Les Trichomonas – pigeon voyageur
Une maladie ancienne.
La trichomonose est une maladie ancienne, elle a été décrite pour la première fois en 1878 en Italie par Rivolta. Cette maladie est due à un parasite muni de quatre flagelles, un protozoaire dénommé Trichomonas gallinae. Quatre-vingt pour cent des pigeons adultes sont porteurs de ce parasite au niveau des voies digestives supérieures souvent sans présenter de grands symptômes. Ce parasite peut être observé au moyen d’un microscope dans la salive des pigeons porteurs. (fig. 1)
Les pigeons adultes infestés présentent souvent de légers symptômes: un manque de forme, une gorge enflammée et glaireuse, des temps de volées réduits. Une forme de maladie grave s’observe beaucoup plus souvent chez les pigeonneaux.
La transmission se fait généralement par voie directe de bec à bec au moment du gavage et les blessures légères de la muqueuse buccale peuvent servir de porte d’entrée pour le parasite. Ce dernier envahit alors l’entièreté de l’organisme et provoque une maladie grave parfois mortelle, caractérisée par des abcès au foie, dans les gros vaisseaux, à la base du cœur.
Dans ce dernier cas le pigeonneau souffre de difficultés respiratoires mais indépendantes, malgré les apparences d’une affection respiratoire. Cette difficulté à respirer est parfois simplement provoquée par la compression mécanique de la trachée par de gros abcès de l’œsophage ou du jabot. La trichomonose fait souvent partie d’un complexe infectieux.
Des lésions varioliques ou herpétiques sont généralement compliquées par des Trichomonas qui profitent ainsi de la lésion virale comme porte d’entrée pour pénétrer la circulation. Parfois des infections bactériennes s’ajoutent aggravant ainsi fortement le tableau clinique.
Mais les Trichomonas sont capables de provoquer des petites ulcérations sur les muqueuses du jabot et d’ouvrir ainsi ses propres portes d’entrée; certaines souches de Trichomonas le font plus facilement que d’autres, elles sont plus « agressives »..
Inégalité des pigeons vis à vis de la trichomonose..
Tous les pigeons ne sont pas égaux devant la trichomonose.
1. L’âge du pigeon.
Plus le pigeon est jeune moins il est résistant à cette parasitose.
En effet le pigeon est capable de développer une solide résistance contre ce parasite.
Des essais de vaccinations de pigeons ont d’ailleurs démontré que des oiseaux vaccinés étaient devenus résistants à la forme grave de la maladie mais qu’ils restaient porteurs de Trichomonas au niveau du jabot. Les premiers essais d’immunisation de pigeons que j’ai réalisés dernièrement ont reproduit ces mêmes résultats.
2. Les différentes souches de Trichomonas.
Le pouvoir pathogène des souches est variable. Ceci fut confirmé par l’étude réalisée à la Clinique aviaire de la Faculté de Médecine Vétérinaire de l’ULg sur 31 souches provenant de colombiers différents.
Sept souches sur 31 étudiées détruisaient en 72 heures plus de 60% d’un tapis cellulaire de fibroblastes d’embryons de poulet. Treize souches étaient peu pathogènes (moins de 20% du tapis détruit) et les onze autres souches étaient moyennement pathogènes (entre 20 et 60% du tapis détruit).
Les Trichomonas font de la résistance.
Dès 1990, des échecs de traitements aux nitro-imidazoles ont été signalés en Hollande par Lumeij et Zwijnenberg.
La dose de ronidazole actuellement utilisée est deux fois plus élevée que celle établie en 1975 par Hauser dans une étude portant sur le traitement de 16000 pigeons. Généralement, la résistance observée n’est pas spécifique d’un produit mais s’exerce également vis-à-vis d’un ou plusieurs autres (Benazet et Guillaume, 1971, Franssen et Lumeij, 1992). Donc quand une souche résistante est « apparue » dans un colombier rien ne sert de multiplier les traitements avec différents imidazoles. Chaque situation est particulière et doit être étudiée en concertation avec votre vétérinaire.
La situation en Belgique.
L’étude que nous avons réalisée fin 97, début 98 consistait principalement à mesurer la concentration minimale trichomonocide de ronidazole, en laboratoire, pour des souches de Trichomonas provenant de divers colombiers en Belgique et de voir s’il existe un rapport entre les résultats obtenus et la nature des traitements effectués par le colombophile.
Ainsi le graphique donne la répartition des souches en fonction des concentrations trichomonocide mesurées au laboratoire (échelle de 1 à 6).
Les résultats de l’étude montrent clairement que huit souches sont devenues résistantes aux doses usuelles de ronidazole utilisées pour le traitement.
Certains pigeons des colombiers dont les souches ont été étudiées sont donc porteurs d’une souche très résistante qu’il est impossible d’éradiquer avec les traitements habituels. Plus grave encore:
45% des souches étudiées sont proches du niveau de résistance au ronidazole (qui est mesuré à partir du seuil 4) et risquent donc de devenir résistantes dans un proche avenir. L’étude a également montré qu’il existe une relation entre la fréquence des traitements effectués par le colombophile et la diminution de sensibilité au ronidazole.
Traitons les pigeons efficacement.
Le traitement est réalisé par l’administration orale de dérivés imidazoliques, tels que l’aminonitrothiazol, le métronidazole, le dimétronidazole, le nimorazole, le carnidazole et surtout le ronidazole qui est certainement l’un des produits le plus efficace et le moins toxique .
Toutefois ces produits figurent dans l’annexe IV (substances interdites) de la réglementation européenne et pour des raisons de santé publique leur usage doit donc être strictement réservé aux pigeons voyageurs.
Inghelbrecht et ses collaborateurs ont démontré qu’un traitement efficace avec le dimétridazole par comprimés (1 comprimé par jour et par pigeon) devait avoir une durée d’au moins trois jours.
De plus il faut être prudent lors de l’administration de dose unique sous forme de comprimés car l’efficacité est influencée par l’état d’alimentation du pigeon.
En effet à jeun, le comprimé est rapidement digéré et la persistance du principe actif est plus faible, ce qui diminue l’effet curatif (Baert et collaborateurs, 1990). Certains auteurs pensent que ce mode de traitement à dose unique pourrait jouer un rôle dans l’apparition des phénomènes de résistance, suite à une action curative incomplète (Franssen et Lumeij, 1992).
Les traitements répétés toutes les trois semaines, comme le conseillent certains colombophiles, souvent effectués à des doses faibles et pendant des temps trop courts (1 ou 2 jours), ont certainement facilité l’installation d’une pareille situation.
En conclusion, beaucoup de colombophiles doivent modifier leurs habitudes et réprimer leurs envies de médicamentation préventive. Ainsi les traitements contre la trichomonose doivent être d’une durée d’au moins cinq à sept jours et à la dose adéquate prescrite par le vétérinaire.
Ces traitements doivent être réservés en priorité aux pigeons présentant des symptômes ou des mauvaises performances sportives. Afin de favoriser l’immunisation (résistance à la maladie) des pigeons, le simple portage de Trichomonas ne devrait plus être associé à un traitement systématique, sauf pendant la période de couvaison afin d’éviter la contamination des jeunes plus sensibles que les adultes.
Les traitements aveugles de rappel au retour des concours pendant un jour ou deux ne devraient plus être pratiqués si on veut éviter une augmentation de la résistance de Trichomonas aux imidazoles, ce qui rendrait problématique le traitement de cette parasitose.
Je tiens également à remercier M. Jorissen (Pharmacien industriel) pour le soutien financier apporté à cette étude.
[ Source: Article édité par Ing. J.P.Duchatel – Revue PIGEON RIT ]
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