Les pattes du pigeon (2)
Il va de soi que les pattes du pigeon servent à son atterrissage qui peut se produire suivant différentes modalités. Dans tous les cas, c’est un processus compliqué, dont les différentes manoeuvres se déroulent ou bien se succèdent très rapidement.
Quand il s’agit d’un pigeon hypermotivé qui « plonge » d’une belle hauteur vers son pigeonnier tout doit aller très vite. On peut essentiellement distinguer deux phases : le freinage et au tout dernier moment la projection des pattes vers l’avant. Le freinage comporte différentes phases: entre autres, l’inclinaison du corps en position diagonale à verticale, le battement des ailes en arrière et de haut en bas, l’ouverture des plumes de la queue et du pouce. Naturellement tout cela doit se dérouler dans le bon ordre ; si le ralentissement est trop important alors le but n’est pas atteint et l’oiseau tombe sur le sol. Par contre dans le cas inverse lorsque le ralentissement est trop faible, il manque son but, est emporté plus loin en avant et culbute la tête la première après l’atterrissage. Les jeunes pigeons doivent s’exercer avant de posséder parfaitement cette technique. Un bon timing est nécessaire. Pour cela, il est essentiel que l’oiseau puisse estimer la vitesse, sa propre vitesse mais aussi celle du vent. Ce qui est réalisé par l’intermédiaire d’éléments sensibles, des détecteurs que l’on a trouvés à de nombreux endroits dans la peau des pigeons et notamment à la base des plumes de couverture de la face supérieure des ailes, au niveau de l’articulation du pouce et au niveau de l’implantation (follicules) des filoplumes, qui sont elles-mêmes en relation, entre autres, avec les follicules des pennes de l’arrière-aile, etc…
J’ai déjà écrit dans Pigeon Rit (août 92) à propos des filoplumes que constituent les fins duvets restant lorsque l’on a plumé un pigeon. Normalement, ces filoplumes sont dissimulées sous les plumes de couverture et les pennes. Dans les follicules des filoplumes se trouvent de très petites structures, les corpuscules sensitifs, qui sont très sensibles aux vibrations et aux changements de pression. Alors qu’autrefois, il fallait plus ou moins deviner la fonction des filoplumes, actuellement grâce à l’appareillage moderne (électrodes fines et oscilloscope) on en sait un peu plus. On a pu montrer que des décharges électriques (simplement comparables à celle d’un électrocardiogramme) parcouraient les nerfs lorsque l’on faisait bouger les plumes de l’oiseau à l’aide de la main ou d’un flux d’air.
On a même montré une relation entre le nombre de décharges et l’intensité du flux d’air. Il est bien établi que c’est de cette manière que le pigeon peut apprécier la vitesse du vent et sa propre vitesse. D’une manière semblable, des signaux sont donnés sur la position du corps et des ailes (également sur la position des plumes situées sur le pouce). Toutes les décharges électriques qui résultent en signaux nerveux sont conduites vers le centre de coordination, le cerveau d’où partent les réactions adaptées aux signaux reçus.
A un moment déterminé, un signal doit être envoyé vers les pattes qui doivent être projetées en avant. Pour un atterrissage pleinement réussi, les yeux doivent également intervenir. La vitesse et la bonne direction vers l’endroit d’atterrissage doivent être ajustées visuellement. Ce n’est pas la peine de préciser que la manoeuvre complète exige de la dextérité et une grande précision. Malgré le freinage, tout cela se déroule encore très vite. Cela est bien montré par les photos A/B/C. Entre le début de la projection en avant des pattes et l’atteinte du point de chute il s’écoule seulement 133 millisecondes (millièmes de seconde !).
Et finalement pour terminer nous devons encore parler du rôle des pattes dans la fabrication de la vitamine D. On a longtemps considéré que la glande uropygienne était impliquée dans ce processus mais on sait actuellement que ceci est faux et que la synthèse de la vitamine D se produit au niveau de la peau des pattes non recouverte de plumes. Le processus se déroule comme chez l’homme.
Le point de départ est le cholestérol, qui se trouve en partie dans la nourriture et qui est également en partie fabriquée par le corps (par exemple dans le foie). Le cholestérol est trans-formé par des réactions bio-chimiques en déhydrocholestérol qui est transporté via le sang partout et donc également au niveau de la peau où sous l’action des rayons ultra-violets de la lumière solaire il est transformé en vitamine D3. Dans les conditions naturelles cette production suffit amplement à couvrir les besoins. Au contraire, pour nos pigeons voyageurs, ce n’est pas le cas: liberté limitée, élevage hivernal, une tournée près l’autre, font qu’un supplément alimentaire de vitamine D est nécessaire. Il faut penser tout particulièrement aux femelles. Elles ont des besoins plus importants en vitamine D car !’oeuf doit en contenir une certaine quantité (la vitamine D est stockée au niveau du jaune) nécessaire au développement de l’embryon et à la croissance du jeune jusqu’au sevrage. Il ne faut pas tenir compte des petites quantités de vitamine D contenue dans le lait de jabot. En ce qui concerne la supplémentation en vitamine D, j’attire l’attention du lecteur sur le fait qu’il doit s’agir de vitamine D3 naturelle (on en trouve par exemple dans l’huile de foie de morue), car la vitamine D2 synthétique qui rend de grands services aux mammifères est pratiquement sans valeur pour les oiseaux.
Avant de terminer, je veux encore mettre en garde contre un surdosage lors de cette supplémentation. Si l’on utilise une préparation médicale humaine, de grâce, ne pas utiliser une posologie humaine et ne pas administrer aux pigeons des doses comme pour les enfants car cela peut conduire à une véritable intoxication.
La vitamine D est une des rares vitamines avec laquelle un surdosage est possible.
Limitez-vous à administrer une paire de fois deux gouttes dans le bec au moment de l’accouplement au début de l’année et répétez ce traitement à chaque tournée, quelques jours avant la ponte.
Prof. G. Van Grembergen
Atterrissage d’un pigeon (dernières phases) A. Début de la projection en avant des pattes. – C. Contact avec un posoir.
Entre A et C s’écoulent 133 millisecondes (d’après D.N. Lee e.a. 1993).
Notice:
La synthèse de la vitamine D se produit au niveau de la peau des pattes non recouverte de plumes. C’est là que sous l’action des rayons ultra-violets de la lumière solaire, le cholestérol apporté par la nourriture et fabriquée en partie par le corps, est transformé en vitamine D3. Il est donc important que les éleveurs tout comme les femelles des veufs puissent régulièrement prendre un bain de soleil dans une volière.
[ Source: Article édité par Prof. Dr. G. Van Grembergen – Revue PIGEON RIT ]
Pour vous abonner au Magazine PIGEON RIT – Cliquez sur le bouton ci-dessous !
Le pigeon dans son passé – Karel Wegge (10)