L’ossature des pigeonneaux
La solidité de l’ossature des pigeonneaux est un des soucis constants de l’amateur dans sa culture et dans la sélection de ses pigeons. Comment avoir des pigeons solides dès leur jeune âge? A quoi tient cette solidité?
La rigidité des os longs ou plats tient à leur teneur en minéraux (en grosse majorité du phosphate tricalcique), ces minéraux étant soudés par une trame protéique, c’est-à-dire formée grâce aux protéines de la ration. Cette trame est celle qui fournit avec l’eau par ébullition prolongée, la gélatine. La fixation des minéraux sur la trame est assurée grâce à la vitamine D3.
Comme chacun sait, si la composition de la ration, au sens large du terme (c’est-à-dire tout ce que le pigeon avale, et pas seulement les graines) joue un rôle primordial dans la formation de l’os, ce n’est en définitive que ce qui est assimilé qui compte. Cela pose immédiatement le problème de l’état intestinal. Tout intestin irrité par une atteinte parasitaire, microbienne ou virale quelconque (généralement les fientes sont alors anormales) ou dégénéré (épaissi « en tuyau de pipe » dur et blanchâtre) à la suite d’une entérite ancienne, est incapable d’assimiler convenablement la ration digérée. Malgré les bonnes qualités et quantités de cette ration, le pigeon manquera de protéines, de minéraux, d’énergie, d’où amaigrissement, diarrhée, etc… Cette notion d’état intestinal domine tout le problème. Il faut bien se dire que si l’intestin n’est pas en parfait état lors de la croissance du pigeonneau, c’est-à-dire depuis sa naissance jusqu’à l’âge de plusieurs mois, on ne pourra jamais « ratrapper » son squelette et le rendre solide.
La lutte contre les maladies du jeune âge, en particulier cette diarrhée des 10 jours due le plus souvent à une crise de coccidiose, assez souvent compliquée de trichomonose, est donc un impératif pour l’amateur. Une petite cure pendant le couvage, en nettoyant les éleveurs évite la contamination des pipants dès les premiers gavages et le développement d’un parasitisme qui ira s’aggravant.
D’où proviennent les sels minéraux de la ration? On pense d’abord bien sûr au grit où les coquilles d’huitres broyées, parfois les phosphates constituent une source importante de calcium. Et on sait combien les éleveurs en consomment lorsqu’ils ont des pipants au plateau. Remarquons d’abord que les coquillages ne contiennent pratiquement pas de phosphates de chaux mais uniquement du carbonate de chaux.
La seule source organique riche est la levure de bière sèche qui contient 15 g de calcium et 12 g de phosphore par kilo, sous une forme très assimilable. Bien sûr, on peut apporter le phosphore sous forme de phosphate bicalcique (mieux assimilé que le tricalcique), mélangé au grit ou à de l’argile salée. Mais la source naturelle de phosphore est constituée par la phytine (acide phytique) qui existe pour nous, colombophiles, dans le froment, l’orge et le maïs. Tous en contiennent à peu près autant (froment 0,5 calcium 4 g phosphore par kilo, orge 0,1 et 3,5, maïs 0,1 et 3) mais les minéraux y sont très différemment assimilables. En effet l’acide phytique n’est assimilable par l’organisme qu’après avoir été « cassé » par une substance (appelée dicytase) contenue dans la graine, la « phytase ». Cette dicytase agit au début de la digestion quand la graine est mise en pâté dans le gésier en présence de l’eau absorbée par le pigeon après son repas. Le froment contient beaucoup de phytase, l’orge moins, le maïs très peu. On voit donc l’intérêt d’un mélange de graines contenant une bonne proportion de froment et pas trop de maïs en période d’élevage. Remarquons qu’il en est à peu près de même en période de concours, le phosphore jouant un rôle très important dans le travail musculaire et nerveux.
L’acide phosphorique résultant de cette réaction biochimique se combine alors au calcium (phosphate de chaux) et aux autres éléments minéraux (sodium – magnésium -manganèse – potasium – oligo éléments) dont l’activité est aussi très importante dans l’organisme. L’apport de grit riche en carbonate de chaux et autres carbonates connaît donc là toute son explication physiologique. Ça n’est qu’en supplément équilibré phosphore-calcium que l’apport d’un composé minéral riche en phosphore (8 à 10 %) et en calcium (20 – 24 %) peut être utile. La présence d’un grit est toujours nécessaire. Celle du supplément phosphocalcique seulement après.
La fixation des minéraux sur la trame protéique de l’os en croissance (ou en réparation) est le fait direct de la vitamine D, indirect de la vitamine A. La vitamine D, la forme D3 étant de loin la plus active chez les oiseaux est un dérivé des matières grasses de l’organisme sous l’effet des rayons solaires. Chez les oiseaux, protégés du soleil par un épais plumage, la formation de la vitamine D3 naturelle dans l’organisme est irrégulière et aléatoire. Aussi l’apport artificiel est-il toujours recommandable. Les besoins stricts sont de l’ordre de 50 U.I. par jour et par pigeon. Les doses peuvent être montées jusqu’à 150 ou 200 U.I. par jour pendant la croissance, avant la ponte, etc…, la présence d’un excès renouvelé chaque jour dans le sang ayant un effet tonique certain. Les doses indiquées doivent cependant être respectées. Un gros excès de vitamine D3 renouvelé chaque jour provoque des accidents de surcalcification avec blocage des articulations, déformations osseuses (il pousse de petits os sur les os longs etc.). La vitamine D3 est stockée -jusqu’à une certaine dose – dans le foie pour une dizaine de jours. On peut donc se contenter, en période d’élevage d’une ou deux administrations par semaine. Elle est présentée sous diverses formes (gélules – comprimés -solutions) la plus commode étant à coup sûr la forme soluble dans l’eau, facile à doser, facilement absorbée. Autrefois on employait l’huile de foie de morue, incommode, d’un dosage douteux et malodorante. C’est une forme maintenant tout à fait dépassée.
La vitamine A est le principal principe actif de cette huile de foie de morue. Elle existe dans le maïs et la verdure sous forme de B carotène, provitamine A. Les besoins du pigeon sont donc généralement satisfaits par l’alimentation de base.
Cependant, comme elle joue un rôle primordial dans la croissance, la qualité de la plume et la vitalité, un supplément est toujours utile, d’autant que sans danger, cette vitamine est presque toujours présentée dans les complexes vitaminés, liée à la vitamine D3 et à d’autres très souvent. Et puis il y a l’hérédité. Ceux qui ont l’habitude de manier beaucoup de pigeons dans beaucoup de colonies ont remarqué la différence. Certaines « races » de pigeons ont une ossature forte, solide, je dirais « paysanne ». D’autres une ossature fine et tout aussi solide. La palpation des fourches avant et arrière, et du bréchet sont les critères habituels de l’évaluation de l’ossature. D’autres enfin ont ces os mous, flexibles, tout à fait insuffisants. Comme nous l’avons vu, la présence d’un parasitisme intestinal conditionne la fixation minérale sur le jeune os en croissance. Et certaines colonies vivent dans ce parasitisme latent, avec des crises liées généralement à la fatigue des pigeons, à l’humidité atmosphérique et à l’hygiène du colombier. Les pigeons y ont donc – entre autres – une ossature défectueuse. En particulier il y a souvent des pigeonneaux « crons », à bréchet dévié. L’hérédité n’est alors pas en cause. Car des pigeons de cette colonie soignés utilement et mis dans un colombier rationnel vont donner des pigeonneaux à bien meilleure ossature que la leur parce que non parentés dès leur jeune âge. On voit donc la difficulté qu’il y a à parler de véritable hérédité dans ce problème. Tout ce qu’on peut dire c’est que la forme, la finesse des os d’une race est héréditaire. La solidité est comme nous l’avons vu problème de santé et d’alimentation.
Dr. J.P. Stosskopf
Notices:
- Si l’intestin n’est pas en parfait état lors de la croissance du pigeonneau, on ne pourra jamais « ratrapper » son squelette et le rendre solide.
- La source naturelle de phosphore est constituée par la phytine (acide phytique) qui existe dans le froment, l’orge et le maïs.
- Tout intestin irrité par une atteinte parasitaire, microbienne ou virale quelconque, est incapable d’assimiler convenablement la ration digérée.
[ Source: Article édité par Dr. J.P. Stosskopf – Revue PIGEON RIT ]
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