Les organes des sens (2) – pigeon voyageur
L’odorat.
Bien que des cellules olfactives aient été trouvées dans les muqueuses nasales, l’on croyait jusqu’il y a peu, que les oiseaux, à l’inverse de la plupart des mammifères, avaient des facultés olfactives très peu développées. On était arrivé à cette conclusion parce que des essais de conditionnement aux odeurs avaient échoué et aussi également parce que les lobes olfactifs du cerveau sont minuscules (voir fig. le cerveau d’un oiseau).
Cependant, il n’y a pas si longtemps que l’on a pu démontrer, à l’aide d’expériences subtilement réalisées, que le pigeon était capable de différencier certains parfums. Néanmoins l’on resta convaincu que le pigeon possédait un odorat faiblement développé. C’est alors que les premiers résultats des expériences du professeur italien Papi et de ses collègues furent publiés (1971). Cela fut d’ailleurs à l’époque un certain bruit que des chercheurs renommés soient arrivés à la conclusion que les pigeons utilisaient des-simulants olfactifs pour s’orienter et rentrer au pigeonnier, après avoir été lâchés d’un endroit inconnu. Cela semblait étonnant et incroyable car, après confirmation, cela signifiait, ni plus ni moins, que les pigeons avaient un odorat exceptionnel. Par la suite de nombreuses expériences furent réalisées.dans différents laboratoires pour contrôler l’exactitude de la théorie de Papi. Le bilan de 15 années de recherche sur ce sujet montre lies résultats fort contradictoires. Certains scientifiques sont convaincus que le pigeon voyageur, pour son retour au pigeonnier, utilise exclusivement (voire d’une manière prépondérante) son odorat et les odeurs qu’il perçoit au lieu du lâcher ou pendant son transfert à.cet endroit. Pour certains la « piste odorante » pourrait même atteindre plus de 500 km. Par contre d’autres repoussent complètement cette conception. Certains autres adoptent une position intermédiaire: ceci est le cas d’un chercheur allemand (1986): ce dernier affirme qu’aucune preuve ne fut fournie afin d’affirmer avec certitude que les « signaux olfactifs » d’un endroit déterminé seraient suffisants pour le retour des pigeons. L’olfaction toit être de toute façon associée à quelque chose d’autre ( peut-être le champ magnétique terrestre et le soleil) afin que les pigeons puissent localiser avec précision leur pigeonnier.
Finalement, il existait déjà en 1978 un fameux doute concernant la théorie olfactive du professeur Papi. En effet, les chercheurs Schmidt-Koenig et Phillips (Université de Tübingen, Allemagne) montrèrent que la suppression de l’odorat grâce à une anesthésie locale (insensibilisation par pulvérisation de xylocaïne dans les narines) des muqueuses nasales n’avait pas d’influence sur l’orientation des pigeons et conclurent que la collecte de renseignements-olfactifs pendant le transport vers le lieu de lâcher et lors du vol de retour ne sont pas d’une importance essentielle pour les pigeons. Cette même théorie fut encore contredite par les rapports (1987) de l’équipe de recherche du professeur Wiltschko (Université de Frankfurt AJM, Allemagne). Ils constatèrent que le résultat de leurs expériences était différent si elles° étaient réalisées en Allemagne ou en Italie (Université ‘ de Pise): la suppression de l’odorat avait un effet plus important sur l’orientation en Italie qu’en Allemagne (voir ci-dessus Schmidt-Koenig et Phillips).
Cependant, ils avaient utilisé aux deux endroits la même souche de pigeons de façon à ce que les différences observées ne puissent être imputées à des différences héréditaires. Afin d’obtenir une explication, ils réalisèrent une série d’expériences comparatives à l’Université de Frankfurt: d’une part dans leur pigeonnier de jardin habituel et d’autre part dans un pigeonnier sur le toit de l’Institut Vétérinaire. Dans le pigeonnier de jardin les jeunes pigeons furent éduqués de manière ordinaire: beaucoup de liberté, à partir de l’âge de 6 semaines ils furent obligés de voler chaque jour; à l’âge de 8 semaines ils furent lâchés par groupes d’endroits situés dans la direction des 4 points cardinaux. Dans le deuxième pigeonnier les jeunes furent élevés et traités selon la méthode utilisée par le professeur Papi (Pise): cela signifie entre autres qu’ils furent exposés de tous côtés au vent. Ils pouvaient aller et venir dans une volière, mais n’étaient jamais obligés de quitter le pigeonnier et de voler. A l’âge de 15 semaines, ils furent lâchés par groupes également à partir d’endroits situés dans les 4 directions cardinales.
Lorsqu’ils furent âgés de 16 semaines, les essais comparatifs d’orientation débutèrent.
Les résultats furent stupéfiants: le sens d’orientation des pigeons élevés suivant la méthode allemande (en grande partie la même que celle suivie chez nous par nos amateurs colombophiles) ne fut pas perturbé par la suppression de leur sens olfactif (à savoir par l’installation d’un anesthésique dans les narines). Par contre ceux qui furent élevés et entraînés suivant la méthode italienne furent désorientés par ce même traitement.
Les chercheurs conclurent que les jeunes du premier groupe n’utilisaient pas le compas olfactif pour s’orienter, mais bien d’autres systèmes, alors que le deuxième groupe utilisait principalement le « compas olfactif ». De cette recherche nous avons l’impression que le système d’orientation n’est pas inné et que l’expérience acquise pendant la prime jeunesse est fort importante et laisse des traces indélébiles.
Il est clair pour chaque lecteur que les avis des scientifiques divergent, tout au moins en ce qui concerne ce point. Et il y a encore du travail sur le métier! Je terminerai ce chapitre avec 2 remarques:
1. en pathologie, certaines observations nous faisaient penser qu’il pouvait exister un certain rapport entre l’odorat et le sens d’orientation chez le pigeon voyageur.
Il est reconnu que les pigeons souffrant d’une inflammation des voies respiratoires antérieures (par exemple « maladie de tête », une inflammation de la petite membrane) associées à une diminution de l’odorat (c’est le cas chez l’homme atteint d’un’ rhume), ont des difficultés de retour lors des concours. il faudra maintenant trouver une autre explication à ce symptôme.
2. nous savons tous que les pigeons – exactement comme les hommes – sont très sensibles à certains gaz.
J’en cite ici quelques-uns qui pourraient être présents dans les pigeonniers: le formol et la créoline utilisés comme désinfectants, l’ammoniaque-que l’on trouve dans certains pigeonniers sales et humides; les gaz qui sont libérés sous la chaleur du soleil par les plaques isolantes collées ou à particules agglomérées. Ces différents gaz sont fortement irritants pour les muqueuses nasales. Il faut bien préciser qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’odeurs mais bien de vapeurs irritantes. Ces gaz n’irritent pas spécifiquement les cellules olfactives mais bien les terminaisons nerveuses des muqueuses nasales. La douleur qui en découle provoque une réaction de sauvegarde du pigeon qui quitte son colombier.
[ Source: Article édité par Prof. Dr. G. Van Grembergen – Revue PIGEON RIT ]
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