Le pigeon Sport
4 janvier 2021 Par admin

Le pigeon « Sport » diffère-t-il du pigeon « Standard »?

Le pigeon Sport

Tu m’as raconté qu’on t’a invité au mois de septembre pour juger, suivant le « Standard » cinq pigeons. Ces pigeons avaient soit remporté un premier prix national cette année ou avaient été classés As-pigeon national en 1990. Tu m’as dit après avoir jugé les pigeons qu’aucun de ceux-ci ne serait classé honorablement dans la catégorie « Standard » lors d’une Olympiade. Et ceci est dû d’après toi au fait que les juges aux Olympiades sont forcément influencés par l’idée que « Standard » implique aussi « beauté esthétique ».
Tu as jugé les cinq pigeons d’après le « Standard » et tu as donné des points aux champions présentés.
Quelles leçons peut-on tirer de cette expérience?

Victor:
Nous devons commencer par nous demander: « qu’est-ce qu’un jugement et en quoi est-il fiable?
Aux Olympiades colombophiles il se concrétise par les points qu’accorde chaque juge à chaque pigeon d’après les « données » qu’on a fixées dans un exposé explicatif dont dispose chaque juge. Il y a, dans cet exposé explicatif, les quota à appliquer pour les points à accorder à chaque qualité du pigeon, et allant de « insuffisant » à « très bon ». C’est assez simple à première vue. L’as-tu bien compris? Le tout est donc de savoir en quoi un jugement est fiable et reflète plus ou moins la valeur respective de chaque qualité du pigeon.



Débutant:
Valeur respective au point de vue « sport », c.-à-d. aptitudes physiques, sportives… ou valeur respective au point de vue du « Standard », c.-à-d. « sport et esthétique ». C’est la question que je me pose et que je te pose. Car ne dit-on pas que les meilleurs pigeons de voyage sont souvent mal classés, et sont dépassés par des pigeons moins bons mais plus beaux et surtout plus « costauds »?

Victor:
Notre esprit a ses limites, et c’est pourquoi il faut bien compartimenter les problèmes sur lesquels nous avons à porter un jugement. Qui trop embrasse… mal étreint. C’est surtout vrai pour les choses qui concernent l’usage de notre cerveau. Et ce cerveau est d’autant plus handicapé qu’il s’est laissé – et cela forcément en ces temps-ci – conditionner par des circonstances qui en troublent son fonctionnement.

Débutant:
D’après toi il serait donc impossible de formuler un jugement exact sur la valeur d’un pigeon si on doit la concrétiser en points, ou en demi-points, ou en quarts de points! Car dans les Olympiades il s’agit parfois de fractions de points pour départager les pigeons.

Victor:
Tu arrives là au vrai fond du problème. On a eu recours, pour établir un classement du pigeon, à un système de « points » et de fractions de points. Or ce système s’avère, à mes yeux, être présomptueux et va dépendre de la « subjectivité » qu’ajoute chaque juge pour fixer le nombre des points à accorder. Car il y a, chez chaque juge, une part de subjectivité dans son jugement. La plus grande subjectivité est son incompétence pour autant qu’il n’a pas le « feeling » pour juger un pigeon et de fixer le degré d’équilibre de celui-ci. Or on parle beaucoup d’équilibre, dans les notes descriptives des règles du « Standard ». Un second élément de « subjectivité » est lui aussi très important.

Débutant:
Mais maître, avant de continuer, il faudrait me dire ce que tu entends par « subjectivité ». Est-ce la même chose que le « conditionnement » par tout ce qu’on tâche d’introduire dans notre manière de penser, de juger… et de croire qu’on est dans la vérité?

Victor:
Tu dis cela fort bien. C’est bien cela à quoi est exposé celui qui juge un pigeon. Et ce second élément de subjectivité réside dans le fait qu’on parle « d’esthétique », c.-à.-d. de « beauté » dans l’appréciation du pigeon. Là le juge a une marge de manoeuvre illimitée pour accorder des points, car qu’est-ce que la beauté d’une tête de pigeon? 8 points sur 10, ou 8,5 ou 9 ou 9,25 etc…! C’est idiot! Le pire c’est que la beauté de L’ tête, et son « expression » – brave pour cela – va influencer le juge dans l’attribution des points st..- les autres qualités du pigeon. Beauté… beauté… Un bleu n’aura-t-il pas plus de points qu’un bariolé ou un mouhy? Mais il y a encore tant de choses qui peuvent influencer le juge. Pl-exemple le modèle de ses propres pigeons, ou les yeux etc… Car le juge a tendance – inconsciemment – à juger par comparaison avec ses propres pigeons.
Si tu veux éblouir un visiteur au colombier, me disait un jour Gust De Feyter, manager du fameux colombier Havenith, il faut agir comme suit: tu montres d’abord quelques jeunes pigeons, ensuite quelques femelles, et pour finir les vieux mâles: alors le visiteur est éblouï par tes pigeons. Si tu fais le contraire, son idée de tes pigeons ne sera pas tellement fameuse. Le crescendo impressionne plus que le décrescendo. Dans le jugement des pigeons c’est également vrai. Le juge accordera trop de points au pigeon qui passe après un « médiocre », que si ce même pigeon était passé après un extra.



Débutant:
Mais alors il ne faut pas accorder beaucoup de valeur à des Olympiades, quant au classement entre pays présents. Il y a bien la catégorie « Standard » et la catégorie « Sport » qui camouflent le fiasco des classements. Mais enfin, toi, qui
as jugé des premiers prix nationaux, as-tu quelque idée suite à cette expérience?

Victor:
Je crois sincèrement que le classement par points et fractions de points ne correspond pas à ce que peut prétendre le juge pour départager les pigeons. C’est de la présomption, en tout cas un manque de sincérité pour reconnaître son incapacité à juger « juste ».

Débutant:
Mais alors comment juger si on ne peut pas se fier au « pointage »? Faire des Olympiades une réunion d’amis? Ou quoi de plus?

Victor:
Je suggère p.ex. qu’on classe chaque pigeon d’après un critère moins « pointilleux »! Pour chaque qualité on pourrait noter: insuffisant, suffisant, bon, très bon, excellent… si un pigeon « excelle » dans une certaine qualité.

Débutant:
Mais, en procédant de la sorte il y aura forcément plusieurs pigeons avec les mêmes cotations, donc plusieurs ex-aequo.
Et alors comment établir un « classement »?

Victor:
Cela simplifie… et contentera plusieurs pays participants. Il y aurait p.ex. 3 premiers, deux seconds etc… pourquoi pas? Oui, pourquoi pas?

Débutant:
Après avoir examiné les premiers prix nationaux, crois-tu qu’on pourrait supprimer la catégorie « Standard »?

Victor:
Je crois que non. Mais à condition cependant de rendre les critères exigés pour participer aux Olympiades plus sévères. Je suis persuadé que mon ami Georges De Paduwa, président de l’International, pourrait très bien trouver une équation adéquate dans ce sens. Il est bon colombophile et bon mathématicien. A lui de trouver la « formule ». D’autre part, ce que j’ai constaté en jugeant les vainqueurs c’est l’opportunité de diviser les pigeons d’après leurs prestations en « demi-fond » et en « fond ». Il m’est en effet apparu que ce ne sont pas les mêmes qualités qui prédominent dans les deux catégories. La puissance du pigeon de demi-fond, et l’endurance du pigeon de fond sont deux attributs qui méritent réflexion lors du jugement d’un pigeon. En athlétisme le marathonien est un type tout différent du vitessier. Il y a du travail pour les « chercheurs ». Avec de l’imagination, dont parle souvent Georges De Paduwa, il y aurait sans doute, moyen de ne plus décevoir tant de monde… après les Olympiades.

Débutant:
Mais, cher maître, cette idée de beauté qui obnubile le juge dans l’attribution des points, et aussi cette prédominance du pigeon « costaud » par rapport au pigeon plus petit et plus léger, sont deux handicaps qui me paraissent difficile à éliminer.

Victor:
Il y a peut-être des petits trucs. Par exemple: demander au juge de juger en main des qualités physiques sans « voir » le pigeon, c.-à-d. les yeux bandés. D’autre part on pourrait juger les pigeons de A à X, et puis un second jugement de X à A sans revoir les cotations données lors du premier jugement. Par après on prendrait la « moyenne » des deux cotations pour le classement définitif.
Je me souviens d’avoir jugé avec Paul Sion et un troisième juge les pigeons du Flying Club au parc d’Anderlecht où habitait Guillaume Stassart. Après avoir terminé le travail Paul Sion proposa de refaire le classement en jugeant une seconde fois les pigeons, mais dans le sens opposé. Nous étions trois à juger les pigeons… mais le troisième juge, que par courtoisie je ne nommerai pas, ne voulait pas suivre l’idée de Paul Sion.



Débutant:
Ce n’était pourtant pas une mauvaise idée…

Victor:
Je voudrais, pour terminer, te dire une chose encore. Jef Van Riel me disait que lorsqu’un beau pigeon, c.-à-d. un pigeon parfait au point de vue physique, était un bon pigeon, alors c’était un très bon. Quand Jet, avec qui j’ai plusieurs fois jugé des pigeons, avait longtemps scruté l’expression de il osait dire: celui-ci « pourrait » bien être un bon pigeon. Jef était diamantaire, les jeux de lumière dans l’oeil du pigeon, c’était un peu son domaine.

Noël De Scheemaecker


Notices :

  • Il y a, chez chaque juge, une part de subjectivité dans son jugement.
  • Le juge a tendance -inconsciemment – à juger par comparaison avec ses propres pigeons.

[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ] 

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