Les accouplements des pigeons
Débutant:
Si les succès dépendent en premier lieu de la valeur individuelle du pigeon, comme je le suppose, alors ils dépendent en fait de la valeur des parents et des grands-parents etc… en tant que producteurs. A ce propos je me demande si, en colombophilie, la base principale de la valeur d’un colombier, ne réside pas dans l’art de bien accoupler ses pigeons. Et là je me pose des questions. Faut-il accoupler en consanguinité, faut-il croiser, ou faut-il accoupler mi-consanguinité, mi-croisement. Comprends-tu ce que je veux dire?
Depuis plus d’un demi-siècle tu as pu te rendre compte, chez beaucoup de champions, de la manière dont ils étaient arrivés à un si haut niveau, c’est-à-dire par une certaine méthode d’accouplement de leurs producteurs.
Victor:
Il y a champion et champion. Celui qui, après quelques années de succès, s’effondre, n’est pas un champion. C’est une étoile filante. Souvent c’est le hasard qui a fait qu’un colombophile brille brusquement au firmament. Un mâle et une femelle, accouplés fortuitement, peuvent former un couple extraordinaire de producteurs donnant toute une série de grands champions. Ce fut le cas chez Fons Vissenberg de Brecht. Un vieux mâle, sans bague, égaré un beau jour chez lui, s’étant accouplé avec une femelle quelconque, donna des cracks extraordinaires.
Jef Van Riel qui venait de remporter un succès extraordinaire au Libourne national (16 engagés, 16 prix et 6 prix au national dans les 10 premiers) me disait: nous avons de bons pigeons, et pourtant ce ne sont que des « enfants » à côté des as de Fons Vissenberg. Fons venait de remporter deux dimanches consécutifs, à Orléans et Tours les trois premiers prix avec avance: il n’avait que cinq veufs dans un petit colombier d’un bon métre carré.
Mais lorsque Fons ne put plus compter sur les parents, qui étaient déjà vieux lorsqu’ils donnèrent les super-cracks, ce fut fini. Etoile filante, comme il y en a beaucoup dans le monde colombophile.
Je crois que Gust De Feyter, l’inoubliable manager du colombier Havenith, et qui tint à Anvers le haut du pavé pendant près d’un demi-siècle, avait raison lorsqu’il me dit un couple producteur est souvent à brève échéance, la mort du colombophile. C’est pourquoi je suis partisan de changer chaque année les partenaires de mes producteurs, et des pigeons qui voyagent au naturel.
Débutant:
Crois-tu vraiment que ce soit une si bonne méthode pour se maintenir?
Victor:
J’en suis absolument persuadé. Mais cette méthode demande de la part du colombophile, un certain courage de décision. Ce n’est pas si facile d’ailleurs. C’est pourquoi Pol Bostijn avait installé, dans un grand hangar, une vingtaine de « loges » individuelles. Car changer les couples dans un même colombier c’est favoriser les bagarres!
Mais lorsqu’on agit de la sorte, c.- à-d. « changer » l’accouplement, il y a certaines précautions à prendre.
Une bonne méthode est la suivante. Il faut être à deux: un qui vous passe le pigeon et note ce que le second- qui a un bandeau devant les yeux et ne sait pas quel pigeon il reçoit dans la main- vous dit de noter. Par exemple: pigeon lourd, poids mort, respiration trop rapide, sternum un peu court, ossature peu rigide, fourche faible, reins mous, plumage peu soyeux, musculature dure, platte, non rebondie. Enfin, tous les défauts qu’on peut détecter les yeux bandés.
Débutant:
Mais pourquoi les yeux bandés?
Victor:
Parce que ainsi nous neutralisons un peu les effets trompeurs de notre conditionnement. L’origine, la beauté, le prix qu’on a payé pour un pigeon… sont des choses qui conditionnent notre jugement. Je crois d’ailleurs que l’absence de conditionnement peut nous rapprocher de la vérité et donc de la perfection… comme l’est, d’une certaine façon, l’enfant, mais cela ne dure pas… hélas!
Soit, parlons pigeons. Et ici je puis, par expérience pour avoir souvent appliqué la méthode dans notre propre colombier, dire que lorsqu’on examine les notes de celui qui vous a passé les pigeons, on constate ceci: les défauts que vous avez signalés se rencontrent presque toujours dans une même lignée de pigeons.
Débutant:
Pour les accouplements, ce fait me paraît d’une grande importance. Mais quel défaut faut-il craindre le plus?
Victor:
Chaque défaut constitue forcément un handicap, surtout pour les concours de demi-fond et de fond. Mais puisque le pigeon « vole », il est évident que le plumage est d’une importance particulière. Quand le plumage est soyeux, les plumes sont souples, et c’est essentiel pour favoriser le vol du pigeon. Mais il y a autre chose à laquelle il faut faire attention lorsqu’on accouple ses pigeons. Et là le bandeau devant les yeux ne sert plus à rien. C’est l’observation du colombophile qui compte: telle ou telle souche a plus de vitalité que les autres. Même après trois ou quatre jours de jeûne complet, ils ne « fondent » pas. C’est un premier indice important.
Second indice: œil mat, sans mobilité, pauvrement pigmenté. Troisième indice: une aile inadaptée au poids du pigeon. Arrière-aile trop développée, rémiges trop larges, surtout à la base des dernières rémiges, peu de ventilation entre celles-ci.
Débutant:
J’ai compris que dans tes yeux le système « consanguinité », « croisement » n’a pas tellement d’importance. Ce qui compte c’est l’absence de défauts de toute sorte. Tout le reste, toutes les théories n’apportent rien au colombophile. Tu as dit un jour que le pigeon ne volait pas avec une carte pedigree sur soi. Et que cette carte était inefficace envers son concurrent, lorsqu’il ne savait plus le suivre, et lui disait: moins vite, s.v.p. laisse-moi passer, ne vois-tu pas que je suis le « baron X »?
Victor:
En effet, j’ai dit cela, et je le pense. Le pedigree est la science de ceux qui sont victimes du conditionnement, comme nous le sommes tous plus ou moins.
La main du colombophile, voilà le pedigree d’un pigeon. Si elle n’est pas sévère, le pedigree ne vaut rien.
Et dans les accouplements c’est cela seul qui compte. Il est vrai qu’un maximum de qualités, et un minimum de défauts se rencontrent un peu plus dans telle lignée que dans une autre.
C’est celle-là qu’il faut tâcher de conserver comme épine dorsale de sa colonie.
Noël De Scheemaecker
Notices :
- L’origine, la beauté, le prix qu’on a payé pour un pigeon… sont des choses qui conditionnent notre jugement.
- Le pedigree est la science de ceux qui sont victimes du conditionnement.
- La main du colombophile, voilà le pedigree d’un pigeon.
- Il est exact que l’origine, la beauté et le prix ( certainement) nous influencent dans le jugement d’un pigeon. Et pourtant c’est une erreur. Ce qui compte, c’est l’absence de défauts de toute sorte. Plus la main du colombophile sera sévère, plus la qualité augmentera.
[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ]
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