Surpopulation – pigeon voyageur
Il est difficile de préciser combien de pigeons peuvent résider dans un colombier. Cela peut différer très fort, même pour deux colombiers de cubage égal. Tout dépend de la manière dont ils ont été conçus, de la ventilation, de l’hygiène etc. Nous disposons d’un bon test pour juger: on ne peut sentir le pigeon dans un colombier. Les pigeonneaux élevés chez le professeur Van Grembergen passaient chez De Raedt dans un tout petit colombier de 2 m de hauteur, 1,50 m de largeur et 3 m de profondeur soit 9 m’ d’espace.
En rédigeant une réponse à la question d’un lecteur de « Pigeon Rit » j’ai buté sur un des thèmes favoris de nos amateurs: la surpopulation. La littérature colombophile lui consacre régulièrement des chroniques.
Son argumentation majeure décrète qu’elle prive les pigeons de l’oxygène minimale indispensable, qu’elle provoque un mauvais fonctionnement de l’activité sanguine et de la respiration et suscite par là un rendement insuffisant dans les concours. Je n’ai trouvé que quelques rares chiffres à ce sujet dans la littérature scientifique.
On admet pouvoir parler de surpopulation lorsque trois pigeonneaux doivent séjourner dans un espace d’un mètre cube.
Les professeurs Lahaye et Cordiez de l’Ecole vétérinaire de Cureghem-Bruxelles sont de cet avis; H. Vindevogel, J.P. Duchatel et P.P. Pastoret (1987) ont repris à peu près la même thèse pour conclure que deux pigeons par mètre cube est un grand maximum. Je ne sais comment on est arrivé à ces chiffres.
Il s’agit peut-être de calculs basés sur des pigeons résidant en laboratoire, dans des espaces clos où sont mesurées des quantités métaboliques (aspiration d’oxygène et rejet de C02) en situation précise et stable. On ne peut transférer des résultats théoriques sur un colombier. Un colombier n’est généralement pas hermétiquement fermé, à moins que l’on héberge les pigeons dans une ancienne chambre à coucher; il y a des fentes et la ventilation provoque le rafraîchissement de l’air.
Le battement des ailes des pigeons provoque également de la ventilation. On ne peut donc s’en tenir à un simple petit calcul. Un autre a voulu aborder le problème par comparaison avec des expériences sur les poules. Ces expériences sont généralement caduques: on n’héberge pas les poules comme les pigeons et dans le poulailler l’élimination de l’ammoniaque (provoquée par la fermentation des éjections) s’ajoute au besoin de renouveler l’oxygène, surtout en été. Cela produit plus rapidement de la surpopulation.
Combien le colombier peut-il donc contenir de pigeons?
C’est difficile à dire. Le nombre peut varier, même pour deux colombiers de mêmes dimensions, selon la construction différente, la possibilité de ventiler, l’hygiène etc. Nous disposons néanmoins d’un bon test pour juger: on ne peut sentir le pigeon au colombier, ce qui veut dire pas d’odeur d’ammoniaque. Il est donc risqué d’avancer des chiffres. On ne dispose pas d’arguments valables pour pouvoir prétendre que la surpopulation débute au-delà de deux ou de trois pigeons par mètre cube d’espace. Ma longue expérience personnelle vécue dans la pratique du sport colombophile m’autorise à réfuter cette thèse.
Mes lecteurs savent que j’ai joué en tandem avec J. De Raedt de 1955 à 1975. Les éleveurs résidaient chez moi dans un grand grenier. Leurs jeunes passaient chez De Raedt, dans un petit colombier d’une hauteur de 2 mètres, pour 1,5 m de large et 3 m de profondeur, soit un espace de 9 m3• Nous avions convenu de débuter en 1955 et cela se fit avec une douzaine de jeunes que j’avais toujours élevés dans mon petit colombier de l’avenue St. Denis à Gand. Tous étaient de mes Vanderlinden. Huit petites femelles furent engagées dans un Angoulême de fin de saison et nous remportions quatre prix à commencer par le 43ème dans 3.901 participants.
En 1956 apparurent les premiers produits de croisements, nés en mars. La production à l’élevage s’amplifia, parce que quelques couples de leurs descendants s’ajoutèrent aux sept couples de base. L’effectif pigeonneaux monta à 25-30 et jusqu’à 40 plus tard.
Afin de mener une expérience cet effectif fut élargi à 65 unités à une ou deux occasions. Ainsi en 1956 nous pûmes engager 15 pigeonneaux sur Angoulême; résultat, neuf prix à commencer par le 57ème national sur 5.319. Notre premier classé était le mâle qui allait se faire appeler le « Barcelone 1 » plus tard; un pigeon d’une puissance exceptionnelle.
En 1957 le concours d’Angoulême put réunir 6.985 pigeonneaux. Nous en avions engagés 29 qui remportèrent 14 prix à commencer par le 49ème.
Le 6 septembre 1958 pas moins de 5.341 pigeons furent engagés pour l’Angoulême national, dont 26 pigeonneaux à nous qui remportèrent 15 prix à commencer par le 28ème et le 70ème. Quinze jours plus tard, le 28 septembre, il y eut encore 3.095 pigeons. Nous en présentions 13 et ils remportèrent huit prix à commencer par le 7ème et le 17ème. Notez que les deux mêmes pigeons furent nos deux premiers dans les deux concours. L’Angoulême de 1959 a vécu une catastrophe sans pareille. J’en ai déjà parlé dans le passé. Le 3 août 1960 nous avons remporté 9 prix à commencer par le 39ème et le 70ème sur Argenton (1.404 p.) et nos deux jeunes engagés à Angoulême le 3 septembre (4.668 p.) se classèrent 125ème et 328ème. Suivit l’Angoulême du 20 septembre (2.135 pigeons) avec 21 engagés: 11 prix à commencer par le 65ème.
J’ai voulu tenter une nouvelle expérience en 1961 pour voir jusqu’où je pouvais pousser l’exagération. J’élevai 65 jeunes qui furent hébergés dans le petit colombier de 9 m où 65 petits reposoirs étaient accrochés aux parois. Ils dépassèrent largement mes prévisions et furent franchement fantastiques. Leurs résultats le prouvent. Après deux Breteuil (180 km), deux Dourdan (300 km) et un Orléans (370 km) une cinquantaine furent engagés à Bourges (sept, dont deux fortement blessés, restèrent à la maison). Nous n’eûmes à déplorer aucune perte, et ils remportèrent 34 prix au national, ce qui nous valut le prix du Ministre de la Défense nationale (au plus beau résultat). Quarante de ces pigeonneaux partirent ensuite à Angoulême et remportèrent 24 prix. Cinq (dont les quatre derniers passés) ne rentrèrent plus. Le résultat fit sensation d’autant plus que nous remportions le 1er prix national.
Les conditions climatiques étaient rudes: 10 heures de vol par vent de face dans un ciel légèrement brumeux. A notre 1er national (5.259 p.) succédaient un 51ème, 71ème, 76ème prix etc. Pour souligner combien ce fut dur nous rappellerons qu’une septantaine de pigeons seulement purent rentrer le jour même, dont deux chez nous à 17 h. 38 et 19 h. 29 suivis le lendemain matin à 8 h. 01, 8 h. 16 etc.
J’étais aux anges de constater que mon système: « élever et jouer » me maintenait sur la bonne voie. Ce résultat témoignait d’autre part que la surpopulation n’avait produit aucun effet négatif.
On ne peut tracer des frontières pour la surpopulation. Mes prestations m’autorisent de prendre position. Je ne sais pas si j’ai jamais répété le coup d’éclat de 1961, j’ai des trous de mémoire et de documentation. Mais je puis affirmer que nos prestations sont demeurées d’un même niveau de 1961 à 1975 lorsque j’ai mis fin à ma carrière colombophile. Je pourrais appuyer cela par les résultats des années 1962, 1963 et 1964 que j’ai retrouvés au complet dans mes archives.
Je ne les reprendrai pas, afin de ne pas noyer le lecteur dans les chiffres, mais aussi parce que je ne puis plus préciser combien de pigeons furent engagés à chaque occasion. J’ai perdu pas mal de documents au cours de mes deux déménagements. Mais je puis toujours en produire de 1969 et 1970 ce qui nous ramène à nouveau dans l’actualité. Je dois cela à un ouvrage publié en 1972 (Duivenvaria). Les commentaires et ragots concernant nos prestations allaient bon train.
Un journaliste s’exprima un jour imprudemment en écrivant que le tandem De Raedt-Van Grembergen jouait bien fort à pigeonneaux sur les grandes distances, mais que leur souche avait perdu de sa vitesse.
Cela m’avait touché et je tenais à réagir. Je demeurai prudent quand même parce qu’un ami, bon joueur de vitesse, qui ne me voulait certainement aucun mal, m’avait tenu à peu près le même propos. Il ne comprenait pas pourquoi je ne participais pas aux gros enjeux. Comme il ne comprenait pas comment je pouvais espérer créer une forte équipe d’adultes avec ma façon d’élever et de jouer.
Nous avons prouvé d’année en année que nos pigeonneaux de printemps ne devaient redouter personne dans les étapes de fond. En 1969 j’ai pris quelques notes concernant le déroulement des concours de demi-fond en préparation aux joutes de fond pour les pigeonneaux. Je crois pouvoir dire, sans me vanter, qu’il en est peu qui ont mieux joué que nous avec leurs pigeonneaux sur ces distances, prestations d’ensemble s’entend.
Sur Dourdan (300 km – le 13 juillet), leur premier concours, ils engageaient la série au troisième prix (901 pigeons) et au 15ème prix (500 p.) toujours sur Dourdan le 20 juillet. A Orléans le 27 juillet le 11ème sur 1.308 et le 3 août (Breteuil) le 6ème (avec beaucoup de perte) sur 505. Le 9 août sur Argenton, ils décrochaient la victoire au provincial et à l’interprovincial et la 5ème place au national sur 2.587 p. Le 10 août à Orléans 13ème et 14ème sur 713 et le 24 août sur Bourges le 3ème et 4ème sur 479.
En 1970, on enregistra les prix suivants:
12 juillet Dourdan 36/861 p.;
19 juillet Dourdan 9/701 p.;
26 juillet Orléans 12/1.319 p.;
8 août Argenton 4/177 p.;
9 août Orléans 8/667 p.,
22 août Bourges 7/489 p.;
5 sept. Angoulême 10/292 p.;
19 septembre La Souterraine 2/176 p.
Rentrant d’avoir présidé un examen d’étudiants un jour de septembre, un délégué du gouvernement m’attendait pour m’apprendre qu’on allait m’exproprier de ma maison à très bref délai! J’étais déjà sur la rue en décembre. Un coup dur incroyable. Il fallait faire vite pour mettre mes éleveurs en vente publique. Vous comprendrez que ce ne fut pas une sinécure de rédiger la liste et les pedigrees des pigeons à vendre. La vente eut lieu le 15 septembre 1973 à Zundert en Hollande. Un rêve s’achevait! Nous abordions une nouvelle année ’74 alors que la majorité des amateurs avaient déjà engagé la saison des concours avec leurs jeunes d’hiver. Nous n’avions pas encore trouvé le temps de nous réorganiser.
Touché par l’âge et la maladie, mon compagnon avait perdu beaucoup de force et nous dûmes réduire nettement notre équipe de vol.
J’étais à la recherche d’une nouvelle habitation; je préparais un nouveau déménagement et il fallait toujours assumer mes tâches à l’université. Je puis vous dire que mon intention de repartir à zéro était au point mort. De plus Angoulême, notre étape favorite, avait été rayée du calendrier, remplacée par La Souterraine. Je n’étais plus du tout motivé. Je ne tenais plus de comptabilité. C’est pour cela que je ne puis plus dire quel était notre effectif en pigeons de concours et en pigeonneaux.
J’ai pu repérer encore quelques résultats sur des documents retrouvés en dernière instance.
L’année 1975 débuta très mal pour moi, par une grave opération et un séjour prolongé à l’hôpital. Mais tout n’était pas perdu pour autant. Toujours alité, je pus apprendre que la Coupe du Roi se jouerait sur le Brive national et ce envers et contre la tradition. Beaucoup trop tôt dans la saison et encore sur un national! J’ai profité de mon repos forcé pour concocter un programme et une motivation toute particulière pour notre crack (le «016 ») que nous destinions à cette tâche (j’ai déjà développé cela dans «Pigeon Rit »). Il fallait faire vite. J’étais persuadé à 100 % qu’il pouvait le faire, et il a parfaitement réussi. De mon lit d’hôpital je ne pouvais programmer ce que nous pouvions entreprendre avec ce qu’il nous restait d’effectif: 9 veufs valides et 2 blessés au point qu’ils avaient déjà été retirés de l’équipe en cours de saison.
Nous devions les engager selon les circonstances et un peu au hasard. J’avais visé la Coupe du Roi depuis mes débuts, parce que chaque amateur rêve de remporter un jour ce trophée provincial qui n’est offert que de neuf en neuf ans. D’où son attrait tout particulier. Tous nos lecteurs savent déjà que notre « 016 » vainqueur du trophée tant convoité fut appelé « le Professeur » depuis lors. Ils comprendront aussi que nous n’avions d’yeux que pour le « 016 » car nous le destinions encore à deux autres et rudes tâches: Montauban (800 km) et St. Vincent (900 km) où il figurerait chaque fois comme premier passé. Un autre objectif me tentait: le Championnat de Belgique. Je voyais deux pigeons pour s’y atteler comme deuxième marqué et l’un des deux devrait participer au dernier concours de la saison, le St.-Vincent. C’étaient 1°: le Châteauroux de 1972.
Il s’était comporté brillamment sur Bourges et La Souterraine (48ème de 4.821) comme pigeonneau et avait encore remporté de nombreux beaux classements par la suite, mais il était aussi l’un des deux blessés de la saison 1975, montrant des chairs de la poitrine bleuies par le choc, mais ne présentant aucune fracture interne; 2°: un mâle bariolé de ’73.
Comme pigeonneau il s’était bien défendu dans un Orléans et dans un Angoulême provincial (9ème sur 536 ). En 1974 il s’était classé sur St.-Vincent. Je tins également compte de la descendance pour faire mon choix, mais il n’y avait pratiquement pas de différence entre les deux. Le « Châteauroux » était un demi-frère de notre « Poitiers » (1966) qui avait été champion provincial de fond en 1969 et appartenait à une souche de très bons pigeons, dont sa sœur de nid. Le mâle bariolé était un fils de notre « Champion » (1963), champion provincial de fond en 1966. Nous allions donc engager trois pigeons à St.Vincent, avec le « 016 » au premier rang. Mais comment faire pour choisir le numéro deux, car seuls deux pigeons entraient en ligne de compte pour le championnat.
Je choisis le « Châteauroux » parce que c’était un pigeon d’un modèle parfait. Je comptais également sur le fait qu’il serait complètement rétabli en temps voulu. Mon choix n’était pas le bon, malheureusement. Le numéro trois se présenta, signant le 241 ème prix de 1.735 participants. J’ai compris trop tard que le bariolé était spécialement doué pour le grand fond. Nous perdions donc un point dans l’ultime joute, mais nous terminions tout de même à une honorable deuxième place au Championnat général de Belgique.
Nous avons prévu de stopper définitivement au milieu de la saison, mais en ne l’annonçant qu’au lendemain du concours sur St.-Vincent. La vente totale fut organisée le 30 novembre 1975 à Lierre.
Nous abandonnions donc la carrière colombophilie alors que nous venions de vivre une grande saison. Le final avait été on ne peut plus beau. Nous remportions entre autres pour 1975:
– la Coupe du Roi;
– le Grand Prix de la Ville de Gand;
– la deuxième place au Championnat national;
– le Championnat provincial.
Cela avec très peu de pigeons.
Nous quittions l’arène, par obligation, mais en pleine gloire.
Conclusion
Je crois que mon expérience, même à échelle réduite, montre que la loi de l’hybridisme (augmentation de la puissance et de la vitalité) par croisement de deux souches relativement consanguines, vaut pour les pigeons, comme elle a été établie sur la grande échelle pour les poules et les porcs. J’en ai d’ailleurs fait mon profit.
[ Source: Article édité par Prof. Dr.G. Van Grembergen – Revue PIGEON RIT ]
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Problèmes chez les pigeonneaux
Conseil n°18 – pigeon voyageur