitesse, ce secret unique et commun à la plupart des as des courtes portées, nous allons tâcher de le découvrir, à la lumière des enseignements de la Science et de l’expérience, c’est-à-dire de la pratique.
Qu’il s’agisse d’un homme, d’un cheval, d’un lévrier ou d’un pigeon de course, le problème à résoudre pour accomplir un coup d’éclat en vitesse est simple. Il se résume au déploiement d’un effort maximum durant un temps limité, très limité même s’il s’agit de forts petits parcours. Rien ne sert à un sprinter de finir sa course frais comme une rose et sans avoir donné à fond, si ses concurrents terminent avant lui, même à bout de souffle. Ce qui importe, c’est qu’il donne tout ce qu’il peut, dans le temps fort bref que nécessite l’accomplissement de la tâche imposée.
Les amateurs qui ne sont pas spécialisés dans les épreuves à un jour de panier et surtout qui n’ont jamais pris part à une attaque dont les concurrents sont mis en loges quelques heures seulement avant le lâcher, ces amateurs s’imaginent volontiers, lorsqu’ils voient revenir leurs pigeons aux étapes préliminaires ou aux dressages de semaine, que leurs oiseaux sont capables de tenir le train des spécialistes.
Parce qu’ils les voient arriver dans ce qu’ils appellent « la première bande », ils croient dur comme fer qu’il n’y a pas eu de pigeons avant les leurs. Ce n’est pas impossible mais c’est rarement vrai.
Qu’ils se mesurent un jour dans une épreuve à très petite distance, avec leurs pigeons soi-disant arrivés les premiers aux entraînements et je leur garantis une belle surprise!
Même sur 30 km et à plus forte raison sur un Quiévrain, un St. Quentin ou un Noyon, les spécialistes de la vitesse pure sont capables de prendre des avances relativement sérieuses, compte tenu du parcours réduit, cela va de soi. Que l’on ne croie pas que ce soit seulement par mauvais temps, par ciel couvert ou par une forte bise de Nord-Est. J’ai vu, dans un concours de Quiévrain où il n’y avait que des spécialistes, un pigeon prendre cinquante secondes d’avance par temps clair et 1280 m de vitesse, et ce n’était pas un coup heureux du hasard car le même pigeon avait établi une performance pareille auparavant.
Mais revenons au problème posé à chaque concurrent d’une épreuve de vitesse.
Pour qu’un pigeon donne tout ce qu’il peut dans le temps réduit qui sépare la mise en liberté de son arrivée au colombier, il faut tout d’abord qu’il le veuille.
Un homme a la volonté d’arriver premier. Cette volonté peut lui faire accomplir exceptionnellement une prouesse au-dessus de ses possibilités courantes, comme la peur est capable de porter à un niveau inaccoutumé, la rapidité de déplacement de n’importe quel animal.
Un cheval a son jockey pour le presser toujours d’avantage. Dès que son pigeon est enlogé, son manager ne peut plus rien faire pour lui. C’est là que nous devons chercher un des secrets sinon le secret des joueurs de vitesse.
Afin que l’effort maximum d’un sprinter le mette en mesure de triompher de ses concurrents , il importe également, direz-vous, qu’il soit physiquement doué pour les vols rapides de courte durée. Ceci est une question de triage. Elle est commune aux sujets de fond et de demi-fond, aussi bien qu’aux oiseaux de vitesse. Rien à faire, dans n’importe quel secteur, si l’on ne possède les pigeons capables de réaliser, dans les limites indispensables, les parcours que le manager envisage pour ses volatiles.
Fermons donc cette parenthèse qui n’a été ouverte que pour prévenir une objection éventuelle du lecteur.
Quand l’amateur a résolu le problème initial, c.-à-d. lorsqu’il sait comment inculquer à ses candidats la volonté de déployer leur effort maximum sur la distance choisie, il lui en reste d’autres à résoudre que nous allons étudier maintenant.
Le premier consiste à amener le pigeon dans les conditions physiques et psychiques maxima pour prendre un départ éclair, pour voiler à tire d’ailes et pour rentrer en coup de fusil car la volonté d’un coureur de vitesse ne sert pas à grand chose, si son souffle, son coeur ou ses jambes viennent à le trahir.
Le second est plus difficile car il vise à permettre au sprinter de « durer », de tenir toute la campagne sans s’épuiser et, si l’on n’a pas peur de regarder beaucoup plus loin, de rester sur la brèche pendant des années, ce qui est rarissime. La violence des efforts qu’on exige des athlètes de vitesse, la tension nerveuse à laquelle on les soumet, l’excitation répétée dont on en fait l’objet, tendent à les claquer, à les user prématurément, et if n’est pas rare qu’un oiseau peut doué mais courageux soit mis hors de combat en quelques semaines.
La préparation lointaine de tous les athlètes consiste à les maintenir en santé parfaite, à les faire vivre dans un milieu idéal, à les nourrir bien mais sans excès, à leur assurer l’exercice indispensable au bon fonctionnement de tous leurs organes.
Cela est vrai pour les sprinters comme pour les oiseaux de long cours. Si je le rappelle, c’est pour éviter des désillusions à ceux qui croient réussir en vitesse avec des oiseaux incapables de bien voler en demi-fond et dans le fond, par ce manquant de condition et de santé. Sur les petits comme sur les longs parcours, il n’y a que les oiseaux entièrement sains qui puissent se classer.
La préparation rapprochée vise à porter au maximum la condition physique et l’état psychique des sprinters.
L’erreur, la grande erreur, ici, est de croire que le vainqueur habituel des concours de vitesse est un oiseau constamment excité, voire surexcité. De là le recours exagéré à toutes sortes de moyens qui peuvent réussir une fois, deux fois mais dont l’effet s’amenuise rapidement. La jalousie, quand on en abuse, est un de ces moyens qui peut donner au début mais qui ne dure guère et Qui a vite fait de dégoûter le plus courageux des oiseaux. Pour exciter, pour surexciter les candidats sprinters, on se sert de graines échauffantes chanvre, chou rouge, moutarde, qui ont vite d’user les pigeons les plus solides. Ou bien on utilise des « dopings » qui sont tous dangereux, même ceux qu’on proclame anodins. Contre un pigeon physiquement bâti pour voler très vite et bien préparé, il n’y a ni jalousie ni graines excitantes ni drogues qui tiennent. La solution est donc ailleurs. Je pense étonner vivement ceux qui me lisent en écrivant qu’elle est à chercher dans le repos. C’est la pratique des sports de plein air et la fréquentation des pistes d’athlétisme, comme celle des salles d’escrime et des rings de boxe, quand j’étais jeune, qui m’a fait songer à cela, et c’est la participation à de nombreux concours de vitesse, avec des sujets non « dopés » ni surexcités qui m’a confirmé que j’étais dans le vrai.
Nous avons déjà tous eu l’occasion de voir les vainqueurs des 100, 200 et 400 m, aux Jeux Olympiques, ou les grands spécialistes évoluant sur les terrains de course à pied.
Pour ma part, je n’ai jamais vu des jeunes gens semblant si nonchalants, si avares de leurs efforts en dehors de la course et, dirait-on si paresseux. Toujours enveloppés dans de vastes et chauds peignoirs, même en pleine chaleur, ils restent couchés jusqu’à la dernière seconde avant la mise en place pour le départ.
Sitôt finie leur course, ils s’empressent de s’envelopper à nouveau dans leur peignoir et de se recoucher, s’il y a des demi-finales et une finale à courir. Quand ils ont terminé, ils courent à la douche et au massage. Et toute la semaine, ils n’ont garde de se livrer au moindre excès, de se laisser aller à la moindre excitation. Ils mangent peu, frugalement, et dorment le plus et le plus complètement possible.
Leur vie est un repos continuel, entrecoupé par de brèves empoignades sur des parcours très petits.
Les grands fleurettistes et les grands escrimeurs du poing ne font pas autrement. A mon sens, le grand secret des victoires en vitesse est à chercher dans le repos aussi total que possible et dans l’absence rigoureuse de toute excitation, en dehors de l’enlogement et du concours proprement dit, cela va de soi. Mais ceci implique la nécessité de nourrir peu, fort peu, surtout les voyageurs qui couvent. Le principal écueil, quand on joue le naturel, est l’exagération dans la nourriture. Tant que les oiseaux nourrissent un jeune, cela passe mais s’ils ont été trop fortement alimentés au couvage, il y a de grandes chances qu’ils en patissent tout le temps, même après l’éclosion des oeufs.
Pris en mains, le pigeon de vitesse doit, à n’importe quel moment de la saison, demeurer sec, léger mais bien en muscles. Sa respiration doit être parfaite. Au moindre signe de gène, on doit songer à de la graisse inutile qu’il faut faire disparaître dans le plus bref délai par la diète.
Pour être certain de ne pas nourrir trop fort, je préconise d’être avare dans les repas, tous les jours de la semaine, et d’augmenter seulement la ration la veille et le jour de l’enlogement, si celui-ci se fait le samedi. En cas de mise en loges le jour même du lâcher, comme pour les attaques, il faut servir un très léger repas, tôt le matin.
Pour donner au pigeon ainsi traité le mordant nécessaire, on peut recourir au système des deux colombiers identiquement construits. Au moment d’enloger, on apporte les sujets vivant dans le second et l’on ne tolère qu’une très courte lutte. Mais l’utilisation d’un intrus, durant quelques minutes avant de mettre les candidats au panier, n’est pas toujours nécessaire. Beaucoup de mâles et de femelles de vitesse viennent fort bien sans ce moyen d’excitation qui ne présente d’ailleurs pas de danger.
[ Source: Article édité par M. Henry Landercy – Revue PIGEON RIT ]
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