Le standard des pigeons
Débutant:
Ces derniers temps, cher maître, j’ai lu dans les journaux colombophiles plusieurs extraits qui concernaient le «Standard» du bon pigeon. Tous étaient d’accord pour affirmer qu’il n’y avait pas de Standard du bon pigeon, et que, dès lors, un pigeon pouvait valoir un autre, et qu’un pigeon ne devait donc pas être bien constitué pour être néanmoins un champion. Que penses-tu de tout cela ?
Victor :
Je pense que tout défaut pouvant influencer négativement le vol d’un pigeon constitue une déviation du Standard. Or, le Standard a pour objet de fixer les qualités indispensables au bon pigeon, pour autant que celles-ci soient décelables à la vue et au toucher.
Débutant :
Crois-tu donc qu’un pigeon répondant aux règles du Standard, quant à l’ossature, la musculature, le plumage et l’aile, et l’expression de la tête, soit un bon pigeon? Or, c’est cela précisément ce que contestent plusieurs chroniqueurs colombophiles. Où est la vérité?
Victor :
Le grand penseur français, René Des-cartes, un des esprits les plus clairs que le monde ait connu, a donné quelques conseils que nous pouvons suivre pour atteindre la vérité. Le premier était de ne recevoir aucune chose pour vraie que lorsqu’elle nous apparait avec évidence être telle. Or l’évidence, pour lui, ne pouvait s’offrir qu’à celui qui considère chaque chose distinctement et clairement.
Le second conseil était de diviser chacune des difficultés qu’on examinerait en autant de parties qu’il serait requis pour mieux les résoudre.
Le troisième conseil était de conduire notre pensée en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour remonter ainsi peu à peu jusqu’à la connaissance des plus compliqués.
Le dernier conseil était de faire des dénombrements si entiers, et des revues si générales, qu’on fusse assuré de ne rien omettre.
Débutant :
Je crois en effet que celui qui procéderait de la sorte devrait arriver à se faire une idée de ce que devrait être le Standard du bon pigeon.
Victor :
Mais ce n’est pas facile du tout, et, pour ma part, je dois admettre qu’il y a beaucoup de chances qu’on se trompe. Cela ne veut toutefois pas dire qu’il faut se résigner à ne plus chercher la vérité parce qu’elle est difficile à atteindre ou même lorsque celle-ci vous apparait inaccessible. Ce serait aller à l’encontre de la tendance de tout esprit humain, qui, lui, recherche la vérité. S’il la connaissait il ne la rechercherait plus. Rejeter et accuser le Standard parce qu’on n’y voit pas clair n’est pas un argument valable contre le Standard. Cela signifie seulement que notre Standard à nous est un mauvais Standard… et qu’il ne peut donc être le bon Standard, celui qui devrait pouvoir approcher le plus la vérité concernant les qualités que doit avoir le bon pigeon.
Débutant :
Mais alors, cher maître, pourquoi se trompe-t-on si souvent quand on examine un pigeon?
Victor :
En tout premier lieu parce que, dès qu’il s’agit, avec notre esprit, de juger de l’ensemble d’un pigeon, c’est notre raisonnement qui doit intervenir. Or, nous savons que nous raisonnons souvent mal parce que nous ne connaissons pas, comme dit Descartes, tous les éléments qui peuvent influencer l’ensemble, et l’ordre dans lequel ils peuvent l’influencer. L’équilibre est difficile à juger.
Débutant :
Quelques exemples me rendraient ton raisonnement plus clair.
Victor :
Prenons, comme exemples, deux pigeons. Le «petit bleu» de Roosens, 1er prix national sur Barcelone, et le «Slappe», c.-à-d., le «faible» de Pol Bostijn, 1er prix national sur Pau. J’ai eu ces deux pigeons en mains. Pas question de «Standard» aux yeux de ceux qui jugent le «Standard» c.-à-d. d’après un faux Standard, qui ne tient pas compte de la qualité globale du pigeon.
J’ai eu en mains le bleu Roosens après la saison sportive, mais non au moment où il remporta le 1er prix sur Barcelone. Madame Roosens, qui est presqu’autant colombophile que son mari me disait qu’ils avaient engagé le bleu parce qu’il montrait une forme extraordinaire, il éclatait de réserves ce qu’il montrait bien lors de la volée qui était vraiment extraordinaire les jours qui précédaient l’enlogement. Et je suis certain qu’à cette époque il devait être gonflé à bloc, d’une qualité de plumage et d’une transparence de l’oeil superbes. Mais ce n’est pas alors qu’on juge au Standard, alors qu’on devrait le faire. Un pigeon en grande forme devient un tout autre pigeon. Tout colombophile attentif en conviendra.
Quant au «Slappe» de Pol Bostijn, je le classe parmi les pigeons qui deviennent, de par leurs qualités spécifiques, surtout imbattables par temps chaud après de longues heures de vol. Si je ne me trompe il triompha avec deux heures d’avance ! Ce pigeon ne pèse rien, a une facilité de vol exceptionnelle, et une respiration imperceptible. Il doit donc avoir un coeur et des poumons tout aussi exceptionnels. On l’appelle «Slappe» — tout le monde pouvait l’acheter avant ses prou-esses, mais personne n’en voulait — parce qu’il n’est pas «costaud» ! Or, une des fautes du «Standard>, est de donner une préférence au pigeon «beau et costaud».
Mon regretté ami Victor Torrekens me disait un jour «je n’ose jamais déclasser un pigeon «malingre» quand il a une bonne gorge, c.-à-d., une respiration lente, et des organes parfaits quand on examine ceux-ci, car la puissance invisible à première vue et au toucher, souvent c’est là qu’elle réside, dans les poumons et le coeur…». C’est d’ailleurs vrai pour tout athlète dont l’endurance est mise à l’épreuve.
Débutant :
Il ne faut donc jamais’ condamner un pigeon à la légère quand il n’est pas en condition parfaite.
Victor :
En effet. Et on dit parfois que le Standard ne parle pas des qualités qui ont un rapport direct avec la valeur sportive du pigeon, c.-à-d. la qualité des voies respiratoires, et l’équilibre de l’ensemble. Et on a raison de le lui reprocher.
Débutant :
Mais alors le «Standard», c’est le colombophile à son propre colombier qui doit en juger, et pas les juges, en hiver, lors des expositions !
Victor:
Là réside une grande part de vérité. Et lorsque le docteur Bricoux et Paul Sion parlaient du Standard, c’était «leur» standard à eux, c.-à-d. un standard qu’ils exigeaient de leurs propres pigeons et dont ils savaient juger avec des mains de maître et un esprit clair. Leurs succès incroyables sont là pour démontrer qu’ils n’avaient pas tort.
Et quand je voyais un Gust De Feyter, le manager inoubliable du colombier Havenith, ou un Jef Van Riel, un Hector De Smet, un Georges Fabry, un Ward Goossens et d’autres super-champions, peser et soupeser un pigeon, je ne doute plus qu’ils avaient, eux, un standard dans la tête et dans les mains. S’ils ont été les plus forts il serait présomptueux de rejeter le Standard parce qu’on n’est pas un docteur Bricoux, un Paul Sion, un Hector De Smet ou un Gust De Feyter, un Georges Fabry ou un Warre Goossens.
Si l’un attachait un peu plus d’importance à la musculature, un autre au plumage, un autre à l’expression, un autre à l’aile, on peut tout de même tirer une conclusion : tous ces grands pouvaient également se tromper. Mais comme disait Victor Torrekens, la différence consiste en ceci quelques-uns se trompent un peu moins que les autres. S’il n’y avait pas de Standard possible, même un « Standard approximatif », tout le monde se tromperait à coup sûr et à chaque fois.
Or, comme disait Einstein, «Dieu ne joue pas avec les dés», et je ne crois pas non plus que le sport colombophile est un jeu de dés.
[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ]
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Le classement des pigeons selon le type « Standard »
Un standard sportif – pigeon voyageur (1)