Nos pigeons et le froid
Quelles sont les limites de la résistance du pigeon au froid?
Quelles sont les conséquences d’un froid intense et prolongé, dans l’immédiat et par la suite?
Tous les amateurs ont déjà connu les inconvénients d’un hiver rigoureux avec des -20°C et même -25°C à l’extérieur. Fontaines gelées une heure après leur remplissage à l’eau tiède, fientes gelées, appétit féroce des pigeons au repos. Tous ces inconvénients font partie du tableau classique des grands froids. Mais si le gel des fontaines est facilement évité avec une petite résistance électrique ou une lampe infrarouge, si les fientes gelées ne présentent aucun danger immédiat, l’augmentation de l’appétit est, elle, directement liée au pigeon. Malgré son plumage abondant, le pigeon subit le froid : il inspire de l’air glacial, qu’il lui faut réchauffer à chaque fois, ses caroncules, ses pattes, non plumées, exportent beaucoup de calories pour lutter contre le refroidissement. Il lui faut donc manger plus. C’est dire que l’adjonction de graines grasses, même en période de repos, est une nécessité : graine de lin, colza sont les mieux adaptées à cette période. Notons aussi que le maïs relativement gras (4%) est une bonne source hivernale de calories. Le froid intense provoque au niveau de la peau, une augmentation de la circulation, en particulier aux en-droits nus. Si le froid est tellement intense que la circulation n’arrive plus à assurer la température suffisante, le membre victime de ce manque de circulation gèle. En très peu de temps, les tissus dégénèrent et ce sera dans les semaines suivantes, la « gangrène sèche », c’est-à-dire que la patte (ou le doigt seulement etc.) deviendra sèche, cassante, morte comme du bois et finira par tomber. Je dois dire que si j’ai déjà vu ce cas un certain nombre de fois, c’était, à mon souvenir, toujours à cause d’une bague qui serrait et avait coupé la circulation et non à la suite d’un hiver très rigoureux.
Des expériences ont montré qu’un pigeon « tenait » 3 jours à -35°C, température jamais atteinte en Europe occidentale à l’intérieur d’un colombier. Il est évident que l’exposition prolongée d’un oiseau à un vent glacial, continuellement renouvelé, aggrave le problème. L’air ambiant n’est jamais réchauffé puisqu’immédiatement renouvelé, l’évaporation hydrique et calorique étant intense alors au niveau de la peau nue : les risques de gelure s’en trouvent augmentés d’autant. C’est dire qu’un abri convenable est alors une nécessité absolue. Mais les risques organiques internes sont infiniment plus subtils. Tout d’abord, il est évident que, tenus au même régime que si la température hivernale était « normale pour la saison », ces pigeons qui brûlent plus de calories pour lutter contre le refroidissement, vont se trouver en état de sous-alimentation, avec tou-tes ses conséquences. En matière de régime hivernal – mais cela est vrai à toute saison – il faut bien se dire que les erreurs se paient « à 90 jours ». Un exemple vécu : il y a quelque trente ans, le régime « orge 100% en décembre et janvier » a été prôné par quelques chroniqueurs. Afin de me rendre compte, j’ai mis ma colonie toute entière (2e erreur) à ce régime. Dès le 1er février, j’ai repris progressivement un régime « élevage » avec 25-30% de légumineuses, autant de maïs et seulement 20% d’orge. Et j’ai accouplé traditionnellement vers le 15 février. Oui, mais… dans les 32 cases d’adultes de voyage, je n’avais que 4 oeufs au 1er mars. Et ça n’est qu’au 15 mars que j’ai eu des oeufs à peu près partout, de façon échelonnée, anarchique qui m’a obligé à mettre au veuvage, sans élever, mes veufs pour les concours de vitesse et petit demi-fond. Et à jongler avec les dates pour les autres. Une preuve vécue du délai nécessaire à rattraper les déficits alimentaires qu’on laisse s’établir (c’est tout aussi vrai pour les vitamines, les minéraux etc.). Le régime ainsi carencé à cause de l’hiver aura donc des répercussions sur la fécondité. Et cela d’autant plus que sur le plan physiologique, nous accouplons déjà nos pigeons un peu trop tôt. Si cela est vrai de toute façon pour les reproducteurs en élevage précoce, leur préparation par temps glacial n’en est que plus subtile – c’est vrai encore pour les pigeons que nous ac-couplerons début février. Chacun sait que la lumière solaire est – par l’intermédiaire du nerf optique puis via le cerveau vers la glande hypophyse (hormones gonadotropes antéhypophysaires) – nécessaire à la mise en route des glandes génitales. Chez les oiseaux sauvages, cela n’est obtenu qu’en mars, date de ponte chez des espèces familières comme le merle ou le moineau. De décembre à mars, le volume des testicules du moineau décuple de volume. Certes ces oiseaux sauvages souffrent aussi sévèrement de la faim au cours de l’hiver. Raison de plus pour éviter cela à nos pigeons par un régime trop serré par temps très froid. Mais tout le monde doit admettre que lors de l’élevage précoce, malgré toutes les précautions prises, hormis un éclairage artificiel adapté, la proportion d’oeufs clairs est toujours plus importante qu’en pleine saison. En ce qui concerne les pigeonneaux au plateau dès Noël, les grands froids posent des problèmes. Déjà par temps terrible, on a vu des oeufs éclater de gel le temps du repas. Les pigeonneaux nouveaux nés n’ont pas de température régulière. Comme les animaux inférieurs (poissons – batraciens – insectes etc.) ils ont la température qu’ils peuvent, sans leurs parents. Laissés seuls quelque temps, cette température descend, descend très vite. Mais par temps glacial, si cela dure trop longtemps, ils gèlent, au sens exact du terme (vers -5° de température corporelle) et ils sont morts. Sinon, dès que le couveur revient, leur température remonte tout de suite, sans dommage.
Mais leur vie physiologique est proportionnelle à la température : par exemple, ils digèrent très bien à 36° mais ne digèrent plus, tout le temps qu’ils n’ont plus que 10°. C’est vers l’âge de 8 jours que le pigeonneau perd cette aptitude, fait lui-même sa température (environ 41°C) et peut la réguler c’est-à-dire lutter contre le froid ou le chaud. Mais quand les moyens de lutte s’effondrent, le pigeonneau est mort. C’est pour cela que la période allant du 8e au 15e jour (où le plumage couvre tout le corps) est toujours la plus délicate. En plus d’une alimentation très calorique, il est donc fort utile lors de l’élevage précoce par temps particulièrement rigoureux, d’inventer un dispositif permettant d’éviter le refroidisse-ment très rapide des pigeonneaux âgés de moins de quinze jours. La première chose à faire est de mettre continuellement à disposition des éleveurs grains et eau en permanence. On évite ainsi le repas commun de toute la colonie en même temps. Les éleveurs peuvent donc, l’un ou l’autre, rester sur le nid. L’autre chose utile est l’éclairage précoce du matin, de manière à permettre deux gavages par jour (par exemple 6 h et 16 h) et non plus un seul vers 9 h, dont la digestion ne sera pas terminée à la tombée de la nuit. Ainsi on évite la plupart du temps l’installation d’un chauffage d’appoint au colombier d’élevage, dont l’efficacité réelle reste à démontrer dans nombre de colombiers.
Doct. Vét. J.P.Stosskopf
Notices:
- Les pigeonneaux nouveaux nés n’ont pas une température régulière et stable. Sous leurs parents ils ont 37 à 38°C. Dès qu’ils sont seuls dans le nid, leur température baisse rapidement mais elle remontera tout aussi vite lorsqu’un des parents revient sur le nid. Si on laisse les nouveaux nés trop longtemps seuls par temps glacial, ils gèleront et mourront.
- Malgré son plumage abondant, le pigeon subit le froid : il inspire de l’air glacial, qu’il lui faut réchauffer à chaque fois, ses caroncules, ses pattes, non plumées, exportent beaucoup de calories pour lutter contre le refroidissement. Il lui faut donc manger plus. C’est dire que l’adjonction de graines grasses, même en période de repos, est une nécessité : graine de lin, colza sont les mieux adaptées à cette période. Notons aussi que le maïs relative-ment gras (4%) est une bonne source hivernale de calories.
[ Source: Article édité par Doct. Vét. J.P.Stosskopf – Revue PIGEON RIT ]
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Les nez sales chez les pigeonneaux