Les oiseaux et le vent – 1 – pigeon voyageur
Le retour au pigeonnier des pigeons voyageurs (« homing ») et la migration des oiseaux sont deux sujets extrêmement fascinants pour les biologistes. Les pigeons voyageurs et les oiseaux migrateurs se retrouvent devant les mêmes problèmes; j’en ai déjà traité à plusieurs reprises dans ce périodique. Tous les deux réussissent à s’orienter, les uns vers leur pigeonnier et les autres vers leur aire d’hivernage ou d’élevage, selon l’époque.
Actuellement, il y a beaucoup de contestations sur les organes des sens utilisés par les oiseaux lors de leur orientation; mais cela n’est pas le propos de mon article. Ces dernières années, de nombreux travaux scientifiques ont été réalisés sur la migration, dont beaucoup ont été faits à l’aide du radar. L’étude de l’influence du vent constitue une partie importante de ces travaux: celui-ci joue en effet un grand rôle lors des migrations.
Je voudrais m’étendre un peu plus longuement sur ce sujet car je crois qu’il y a matière à discuter et que les colombophiles pourront en retirer des éléments intéressants. C’est un fait que chaque année l’influence de toutes sortes de facteurs sur les résultats des concours revient à l’actualité et fait des malcontents: la position du colombier et le vent occupent la place centrale dans ces discussions. Beaucoup de colombophiles ne peuvent s’empêcher de se sentir toujours défavorisés et d’imputer leur défaite à l’un de ces facteurs. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer à propos de l’influence de la force et de la direction du vent sur le vol du pigeon ramier (qui est un oiseau migrateur), dans mon article « A propos de la biologie du vol », paru dans Pigeon Rit Nov. 1-91). Nous avions vu qu’en l’absence de vent, le ramier a une vitesse moyenne de base de 57 km/h. Avec par exemple un vent arrière de 36 km/heure, la vitesse réelle de vol ne sera pas la somme des deux précédentes (93 km/heure). Le ramier va en effet ralentir et sa vitesse de base sera ramenée à 47 km/heure de sorte que finalement la vitesse réelle observée sera de 47 + 36 = 83 km/heure. Lors d’un vent de bec important, il en va autrement: le pigeon augmente la cadence de battement des ailes, ce qui élève la vitesse de base à 78 km/heure avec pour résultat une vitesse réelle observée de 78 – 36 = 42 km/heure. Pareille chose se produit pour tous les oiseaux, le pigeon voyageur compris. L’analyse des chiffres cités nous permet de faire remarquer plus loin dans cet article qu’en présence d’un vent arrière, la vitesse de vol s’élève, la consommation d’énergie diminue et les efforts sont de moindre importance. Il s’agit donc d’un vol plus facile qu’en présence d’un vent de bec. Ceci est directement en contradiction avec les affirmations incompréhensibles du père de la « théorie alaire » (Van der Schelden) et de quelques-uns de ses partisans affirmant qu’un pigeon vole plus facilement par vent de bec. Il est également intéressant de remarquer que le ralentissement partiel par vent arrière et l’activation du battement d’aile par vent de face constituent une épargne d’énergie; dans les deux circonstances la consommation d’énergie est minimalisée. La question d’énergie est de première importance pour la migration. Il s’agit pour les oiseaux d’être économe avec l’énergie (et l’eau) pour pouvoir atteindre les aires de repos hivernal ou d’élevage. Cet endroit est atteint parfois pour certaines espèces après un long voyage d’un millier de kilomètres; pour d’autres la difficulté sera de traverser le désert du Sahara d’une seule traite.
Pour ces diverses raisons nous pouvons aisément comprendre que la plupart des oiseaux prennent leur départ avec le vent dans le dos… Parfois par vent fort et contraire ils sont obligés de remettre leur départ afin d’éviter de courir le risque d’être repoussés en arrière (retro-migration). Pour certains longs voyages, un vent arrière est une absolue nécessité; ces oiseaux ne peuvent atteindre leur destination qu’en bénéficiant de beaucoup de vent arrière. Cependant, des migrations sont possibles par vent de bec. Les hirondelles, par exemple, réagissent autrement: elles ne s’intéressent pas beaucoup à la direction du vent lors de leur départ. Cela tient au fait qu’elles ne voyagent que pendant la journée et qu’elles peuvent s’alimenter en volant; elles maintiennent ainsi continuellement leur réserve en énergie. De plus, elles essaient également de diminuer leur consommation en énergie en s’adaptant aux circonstances, ainsi par vent de bec elles volent le plus près possible du sol (là où la vitesse du vent est la plus faible). Naturellement le vent ne souffle pas toujours exactement dans le dos ou de face; en effet, il y a naturellement beaucoup plus de cas où le vent souffle de côté et cela dans toutes les positions possibles. Les vents de travers compliquent les affaires encore un peu plus pour les oiseaux migrateurs (à cause de la tendance à la dérive due au vent).
Si l’oiseau garde sa direction initiale (qui est pointée vers la destination B grâce à son sens de l’orientation), alors il arrivera à côté de son objectif. Ceci est représenté schématiquement par la figure 1 (a) pour un vent venant de gauche; la direction et la vitesse de vol de l’oiseau sont représentées par H, la force et la direction du vent par W. Cela donne comme résultante la route T donc un écartement vers la droite.
La figure 1 (b) montre ce qui se produit lorsque le vent vient de la droite. Il peut aussi y avoir une autre réaction possible. L’oiseau peut choisir de voler contre le vent en maintenant son corps en biais par rapport à la ligne directe vers sa destination (fig. 2).
Si l’oiseau choisit de voler en suivant la ligne H, la poussée du vent représentée par W (aussi bien de droite que de gauche) crée un effet de compensation de sorte que l’oiseau se dirige suivant la ligne T, ce qui finalement est le but recherché. Ce raisonnement est également valable en cas de vents contraires de face ou de côté. Avec un vent de côté plus ou moins constant l’oiseau a tout intérêt à rechercher un effet de compensation le plus important possible: ainsi il arrive à destination par le chemin le plus court avec une consommation minimale d’énergie.
Dans le cas représenté par la figure 3, il a été possible de démontrer que dans le cas où l’oiseau se laisse emporter par le courant (dérive), la route parcourue est plus longue de 60% que dans le cas où un effet de compensation complet est recherché. Et pourtant, il faut avouer que cela n’est pas valable dans 100% des cas. On a en effet montré que parfois la stratégie de la compensation n’était pas appliquée. Dans des conditions bien particulières, certains oiseaux réussiront mieux (moins de temps et d’énergie) en n’appliquant pas l’effet de compensation.
Ainsi par vent arrière latéral très fort, au début du vol, ils se laisseront dériver latéralement à haute altitude pour ensuite se laisser descendre dans la dernière portion de route et entamer alors un effort de compensation à basse altitude (le vent de face y étant moins fort). Pour utiliser l’effet de compensation en tant que stratégie, il est nécessaire pour les oiseaux en vol d’apprécier la direction et la force du vent. Toutes ces découvertes pour les oiseaux sont certainement valables pour les pigeons voyageurs. Ces derniers sont régulièrement en face des mêmes problèmes, surtout pour les concours sur de longues distances.
Il n’est pas imaginaire de croire que les bons voyageurs possèdent, en plus de beaucoup d’autres qualités, les sens les plus aiguisés pour choisir les couches d’air les plus favorables (ou les moins mauvaises) et si besoin est, d’exécuter parfaitement une certaine compensation pendant le vol. Une fois de plus, il s’agit d’une qualité qu’il n’est pas possible de découvrir extérieurement et qui doit être mise en évidence par la participation aux concours. Ces questions doivent nous pousser à réfléchir sur les cas de victoires auxquelles nous sommes parfois confrontés, remportées avec une invraisemblable avance. Faut-il toujours se résigner à croire que ces cas sont frauduleux? Seul Dieu sait si certaines de ces victoires ne s’expliquent pas simplement grâce à l’application des stratégies de vol discutées ci-dessus! Le fait de penser qu’il soit possible qu’un pigeon puisse parfois trouver une couche d’air particulièrement favorable et appliquer la meilleure stratégie de vol doit nous inciter à être prudent avec le déclassement de pigeons ayant volé avec une avance anormale.
C’est une question extrêmement difficile et délicate. Il me faut ici rappeler quelque chose de très important pour les concours nationaux et internationaux (donc avec un large front). Si par exemple à Anvers le vent est un vent de queue à 100%, ce sera loin d’être le cas pour les deux points les plus éloignés de notre pays, la Panne et Virton. C’est donc dans les différentes sortes de vents que se trouve l’explication principale de ce que l’on nomme « la position », et qui en fait ne vient pas de la position elle-même.
A suivre. Prof. Dr. G. Van Grembergen
[ Source: Article édité par Prof. Dr. G. Van Grembergen – Revue PIGEON RIT ]
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