Les oiseaux et le vent – 2 – pigeon voyageur
Dans mon article précédent j’ai attiré l’attention sur l’importance pour les oiseaux migrateurs d’user avec parcimonie de leurs réserves en énergie. Pratiquement cela concerne exclusivement les graisses; les hydrates de carbone (sucres) n’entrent pas en ligne de compte. Les réserves en graisses sont rapidement constituées pendant la phase prémigratoire (juste avant le début de la migration). De plus, il se produit au niveau des muscles du vol des changements biochimiques et morphologiques extraordinaires qui n’ont d’autre but que de pouvoir utiliser (« brûler ») rapidement les graisses. Ces changements ressemblent fort à ceux qui se produisent dans les fibres musculaires des pectoraux des pigeons voyageurs lors d’entraînements intensifs. Cela revient donc pour les oiseaux migrateurs à avoir une réserve optimale de graisses. On pourrait penser qu’ils doivent accumuler le plus de graisse possible. Pourtant rien n’est moins vrai. Avec trop peu de réserves, ils ne peuvent pas atteindre leur destination. Par contre, un excédent n’est pas valable non plus car une surcharge pondérale signifie également une diminution de la vitesse de vol et une plus grande vulnérabilité pour les oiseaux de proie. Le même principe de modération est valable aussi pour le pigeon voyageur. On a d’ailleurs déjà démontré en 1988 que le port d’un harnais et a une différence dans la vitesse de vol entre d’un appareil radio qui pèsent ensemble seulement 2.5 à 5% du poids du corps (donc: 12-25 gr) a pour conséquence une augmentation des besoins énergétiques de 41 à 52% et une diminution de la vitesse de vol de plus de 25%. Il est donc clair qu’aussi bien pour un oiseau migrateur que pour un pigeon voyageur, il existe un poids idéal. A condition que les pigeons puissent s’exercer régulièrement, je ne crois pas qu’il y ait un grand danger de surcharge graisseuse chez le pigeon même si l’amateur leur sert pendant les derniers jours avant l’enlogement un mélange de graines particulièrement riches en graisses; l’excès éventuel de graisses étant éliminé par l’entraînement.
Les pigeons de « vitesse » ne risquent pas de souffrir de surcharge pondérale car ils sont souvent nourris avec parcimonie ou bien même tenus sur une pointe de faim.
En rapport avec cela, il est souvent affirmé qu’il existe des différences entre les pigeons de vitesse et de fond; les pigeons de fond ne devraient pas remporter des concours de vitesse. Sans nier que la pratique d’une sélection régulière conduit à l’une ou l’autre différence, je suis d’avis que le plus souvent, il s’agit de différences d’aspect.
J’ai connu assez de cas dans mon pigeonnier et chez d’autres colombophiles pour oser affirmer que celles-ci reposent sur des différences dans la préparation aux concours. C’est ainsi que les joueurs de vitesse entrent déjà en lice au mois de mars et d’avril et tirent immédiatement sur la corde; au contraire, les joueurs de fond « démarrent » sans se presser fin avril, début mai, et cela en préambule au programme de fond. Les pigeons de fond ne doivent pas être prêts en avril, mais au plus tôt fin mai – début juin. Mais je reste persuadé qu’un pigeon de fond bien préparé peut rivaliser avec les pigeons de vitesse. D’ailleurs, nombreux sont les reportages mentionnant des amateurs de vitesse et demi-fond jouant avec du matériel puisé dans des colonies pratiquant exclusivement le fond. On a essayé chez un certain nombre d’oiseaux de dresser un bilan énergétique de leur migration. Cela a plus ou moins réussi car beaucoup d’oiseaux ayant de nombreux kilomètres à parcourir doivent régulièrement s’arrêter en route : ils interrompent leur voyage pour chercher de la nourriture et restaurer leurs réserves en énergie.
Le fait que les oiseaux en volant perdent régulièrement du poids suite à la combustion des graisses constitue une autre difficulté dans de telles recherches. En effet cette diminution de poids résulte en une légère augmentation des possibilités de vol.
Pour le pigeon voyageur, on a également essayé de dresser en laboratoire un bilan énergétique. En dépit des nombreuses données rassemblées au cours des années, sur le métabolisme du pigeon, on n’a pas encore réussi à déterminer le poids idéal de vol de cet oiseau; de gros écarts sont observés entre les différentes mesures. Les données exactes dans des conditions naturelles de vol resteront d’ailleurs difficiles à cerner. D’ailleurs qui laisserait faire des essais sur de bons pigeons voyageurs?
Et pourtant, cela serait très intéressant pour des amateurs de connaître le poids idéal de chacun de leurs pigeons. Mais comment déterminer ce poids en pratique? Je pense qu’on peut y arriver en comparant des pesées effectuées sur une balance précise (au gramme près).
Ces mesures doivent toujours être effectuées dans les mêmes conditions, de préférence le matin à jeun. Au cours de l’année 1989, j’ai effectué une étude importante sur le problème de la récupération après un concours.
De cela il apparaît que l’on peut considérer que les pigeons se retrouvent, sur le lieu du lâcher, dans plus ou moins le même état corporel que lors du départ du pigeonnier. Les réserves que les pigeons ont emmagasinées avant l’enlogement restent intactes pendant le convoyage vers le lieu du lâcher (du moins dans des conditions normales de transport).
Logiquement, lorsqu’un pigeon effectue une très bonne prestation dans un concours, c’est qu’il était au moment du lâcher en bonne condition et qu’il avait un poids optimal. Ainsi, le poids noté le jour de l’enlogement à ce concours peut être considéré comme une référence pour les concours suivants. Je n’ai pas eu l’occasion de mettre en pratique cette idée; ces données n’étaient d’ailleurs pas encore connues lorsque j’ai arrêté de jouer. Je suis pourtant convaincu que cela pourrait être un indice de forme beaucoup plus fiable que tout ce qui a été préconisé avant.
Je tiens à conclure brièvement sur le métabolisme et les graisses qui. comme nous l’avons vu, jouent un rôle essentiel pendant le vol. Lorsqu’il y a une demande d’énergie les graisses du tissu adipeux sont mobilisées: elles sont transformées en acides gras libres qui sont déversés dans le système sanguin et transportés aux muscles du vol où a lieu l’oxydation (= combustion). C’est un processus compliqué, une suite de réactions en chaîne, dans lesquelles beaucoup de composés sont impliqués. L’un d’eux est la carnitine qui en fait est produite par l’organisme. Cependant dans certains milieux sportifs, quelques-uns ont cru que l’administration de quantités supplémentaires de carnitine pourrait occasionner des miracles sportifs. Il n’a pas fallu longtemps non plus pour que des préparations destinées aux pigeons à base de carnitine apparaissent dans le commerce. Afin que l’on ne puisse pas me suspecter de parti pris, je me limiterai à la citation de l’avis du Dr. J.M. Wagenmakers, du Département de « Biologie humaine » de l’Université du Limbourg Néerlandais à Maastricht. Ce spécialiste publia en 1991 un article sur « la supplémentation en carnitine et les prestations sportives humaines » dans le journal de médecine sportive humaine « Advances in Nutrition and Top Sport ». Sa conclusion peut être résumée comme suit: « Il n’y a aucune preuve convaincante que la prise supplémentaire de L-carnitine améliore les prestations d’un sportif en bonne santé. Il a été clairement démontré que la supplémentation en L-carnitine n’augmente pas l’oxydation des acides gras pendant les exercices
de longue durée, ce qui en fait était le motif premier de son administration. »
Je ne crois pas que jusqu’à présent ce point de vue ait été réfuté.
Prof. Dr. G. Van Grembergen
Notices :
- Les colombophiles affirment souvent qu’il y les pigeons de fond et ceux de vitesse. Le prof. Van Grembergen pense plutôt que la différence se situe au niveau de la préparation aux concours.
Les spécialistes de vitesse entrent déjà en lice en mars et en avril et « tirent » immédiatement sur la corde alors que les joueurs de fond commencent doucement fin avril-début mai et cela en préambule au programme de fond. - Au cours de l’année 1989, Je prof. Van Grembergen a réalisé une étude poussée sur le problème de la récupération après un concours. De celle-ci il est apparu que l’on pouvait considérer que sur le lieu du lâcher les pigeons étaient dans un état corporel à peu près similaire à celui qu’ils avaient en quittant le pigeonnier.
Les réserves que les pigeons possèdent au moment de l’enlogement restent intactes pendant le convoyage vers le lieu du lâcher (dans des conditions normales). - ll est clair qu’aussi bien pour un oiseau migrateur que pour un pigeon voyageur, il existe un poids idéal.
[ Source: Article édité par Prof. Dr. G. Van Grembergen – Revue PIGEON RIT ]
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Les oiseaux et le vent – 1 – pigeon voyageur
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