Les rapports colombophiles – pigeon voyageur
Débutant:
A la fin d’une causerie récente tu m’avais dit que la plus grande satisfaction dans la vie était de vouloir et de pouvoir faire quelque chose à la perfection.
Victor:
Cela me fait penser à ce que ce tout grand champion qu’était Jef Van Riel me disait, lorsqu’il vendit tous ses pigeons à la Station d’Elevage: « Quand on ne sait plus faire ce qu’il faudrait faire pour se maintenir au sommet, il vaut mieux qu’on abandonne… » Jef qui était un perfectionniste ne pouvait plus, après son infarctus, faire ce qu’il jugeait devoir faire.
Débutant:
Oui, mais tous les colombophiles ne sont heureusement pas des « perfectionnistes », sinon la compétition deviendrait plus sévère encore qu’elle l’est déjà actuellement. Soit! Mais il faut bien en convenir que les perfectionnistes – dans toutes les matières – sont assez rares. Et pourtant, il faut aussi en convenir que tous les colombophiles peuvent avoir le même plaisir en « conversant » avec leurs pigeons, même s’ils ne sont pas perfectionnistes et se contentent de pratiquer leur « hobby » par pure amateurisme.
Victor:
Oui, mais plus on « converse » plus on a un contact avec ses pigeons, plus le plaisir est grand. Et c’est en observant et en comprenant le language du pigeon qu’on peut apprendre beaucoup de choses… et que de ce fait le plaisir s’accroît.
Débutant:
Je te comprends, mais, dis-moi « observer et comprendre le language du pigeon » en quoi cela consiste-t-il?
Victor:
Ici j’ai plusieurs exemples.
Il ne faut pas oublier qu’à part quelques qualités physiques « Standard » du pigeon, tout se passe dans sa tête.
Je vais te parler de quelques tout grands champions qui étaient tous de bons observateurs. En premier lieu je voudrais te parler du manager du colombier Havenith, Gust De Feyter, et de « l’expression de l’oeil » dont il est question dans le jugement « Standard ».
Gust me disait: d’accord, mais c’est en observant les mouvements de la tête qu’on constate mieux ce qu’il y a dans cette tête. Cela correspond à ce qu’écrivait Jan Aerts, cet excellent narrateur – chroniqueur du « Duif ». Un jour, raconte-t-il, on me mit au défi d’indiquer le meilleur pigeon du colombier. Je sais que personne n’en est capable, mais je fis un essai. Je regardai tous les pigeons un à un, puis je sortis mon stylo de ma pochette et le tint en main sans bouger. Ensuite, imperceptiblement, je commençai à dévisser le capuchon. Je vis qu’un pigeon tourna immédiatement la tête pour observer ce que je faisais. Et je dis: voilà le meilleur du colombier. J’eus la chance de dire vrai… et on me prit pour un grand « connaisseur »! Alors que je n’avais fait qu’observer les pigeons pour en sortir le plus « curieux »!
Débutant:
Je sais que Jan Aerts, de son vrai nom Jan Coenjaerts, était un humoriste; l’humour suppose un esprit de finesse, comme aurait dit Pascal, mais chez Jan Aerts cela a suffi pour lui donner la réputation d’un connaisseur, car peu de colombophiles sont assez « connaisseurs » pour distinguer l’humour de la réalité.
Victor:
Pas trop de philosophie, mon ami, mais la réalité, rien que la réalité. Et c’est ainsi que nous en arrivons à Ernest Duray, une des gloires de la colombophilie mondiale.
Lors de la vente de ses pigeons il me dit: il faut acheter le « Petit Rouge », son, palmarès n’est pas éblouissant, mais il a la meilleure tête du lot.
Quand j’arrive au colombier avec mon panier avec les femelles des veufs pour enloger ces derniers, il se met immédiatement sur le panier. C’est le seul à le faire. Ses qualités physiques ne sont pas très grandes mais son « moral » est fantastique. Nous avons acheté ce pigeon. Il fut le père de notre « Petit Rouge » qui fut un extraordinaire pointeur.
A l’Union d’Anvers il se classa au-delà de 300 km, sept dimanches consécutifs, parmi les 6 premiers, dont 3 deuxièmes prix et un premier prix.
Tout se passait dans sa tête.
Parlons un peu de Janssen d’Arendonk. Le monde entier les connaît. En croisant avec les Janssen on réussit souvent. On a supposé plusieurs causes de cette réussite. Tout d’abord parce que c’est une colonie où la consanguinité est appliquée depuis des dizaines d’années, et que ces pigeons « aspirent » à être croisés.
Mais je connais assez bien les pigeons du colombier d’Arendonk, et je crois qu’il y a un autre facteur qui entre en ligne de compte pour expliquer les succès dans les croisements. Ce facteur réside dans la tête des pigeons Janssen.
Car en les observant, on constate que ce sont des pigeons très familiers, curieux, avec une tête très expressive et des yeux transparents quoique richement pigmentés.
Paul Sion disait à propos des yeux: ils doivent « regarder » pas « voir » simplement.
On « regarde » avec sa tête, avec son cerveau, on « voit » avec ses yeux tout simplement.
Débutant:
Comme tu viens d’enrichir les rapports colombophile- pigeon, cela m’a ouvert un peu plus mes yeux!
Noël De Scheemaecker
Notices :
- Chaque colombophile aime de bien se classer et rêve parfois ou souvent d’une victoire; mais à côté de cela il y a des choses encore bien plus importantes dans notre hobby: la relation amateur- pigeon, l’observation, l’élevage, les soins etc… des plaisirs qui ne s’achètent pas!
- Quand on ne sait plus faire ce qu’il faudrait faire pour se maintenir au sommet, il vaut mieux qu’on abandonne…
- Tous les colombophiles peuvent avoir le même plaisir en conversant avec leurs pigeons.
- Paul Sion disait à propos des yeux: ils doivent « regarder » pas « voir » simplement.
- Les qualités physiques d’un pigeon sont évidemment importantes mais n’oublions pas que tout se passe dans la tête. Et pour juger de cela, il n’y a que deux moyens: l’observation et le panier, juge suprême.
[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ]
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Un fin colombophile (1) – pigeon voyageur
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