L’importance de l’eau (1) – pigeon voyageur
Le milieu interne (le sang et la lymphe) est extrêmement important, surtout pour les animaux supérieurs ( mammifères et oiseaux). Ce milieu qui baigne les différentes cellules de l’organisme, reste constant (on parle scientifiquement d’homéostasie). Pour cela les animaux disposent de nombreux mécanismes de régulation. J’ai déjà parlé de la régulation thermique pour laquelle l’eau joue un rôle important.
Cette fois je voudrais vous entretenir au sujet de l’équilibre osmotique et du rôle de l’eau dans cet équilibre. Il n’est point besoin de dire que l’eau est essentielle pour la vie; il suffit de penser que l’eau représente 60 % du poids du corps chez l’homme et 70 % chez le pigeon. Pour les animaux supérieurs il est essentiel que ce pourcentage reste dans des limites étroites; puisque l’eau est un solvant pour de nombreuses matières (par exemple les sucres, les acides gras, les acides aminés, les électrolytes ou les sels avec en premier le sel de cuisine), ces matières sont donc également concernées par les processus qui visent à maintenir l’équilibre. Le dessèchement représente un grand danger pour les animaux qui vivent dans les champs. Les pertes en eau doivent être à tout prix compensées afin d’éviter des troubles graves. C’est notre but d’examiner les deux faces de la régulation: d’une part l’apport d’eau (l’eau de boisson, l’humidité présente dans les graines de la ration, dans les légumes et également l’eau d’oxydation dont il est fait évocation par après) et d’autre part les pertes (l’élimination par les excréments, l’urine, les voies respiratoires et par la peau).
Cas du pigeon au repos
Pour les pigeons au repos, dans le pigeonnier il n’y a aucun problème. Ils sont nourris et après le repas, ils vont boire normalement jusqu’à étanchement de leur soif. La digestion débute ensuite. L’eau et les graines traversent successivement le jabot et le ventricule pour arriver dans le gésier. Grâce aux muscles puissants de ce dernier et aux petits cailloux (grit) qu’il contient, les graines sont finement moulues. La bouillie ainsi formée passe dans l’intestin grêle où débute réellement la digestion. La digestion consiste dans la fragmentation des trois principales classes d’aliments (hydrates de carbone ou sucres, graisses et protéines) en leurs éléments constitutifs, c’est-à-dire respectivement le glucose, les acides gras et les acides aminés. C’est ainsi que peuvent pénétrer dans les vaisseaux de l’intestin grêle les produits de la digestion, l’eau, les minéraux (sous forme d’ions, particules chargées électriquement et également appelées pour cette raison électrolytes) et les vitamines. Des quantités fort importantes de tous ces éléments atteignent le courant sanguin. Comme une forte modification de la composition du sang représenterait un danger pour les cellules de tout le corps, cette menace doit être rapidement écartée. C’est le rôle du foie d’assurer cette régulation: il effectue certaines « transformations » jusqu’à ce que tout cela soit ramené dans des limites normales.
Le sang qui circule dans le corps ne véhicule donc pas seulement les éléments nutritifs mais également les déchets provenant de l’activité cellulaire. Certains de ces déchets sont dangereux et doivent être éliminés aussi vite que possible; cela concerne principalement les déchets provenant du métabolisme des protéines; pour certains animaux ce sera de l’ammoniaque très toxique; pour l’homme de l’urée, moins toxique et pour les oiseaux, de l’acide urique, encore moins toxique. C’est le rôle des reins et c’est un rôle d’épuration fort compliqué. Dans les reins il se produit une sorte de filtration du flot sanguin: l’eau avec toutes les petites molécules comme le glucose, les acides gras, les acides aminés, les électrolytes mais également les déchets du métabolisme des protéines sont extraits à partir des pores des vaisseaux capillaires des reins (les globules rouges et les protéines au contraire ne peuvent pas l’être). Le liquide de filtration coule vers les collecteurs des canaux excréteurs qui confluent vers les uretères; ces dernières débouchent dans le cloaque là où les excréments arrivent également.
Avant que l’urine n’atteigne les uretères, il se produit un phénomène très important: tout le filtrat n’est pas éliminé sous forme d’urine. Une réabsorption sélective a lieu dans les collecteurs.
Tout d’abord l’eau. Chez l’homme 99 % repasse dans le sang; seulement 1 % échappe à la réabsorption et forme l’urine (celle-ci doit servir au transport de l’urée et des autres éléments toxiques). Les oiseaux travaillent encore d’une façon plus économique: le pourcentage d’eau qui n’est pas réabsorbé est encore plus faible pour la simple raison que l’acide urique, le produit d’excrétion, est peu soluble dans l’eau. Il peut donc être éliminé avec très peu d’eau (sous la forme d’une masse blanchâtre liquide). Mais ce phénomène de réabsorption au niveau des canaux collecteurs est fort complexe et chez un animal normal l’entièreté du glucose, des acides aminés et la plupart des électrolytes (comme le sel de cuisine) sont réabsorbés et repassent dans le sang. Il faut cependant signaler une exception importante. Si une trop grande quantité d’eau est bue et si trop d’électrolytes sont absorbés (par exemple lorsqu’il y a trop de minéraux dans la nourriture) alors les reins jouent le rôle de régulation; ce qui dépasse un certain seuil est irrévocablement éliminé de façon que l’équilibre des liquides corporels soit maintenu. Une remarque importante doit être faite à ce propos. Certains colombophiles ont l’habitude, juste avant l’enlogement, de remplir le jabot de leur pigeon avec un peu d’eau. D’autres les « forcent » à avaler 10 à 20 féveroles gonflées d’eau. Ils espèrent ainsi que leurs pigeons souffriront moins de la chaleur. Je dois cependant leur dire que leurs espérances sont vaines: l’excédant d’eau sera vite éliminé partiellement au niveau de l’intestin et partiellement au niveau des reins. Et il ne faut pas se rassurer en pensant que si cela ne fait pas de bien cela ne fait certainement pas de mal: car l’eau entraîne lors de son élimination une certaine quantité d’électrolytes ce qui est un facteur négatif. L’on voit ici que l’eau et les électrolytes sont intimement liés.
A la fin de l’analyse de la fonction des reins je dois encore insister sur ce que j’ai dit à propos de la digestion. Cette dernière a lieu dans l’intestin grêle et pas autre part. A la fin de l’intestin grêle se termine donc le transfert des produits de la digestion vers le sang. Cela se produit avec l’eau comme moyen de transport. Mais il faut bien comprendre que cela concerne seulement une partie de l’eau bue. L’autre fraction est évacuée vers le gros intestin. Au début du gros intestin, il y a encore un peu d’eau qui est absorbée et transportée vers le sang, ce qui fait que les fientes qui arrivent à la fin de l’intestin sont de plus en plus sèches.
Nous constatons que chez le pigeon les pertes en eau au niveau de l’intestin et de l’appareil urinaire sont fortement réduites. Jusqu’à présent nous n’avons évoqué que les pertes (minimes) en eau via l’intestin et les reins chez les pigeons au repos; pour les pigeons en vol, ces pertes sont encore plus faibles, voire négligeables. D’une part parce que, au moment du lâcher, la digestion du dernier repas est à peu près terminée et d’autre part parce que les reins des oiseaux cessent leur activité pratiquement dès que la prise d’eau diminue, ce qui est « a fortiori » le cas du pigeon en vol. Ces pigeons ont l’occasion de perdre des quantités importantes d’eau par d’autres voies pendant le vol.
Nous traiterons le sujet dans un prochain article. (à suivre)
Prof. Dr. G. Van Grembergen
Notice:
Si les pigeons boivent trop d’eau, les reins interviennent comme régulateurs. L’eau en excès est éliminée afin que l’équilibre des liquides corporels soit maintenu. Ainsi il n’est pas conseillé de remplir le jabot d’eau ou de donner aux pigeons des féveroles gorgées d’eau juste avant l’enlogement puisque cette eau est rapidement éliminée. De plus lors de cette élimination elle entraîne une certaine quantité d’électrolytes, ce qui est défavorable.
[ Source: Article édité par Prof. Dr. G. Van. Grembergen – Revue PIGEON RIT ]
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