Les pigeons voyageurs sans défauts
Débutant:
On parle déjà des prochaines Olympiades des pigeons qui auront lieu fin janvier ‘1987 en Allemagne. On parle également du mauvais classement – ces dernières années surtout – des pigeons présentés par la Belgique. Et on commence à douter de la grande valeur des pigeons belges. Crois-tu que le jugement, selon les règles du « Standard », lors des Olympiades, puisse donner une idée exacte de la valeur intrinsèque du pigeon?
En d’autres mots: un pigeon sans défauts au point de vue du « Standard », est-il également impeccable au point de vue « Sportif »?
Victor:
Evidemment non! Et pour le simple motif que les qualités invisibles, on ne peut les déceler: l’orientation, l’économie du métabolisme général, l’immunité naturelle et même le « mordant », je me demande comment on pourrait les juger « de visu ». Pourtant je suis persuadé que Jef Van Riel avait raison lorsqu’il me dit: quand un beau pigeon est un bon… alors c’est un très bon. Et il voulait dire par là un pigeon sans défauts physiques apparents – donc un pigeon « Standard ». Mais le « Standard » ne vaudra toujours que ce que vaut le juge qui attribue des points. Et pourquoi un juge va-t-il souvent se tromper? Parce qu’il ne sait pas juger de l’équilibre, parce qu’il juge séparément les différentes qualités du pigeon: l’aile, le plumage, la musculature, l’ossature et… la tête. Il ne regarde même pas l’état de la gorge et les organes respiratoires. Et parlons un peu de la musculature. Comment en juger? Un pigeon gras paraît toujours bien musclé, car on ne peut le juger « nu », puisqu’il cache son corps sous son plumage. Et quel juge va pouvoir distinguer le muscle de la graisse… s’il n’examine pas l’intérieur du bec ou la fréquence des mouvements respiratoires? C’est impossible.
Débutant:
Tu m’as dit un jour que tout colombophile pouvait plus ou moins bien faire la sélection de ses pigeons en employant un truc très simple. Il suffit de laisser, après la mue, les pigeons au moins trois ou quatre jours sans manger. Ou bien de leur servir, pendant une semaine entière, seulement 10 grammes de mélange par jour et par pigeon. Ensuite on les prend en mains, et on élimine ceux qui ont le plus « fondu ». Car ayant perdu toute leur graisse, il ne leur reste que leur musculature. Mais, si également celle-ci a fondu, alors le pigeon dispose d’un métabolisme précaire, et n’a plus aucune valeur sportive. C’est ce que tu me disais. Mais cette méthode fort simple est difficile à appliquer lors d’un jugement du Standard aux Olympiades. En vue de celles-ci d’ailleurs la préparation des pigeons présentés doit jouer un rôle prépondérant.
Victor:
Cela est évident. Mais nous aurons encore l’occasion d’en parler. La question du classement aux Olympiades est délicate. Un classement qui tient compte de dixièmes de points pour classer un pays avant un autre me paraît présomptueux et même ridicule!
Débutant:
Reparlons-en une prochaine fois. Mais parlons un peu de l’équilibre. Cela me paraît tellement important, mais si difficile à bien définir.
Victor:
Difficile, en effet. Mais pourquoi? Parce que la plupart des colombophiles ne réfléchissent pas sur ce point. En fait, de quoi s’agit-il? Il s’agit de pouvoir se rendre compte si plusieurs aspects du pigeon s’équilibrent harmonieusement.
Si, par exemple, le poids du pigeon est trop important par rapport aux capacités de l’aile, il y a déséquilibre. Et il faut, là encore, tenir compte de certaines qualités de l’aile, et surtout de son épaisseur, de la souplesse des grandes rémiges, et de la richesse des petites plumes qui soutiennent le dessous et le dessus des grandes rémiges et des plumes de l’arrière aile en particulier. Autre point important pour juger de l’équilibre: la conformation de l’ossature. Plus le pigeon est volumineux, plus l’ossature devra être longue. Plus celle-ci est « profonde » plus elle devra être large aux épaules. Le Dr. Bricoux disait que le pigeon devait avoir le modèle d’une « poire ». Il savait de quoi il parlait puisqu’il avait les meilleurs pigeons du pays.
Débutant:
Tout cela est très instructif, mais malgré son merveilleux équilibre et sa perfection au « Standard », me diras-tu pourquoi un pigeon peut ne rien valoir au point de vue sportif?
Victor:
Parce qu’il y a les qualités invisibles, mais puisque l’invisible m’est aussi caché qu’à toi, je puis simplement te dire que c’est le panier qui, en cette manière, sera le seul juge.
Débutant:
Pourtant le légendaire tenancier du local colombophile de la rue aux Charbons, le fameux « Duc » ne disait-il pas qu’il pouvait juger des qualités invisibles du pigeon? Lorsqu’on lui demandait comment il y parvenait – et il y parvenait « parfois » – il répondait par cette petite phrase: le pigeon me le dit!!!
Victor:
Feu mon meilleur ami, le regretté Victor Torrekens, lui dit un jour: Duc, tu dois savoir qu’un pigeon peut « mentir », il ment même souvent et parfois très fort! Et pourtant, le grand maître Paul Sion, fixant de ses yeux le bout de son nez, me dit un jour: si un pigeon a un regard comme le mien maintenant, il trahit un mordant de vainqueur. Mais ce n’est pas toujours le cas, et laissons plutôt le panier juger en dernière instance. Je pense toutefois que certains colombophiles sont plus psychologues du pigeon que d’autres. Il en va également ainsi pour juger un homme, son caractère et son intelligence. Il y a des pigeons qui remarquent tout… et d’autres qui nous regardent comme une vache qui voit passer un train!
Débutant:
Comme la colombophilie peut être intéressante!
Victor:
Et quelle joie ne peut-elle nous procurer!
Article rédigé par Noël De Scheemaecker en Janvier 1987
Notices:
- Le jugement « Standard » ne vaut que ce que vaut le juge qui attribue les points. Le juge va d’ailleurs se tromper régulièrement parce qu’il ne sait pas juger de l’équilibre. Les règles du Standard l’obligent à juger séparément différentes parties du corps et à donner pour chaque partie à juger des points: l’aile, le plumage, la musculature, l’ossature, la tête.
- Les qualités invisibles, on ne peut ni les voir ni les palper.
- Un pigeon bien équilibré, c’est un pigeon chez lequel il y a une bonne harmonie entre les différentes parties de son corps. Chaque partie doit être jugée en fonction des autres. Si on a par exemple à juger un pigeon volumineux, il faudra examiner si la longueur de son ossature est proportionnelle à la grandeur du corps. Cela exige de la part de celui qui juge non seulement une bonne connaissance du pigeon mais également une bonne dose de raisonnement. Tout cela n’est pas si facile.
- Quel juge va pouvoir bien distinguer le muscle de la graisse? » « Certains colombophiles sont plus psychologues du pigeon que d’autres.
[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ]
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POL BOSTYN et ses idées – pigeon voyageur