Les instincts chez les pigeons (1)
Débutant:
Tu m’as dit récemment, que tu te rendais compte que tu savais ce que tu ne savais pas, et que cela t’irritait. Et maintenant, tu me proposes de parler des instincts du pigeon. Mais y-a-t-il quelque chose de plus mystérieux et de plus merveilleux dans la nature, que la vie des instincts?
Victor:
Mon père me disait parfois, quand il se promenait avec nous dans la nature: « Avez-vous jamais rencontré quelqu’un qui, après sa mort, est revenu se promener sur notre planète? Pourtant, cette petite boule, sur laquelle nous vivons, est tellement belle… mais on ne pense pas à la regarder…. »
Débutant:
C’est très beau ce que ton père te disait, mais quel rapport avec la colombophilie?
Victor:
Ne comprends-tu pas que je veux dire par là, que nous, colombophiles, ne regardons pas assez nos pigeons, qui, pourtant, peuvent nous apprendre beaucoup de choses.
Débutant:
Voilà, cher maître, plus d’un demi-siècle que tu fréquentes l’école dirigée par des pigeons! Et as-tu appris beaucoup de choses?
Victor:
Ce n’est pas un scientifique qui te parle de l’instinct animal… mais un simple colombophile qui pense pouvoir se fier à une certaine expérience. Mon principal avantage sur celui qui étudie le comportement des hommes, est le fait que le pigeon n’est pas un comédien. Tous ses comportements sont guidés par ses instincts, chaque instinct se manifestant dans un but précis. A nous de les comprendre. Et c’est le principal plaisir que nous avons, nous colombophiles. Car y-a-t-il plus grand plaisir que de résoudre un problème qui se pose à notre esprit? Et le problème des instincts chez le pigeon en-est un.
Débutant:
Vas-tu enfin me parler des instincts mêmes. Pour ma part je t’avoue que je n’y ai jamais songé. Et pourtant cela me paraît très important pour remporter des succès en colombophilie, car, si j’ai bien compris, la « motivation » chez les pigeons, a un rapport avec ses instincts. Oui ou non?
Victor:
Oui, absolument, nous savons tous qu’un pigeon très motivé se classe en tête. La « motivation » est un « moteur » puissant. Mais quelle est la clé qui fait démarrer le moteur? C’est l’observation qui peut nous l’apprendre. La grande révolution dans le sport colombophile fut l’introduction du veuvage. On avait découvert là un système de jeu qui allait se généraliser parce que les « veuvagistes » battaient tous les concurrents « naturels », si on peut dire! La méthode du veuvage consistait simplement à motiver le mâle en exploitant son instinct sexuel, c.-à-d. son désir de féconder sa femelle dans le but de perpétuer l’espèce. Et le système a si bien fonctionné, que plusieurs sociétés en Belgique, même l’Union d’Anvers, ont fini par interdire le veuvage. Cela n’a pas duré longtemps, car le contrôle était très difficile.
Débutant:
Mais le veuvage a un autre atout: les veufs sont traités comme des athlètes; « entraînement » et « repos ». Pas de chasse à nid, pas de gavage des jeunes. C’est là peut être que réside le secret de leurs succès.
Victor:
En effet, cela est très vrai. Mais le système du veuvage a aussi son côté négatif. Les colombophiles disent parfois: les veufs en ont assez, la forme n’y est plus, ils ne sont plus motivés par le veuvage, etc.. Nous allons tâcher d’y trouver une explication. On sait que la vie des instincts, « innée » d’ailleurs, peut se développer rapidement et le pigeon, par exemple, s’enrichit par les « acquis de l’expérience ». Pour que cela aille rapidement et efficacement, la meilleure période se situe quand le pigeon est encore jeune.
Le pigeonneau qui n’a pas été suffisamment entraîné, aura du mal à se classer à l’âge d’un an contre les pigeons ayant acquis beaucoup d’expérience déjà comme pigeonneau.
Débutant:
Qu’entends-tu par les « acquis de l’expérience? »
Victor:
Nous voilà revenus à la vie des instincts. Si le colombophile constate que ses veufs ne « mordent » plus, comme on dit, c’est parce que, par les acquis de l’expérience, le pigeon est démotivé. En effet, que se passe-t-il?
Avant l’enlogement on montre ou on ne montre pas la femelle au veuf. Dans les deux cas le veuf sait, par expérience, que sa femelle l’attend à son arrivée. Très bien! Mais que se passe-t-il alors? Après un certain temps, après son retour, on lui retire sa femelle. Après quelques concours le veuf doit se rendre compte qu’il est « floué ». Les acquis de l’expérience le lui apprend, et la motivation diminue. Et le colombophile de dire alors naïvement « que ses veufs ne mordent plus ».
Débutant:
Si j’étais à leur place je ferais de même! Tout « zwanze » à part, y-a-t-il une solution à ce problème?Le veuvage n’est-il pas le « nec plus ultra ».
Victor:
Je ne le crois pas. Il y a un instinct qui est plus profond que l’instinct sexuel qui motive le veuf. Il y a l’instinct de défense de son territoire.
Débutant:
Où vas-tu chercher cela?
Victor:
D’abord parce que la défense du territoire est la condition de la survie de l’animal. Car il doit y trouver et défendre sa nourriture. Et ensuite parce que l’expérience nous le montre.
Débutant:
Le pigeon te l’a-t-il dit?
Victor:
Non, mais il nous l’a montré par son comportement. Je crois qu’un système de jeu basé sur cet instinct serait supérieur au système du veuvage. Et en premier lieu parce que on n’aurait pas ce qu’on constate au veuvage, c.-à-d. que le veuf, après un certain temps, perd sa motivation, comme je te l’ai expliqué.
Débutant:
Tu parles de ton expérience, explique-moi cela.
Victor:
Tu te souviens qu’il y a un certain temps déjà je t’avais parlé du système appliqué par Emile Dupont d’Herseaux, qui a remporté des succès incroyables en jouant ses mâles motivés par la défense de leur territoire.
Débutant:
Expliques-moi cela encore une fois. Mais ce système est-il appliquable par le « petit » colombophile? Car cela me concerne puisque je ne dispose que d’une poignée de veufs.
Victor:
Précisément, ce système est d’un grand avantage pour le « petit » colombophile. Prenons un exemple en supposant que tu disposes d’une douzaine de veufs. Il faut deux colombiers. Un colombier avec six casiers et un colombier avec six perchoirs. Avant la saison tu laisses couver ou élever un jeune par six de tes veufs dans le premier colombier. Ensuite tu accouples avec les mêmes femelles, les six autres mâles, tandis que tu relègues les premiers dans le colombier avec les perchoirs. ll y a donc un casier, un même territoire pour deux mâles. Aucun problème pour la volée journalière (d’ailleurs une volée par jour suffit). Quand c’est le tour aux six mâles du colombier à perchoirs, tu mets les mâles, qui ont séjourné dans leur casier, dans le colombier à perchoirs.
Débutant:
Cela me paraît faisable dans mes deux colombiers juxtaposées. Mais alors?
Victor:
Avant l’enlogement, tu lâches les 12 mâles ensemble. Inutile de montrer les femelles, l’instinct du territoire est plus fondamental comme je te l’ai dit. Après quelques secondes tu prends les mâles, six ou tous les douze pour les enloger. Et je te garantis des surprises!
Débutant:
Et tout cela parce que tu crois que l’instinct du territoire est plus fort que l’instinct sexuel… et qu’on ne « floue » pas les veufs comme dans le système classique du veuvage.
Victor:
En effet, et la prochaine fois je te donnerai d’autres détails sur les instincts… et les motivations possibles.
Noël De Scheemaecker
Notices:
- Les colombophiles qui observent bien leurs pigeons et qui peuvent en tirer des leçons sont souvent ce qu’on appelle des « fins » colombophiles, car les pigeons peuvent nous apprendre beaucoup de choses.
- L’ihstinct du territoire est un des plus importants atouts pour motiver des pigeons. Si deux pigeons ont un casier, le même territoire, il suffit de les laisser quelques secondes ensemble dans leur casier. Il faut cependant veiller à ce qu’ils ne se blessent pas et quand on les enloge au même concours, il ne faut évidemment pas les enloger dans le même panier.
[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ]
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