Les organes des sens (11) – Le Pecten – pigeon voyageur
Situé chez les oiseaux tout près de l’endroit où aboutit le nerf optique, le pecten est absent chez les mammifères. Cette structure est de couleur foncée et consiste en un tissu lamellaire qui est particulièrement riche en vaisseaux sanguins. Ce qui nous porte à croire que le pecten a un rôle nutritif essentiel (énergie + oxygène) à remplir pour la rétine qui, chez les* oiseaux (au contraire des mammifères), n’a pas de. vaisseaux sanguins.
Le pecten est également supposé remplir toute une série d’autres fonctions. Ainsi certains chercheurs pensent que le pecten projette, vraisemblablement, une ombre grillagée sur la rétine et contribue ainsi à la perception du mouvement. D’autres pensent que l’ombre du pecten fait partie du compas solaire et joue donc un rôle dans l’orientation du pigeon. Il faut dire qu’il y a encore beaucoup d’énigmes à résoudre: il est extrêmement difficile d’apporter des preuves à toutes ces questions.
La protection de l’oeil: les paupières et les sécrétions lacrymales.
Lors de l’étude de l’oeil une discussion des mécanismes de protection s’impose. Ceux-ci sont de deux sortes: d’un côté les paupières et de l’autre les larmes. Les paupières peuvent être ouvertes et fermées grâce à différents petits muscles. La fermeture des paupières se produit chez l’homme d’une part de manière arbitraire et d’autre part sans l’intervention de la volonté et est dans ce cas un réflexe (une sorte d’automatisme). Chez les animaux, le réflexe de fermeture automatique des paupières est le mécanisme de fermeture principal, bien qu’il ne soit pas le seul. Cela se, produit par exemple, lors d’une exposition à une lumière éblouissante, lorsqu’un objet s’approche brusquement de l’oeil, lors de l’effleurement de l’oeil et lors de l’irritation par certaines substances chimiques. La fermeture des paupières dans ces circonstances signifie naturellement une protection de l’oeil contre toute une série de dangers imminents. Le battement des paupières joue encore un autre rôle important; c’est grâce à ce dernier que les larmes sont réparties sur toute la surface de l’oeil.qui est donc parfaitement humidifié. Les !armes protègent la paupière et la conjonctive (le côté intérieur de la paupière) contre le dessèchement.
Les larmes servent de lubrifiant aux battements des paupières, grâce à ces dernières les grains de poussière qui sont entre l’oeil et la paupière sont éliminés. Il est important pour garder les propriétés optiques de la cornée que cette dernière soit toujours légèrement humidifiée; dans le cas contraire la translucidité de la cornée se perdrait et la formation de l’image serait défectueuse.
En relation avec ceci, il faut faire la remarque suivante à propos d’un symptôme qui est sans aucun doute connu par beaucoup d’amateurs: chez des pigeonneaux qui sont sevrés depuis quelques jours, on observe parfois chez quelques sujets n’ayant pas trouvé l’abreuvoir un clignement des yeux.
Cela se produit vraisemblablement à la suite d’un épaississement du sang lors de soif intense, ce qui rend la conjonctive plus sèche occasionnant du frottement et de l’excitation des yeux.
Jusqu’à présent lorsque je parlais des paupières je ne faisais pas de différences entre paupière supérieure et inférieure. Chez les oiseaux et chez beaucoup de mammifères il existe une troisième paupière (également appelée membrane nictitante) ( voir fig. 1: la tête du pigeon). Cette dernière se trouve dans la partie médiane du coin de l’oeil (du côté du nez) et est invisible au repos.
Mue par de petits muscles, la membrane nictitante peut recouvrir latéralement toute la surface de la cornée: lorsque ces muscles se détendent elle se replie d’elle-même dans son coin. La membrane nictitante étant très mince, elle laisse passer la lumière : l’oiseau peut continuer à voir normalement. La membrane nictitante recouvre la cornée, sans aucun doute, pendant :e vol. Et c’est très bien ainsi. Il faut s’imaginer que le pigeon vole à des vitesses qui peuvent dépasser 100 km/heure, que se passerait-il si les yeux n’étaient pas protégés?
L’on peut penser à la comparaison faite avec le motocycliste sans lunettes. Il doit être protégé contre la pluie, le vent, les insectes et contre le dessèchement de la cornée. Lors d’inflammation (même légère), la membrane nictitante enfle et saille de manière plus ou moins forte dans le coin de Les colombophiles disent que leurs pigeons (surtout les jeunes) ont la « petite membrane enflammée », un symptôme avec lequel certains pigeonniers sont confrontés annuellement. Des recherches, faites par mon collègue H. Vindevogel (de Bruxelles) ont démontré qu’un Herpès-virus était l’agent causal de cet état inflammatoire. Ce virus est le plus souvent présent sous une dorme bénigne et extérieurement on ne remarque pas grand chose excepté l’inflammation de la membrane; d’ailleurs l’état général des animaux est alors encore le plus souvent satisfaisant. Néanmoins, les prestations sportives diminuent fortement.
En ce qui concerne les explications des mauvaises prestations, on en est réduit à faire des suppositions. Peut-être la vue est-elle un peu entravée. Peut-être également par suite de l’enflure, le « rideau » ne peut pas être tout à fait fermé durant le vol. Je pense plutôt que l’inflammation de la membrane nictitante va de pair avec une très légère inflammation des muqueuses du système respiratoire supérieur (fosses nasales, sinus, gorge), qui entrave !a respiration. Or un système respiratoire performant dans son entièreté est justement un facteur essentiel pour de bonnes prestations sportives. Donc n’importe quelle gêne respiratoire, aussi légère soit-elle, sera de nature à diminuer les prestations sportives.
Je dois encore mentionner que la chose peut s’aggraver si certains facteurs affaiblissants sont associés: vols pénibles par temps froid, de mauvais pigeonniers (courants d’air, humidité, grandes différences de température) ou également une infection par d’autres organismes pathogènes, comme certaines bactéries, des mycoplasmes ou de la trichomonase. Les larmes qui ont un goût salé (ce sont principalement des filtrats sanguins) sont sécrétées par les glandes lacrymales qui sont situées dans chaque coin de l’oeil (une glande par coin) près du globe oculaire.
Les larmes sécrétées par les glandes lacrymales sont amenées par de petits canaux entre le globe oculaire et les paupières. De là grâce au canal lacrymal elles parviennent aux fosses nasales. Les larmes peuvent ainsi être évacuées par les narines mais en réalité elles s’écoulent principalement via la fente palatine dans la gorge (Fig. 2).
Il est inutile de dire que les sécrétions normales ne sont pas abondantes; les larmes s’évaporent partiellement et le reste est avalé. Cela signifie que lorsque tout est normal aucune trace de larmes ne doit se trouver au-delà du bord de la paupière, donc à l’extérieur l’on ne voit aucune larme. Certaines circonstances augmentent les sécrétions lacrymales. Cela se produit par exemple lorsqu’il y a une irritation de de la conjonctive mais également des muqueuses nasales. L’irritation peut être provoquée par la présence d’un corps étranger; par une blessure, par certains produits chimiques et également aussi par une inflammation. Lors d’inflammation le mécanisme pour stimuler les sécrétions est double: d’une part le réflexe (nerveux) qui stimule la sécrétion des glandes lacrymales, d’autre part une inflammation est toujours associée à une dilatation des vaisseaux sanguins donc à un flux sanguin plus important, ce qui signifie une plus grande infiltration de liquide inflammatoire. Ce liquide inflammatoire vient s’ajouter aux larmes et le tout déborde au niveau des paupières et vient mouiller les plumes autour de l’oeil.
Dans ce qui précède, le colombophile peut trouver une explication partielle des causes de « l’oeil humide » chez le pigeon. Il existe également une autre cause. Parfois le canal lacrymal se bouche et les larmes doivent -trouver un autre chemin pour s’écouler. L’Orifice extérieur ‘du canal lacrymal peut être obstrué par le gonflement du tissu cellulaire proche ou peut être lui-même le siège d’une inflammation et lorsque celle-ci est terminée, en général le passage est restauré. Cependant il arrive que le canal reste encombré partiellement pendant un certain temps par des débris cellulaires et des poussières. Nous venons de voir que les yeux sont en communication avec la fente palatine et la gorge, grâce au canal lacrymal. Si ce canal n’est pas complètement dégagé, il n’est pas question de remporter des prix de tête même si les pigeons paraissent bien et en bonne santé et présentent tous les indices de la « forme ». Ces conclusions sont le résultat de ma longue expérience.
C’est pour ces raisons que nos jeunes pigeons n’étaient jamais enlogés sur de grandes distances sans avoir préalablement contrôlé le libre passage des canaux lacrymaux (à effectuer de préférence la veille de l’enlogement). Voici le moyen le plus simple pour le faire. Avec un peu d’habileté on peut effectuer cette opération seul; il est toujours possible de se faire aider éventuellement par quelqu’un qui tient le pigeon. Tirer doucement la paupière inférieure vers le bas et laisser tomber dans l’espace formé entre la paupière et le globe oculaire 1 ou 2 gouttes d’une solution aqueuse de mercurochrome à 1 % (signaler au pharmacien que cette solution sera utilisée comme collyre). On laisse ensuite la paupière inférieure revenir à sa place et l’on tient les 2 paupières fermées durant environ 5 secondes. Ensuite en ouvrant le bec on doit voir la couleur rouge au niveau du palais et de la gorge. Si cela dure plus longtemps alors c’est mauvais signe. Dans un tel cas, la sagesse est de ne pas enloger ! Le colombophile peut répéter l’opération le lendemain pour vérifier si la situation ne s’est pas améliorée; d’ailleurs le mercurochrome est un excellent désinfectant.
Epilogue: La théorie des yeux.
Dans de précédents articles, j’ai essayé autant que possible de donner un aperçu scientifique des organes des sens du pigeon. J’ai donc eu l’occasion de réfuter la théorie selon laquelle certaines couleurs des yeux sont à préférer pour l’élevage et d’autres pour les I concours; cette théorie suivant laquelle on peut attribuer, en fonction du « cercle de corrélation », de la couleur et de la disposition des pigments dans l’iris, une certaine valeur pour la production ou pour la compétition. Autrefois, cette théorie comptait de nombreux partisans convaincus. De nos jours également. l’on se rend compte, à la lecture de reportages. qu’il y e encore des .(amateurs qui sont des adeptes de cette théorie.
Cette mauvaise conception fortement enracinée concernant la couleur des yeux, m’a toujours beaucoup intrigué. Comment peut-on continuer à croire à une théorie que tant de colombophiles célèbres ont refutée sur base de leur propre expérience!
Face à une argumentation scientifique cette théorie ne tient pas debout. Au sens propre du terme, ce n’est d’ailleurs pas une théorie. Les scientifiques, lors de leurs études, s’efforcent de rassembler des données, de participer à des séminaires, de tout analyser: suite à cela ils vont essayer d’échafauder une hypothèse, basée sur des fondements logiques et souvent aussi sur l’intuition. Mais ils ne peuvent s’arrêter là. Une hypothèse doit être testée: il faut la confirmer par des preuves, beaucoup de preuves, issues de différentes expériences. S’il arrive que certains résultats ne soient pifs convergents, il faut apporter des modifications à l’hypothèse; de nouvelles expériences doivent être effectuées afin de démontrer s’il y a enfin concordance entre cette nouvelle hypothèse et les résultats obtenus. Alors seulement on débouche sur une théorie.
L’important est que toutes les données utiles, claires et précises, soient publiées de sorte que les expériences puissent être refaites et qu’un contrôle’ par d’autres scientifiques soit possible.
Une théorie ainsi obtenue est crédible: l’on peut s’y fier. Un bon exemple est la théorie de l’Évolution de Charles Darwin (1858) qui démontre l’évolution des êtres vivants selon une sélection naturelle; celle-ci est sans aucun doute le meilleur exemple issu de l’histoire de la biologie, car l’on peut dire que cette théorie:-a été le point de départ de la biologie moderne. Il est clair que la « théorie des yeux » ne répond à aucune des conditions citées plus haut: elle appartient au domaine de la fantaisie.
Nous savons également que scientifiquement cette théorie des Yeux n’est pas correcte. Les pigeons voyageurs sont des animaux de compétition, pas des animaux de luxe. Leurs prestations dépendent de nombreux facteurs. Pour n’en citer quelques-uns: de bonnes capacités d’orientation, travail parfait des organes des sens, des muscles, de tous les organes internes (comme le coeur, les poumons, etc), des qualités morales (comme la volonté). Il n’est donc pas possible que la réussite dans les concours soit dépendante des mêmes facteurs héréditaires (gènes) qui déterminent une couleur particulière de l’iris ou des plumes (un raisonnement semblable est également valable poux d’autres caractéristiques morphologiques telles que la structure de l’aile et de la « frappe »).
Il ne faut donc pas s’étonner que la transmission héréditaire de toute une série de caractéristiques utiles chez le pigeon voyageur se déroule de façon moins évidente que dans le cas de la couleur des plumes. Cela est même beaucoup plus complexe que l’hérédité des caractères productifs d’une vache laitière, d’une poule pondeuse, ou bien de l’aptitude à courir d’un cheval. Il n’ y a pas d’alternative, dans le cas des pigeons voyageurs, une sélection constante basée sur les résultats dans les concours reste obligatoire. FIN.
[ Source: Article édité par Prof. Dr. G. Van Grembergen – Revue PIGEON RIT ]
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