12 novembre 2022 Par admin

Parlons des vitessiers de pigeons. Motivation et mensonges.

La « Petite Nationale

Débutant:
Nous avons dialogué, il y a peu, sur les pigeons de fond et une bonne façon de les nourrir. Je trouve, pour ma part, qu’on donne beaucoup d’importance dans la presse aux concours de fond et de grand fond, et que, de ce fait, les vitessiers passent pour des « petits amateurs ». Or, ces derniers constituent de loin la majorité des amateurs en Belgique. Et je dis bien « amateurs », c.- à-d. ceux pour lesquels la colombophilie est encore vraiment leur « hobby », c.-à-d. leur distraction favorite. Les soi-disant « grands » colombophiles – pas tous heureusement – ont commercialisé notre sport favori. Ce sont les « professionnels », ou des « semi-professionnels ». La plupart de ceux-ci ne jouent pas la vitesse, parce que cela n’intéresse pas les gros acheteurs. Je ne leur donne pas tort pourvu qu’ils soient honnêtes et ne vendent pas seulement des « pedigrees », mais des pigeons.

Victor:
C’est en effet là tout le problème avec le sport colombophile commercialisé de plus en plus… du moins en Belgique et aux Pays-Bas. Mais revenons aux « vitessiers », car c’est bien d’eux qu’on parle cette fois et ils le méritent. Pour moi ce sont les vrais fins colombophiles parce qu’ils jouent un rôle capital dans la préparation des succès remportés par leurs pigeons. On trouve parmi eux de vrais artistes dans l’art de motiver les pigeons.
Il est certain que des petits « trucs » peuvent motiver le pigeon et que la « motivation » est d’une importance capitale pour remporter des prix de tête. L’important pour le colombophile est tout d’abord de savoir sur quelles distances chaque pigeon donnera son meilleur rendement. Car motiver un pigeon sur 350 km, alors qu’il n’a pas les qualités physiques pour cette distance, revient à lui écourter sa carrière sportive.

Débutant:
D’accord, mais comment savoir quelle est la distance idéale pour un pigeon? Je suppose que son origine y est pour quelque chose.

Victor:
Parfois oui, parfois non.

Débutant:
Avec des « parfois » et encore des « parfois », tu peux tout expliquer.

Victor:
C’est au colombophile de juger si l’origine, c.-à-d. le pedigree, dit bien ce dont le pigeon est capable: est-il un pigeon de fond, de demi-fond ou de vitesse? C’est le panier, ce juge impartial, qui va nous le dire. C’est au colombophile d’examiner l’état de son pigeon à son arrivée, et sa récupération. Un pigeon qui par temps dur abat 350 km sans être épuisé, on peut sans crainte le pousser plus loin et le motiver sans crainte de le « forcer ».

Débutant:
J’ai très bien compris. Mais parlons un peu de tes petits trucs pour motiver le pigeon.
Lorsque ta fameuse « Petite Nationale » a remporté la même année deux premiers prix nationaux dans des milliers de pigeons, dis-moi l’avais-tu « motivée » et comment?

Victor:
Elle était motivée à l’extrême. Et voici comment. Dans le casier en dessous du sien il y avait une femelle bleue avec la même position de nid qu’elle. En semaine lorsque la Petite Nationale effectuait sa volée avec les autres pigeons de son colombier, je prenais la bleue du casier inférieur, et la plaçais sur les jeunes, juste éclos, de la Petite Nationale. Quand elle rentrait elle trouvait sa voisine sur ses jeunes. Ce fut évidemment la bagarre, que j’écourtais rapidement en remplaçant l’intruse sur ses propres jeunes au casier inférieur. J’effectuai cette manoeuvre 3-4 fois avant d’enloger la « Petite Nationale ».
Elle avait alors des jeunes de 3 jours. Quand elle revint victorieusement des deux concours nationaux, elle trouvait l’intruse dans son casier sur ses jeunes. Courte bagarre avant de remettre les choses en ordre.

Débutant:
C’était cruel d’obliger la « Petite Nationale » à se bagarrer à son retour. Pourquoi?

Victor:
Parce qu’il ne faut jamais mentir à un pigeon. Si je l’avais fait, elle n’aurait peut-être pas refait un premier national -également sur des jeunes de 4 jours – avec sa voisine comme l’ennemie n° 1.

Débutant:
Je sais qu’il y a beaucoup de trucs pour motiver un pigeon.

Victor:
Et chaque colombophile peut en inventer, mais à condition de ne pas mentir car le pigeon a une excellente mémoire. Lorsque p.ex. on place avant l’enlogement un autre mâle avec la femelle du veuf qu’on va engager, il ne faut pas commettre la faute de ne pas mettre le même mâle avec la femelle au retour du veuf, ne fut-ce que quelques secondes.

Débutant:
Il y a beaucoup de petits trucs, le colombophile peut-il les inventer?

Victor:
A condition d’observer les instincts de ses pigeons. L’instinct de territoire peut dominer le sexuel. Tu dois te rappeler ce que le grand champion Ernest Duray me conseilla de faire avec notre « Lomperik », pigeon dont j’attendais beaucoup mais qui ne répondit pas à notre attente. Ernest me conseilla alors de ne plus montrer sa femelle, mais de mettre à l’enlogement un mâle étranger dans la moitié du casier et de mettre ce même mâle dans son casier à son retour.
Le succès fut sensationnel: quatre dimanches de suite il se classa en tête du concours (de 300 à 350 km).
Il faut exploiter les instincts du pigeon, c’est ainsi qu’on motive au mieux le pigeon… et quel plaisir pour le colombophile de pouvoir intervenir personnellement dans le succès de son pigeon.

Noël De Scheemaecker

Notices:

La « Petite Nationale » remporta en 1980 deux premiers prix nationaux sur Limoges et La Souterraine. Noël De Scheemaecker motiva cette femelle en mettant 3 à 4 fois une intruse sur son nid…
Les vitessiers sont les vrais fins colombophiles parce qu’ils jouent un rôle capital dans la préparation des succès remportés par leurs pigeons.

[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ]