Un conte – pigeon voyageur
Flooooh!. .. A l’autre bout du jardin, on entendit « Oui mon trésor »!
Marie appelait son mari Florimond Caljun. C’était une femme de taille moyenne, brune teintée du poivre et sel de l’âge, sèche comme un échalas. Elle mangeait si peu, qu’il l’avait appelée « mon trésor » dès leur mariage, il y avait trente cinq ans.
Florimond était pensionné depuis quelques mois et il avait pris cet événement surtout comme la possibilité de s’occuper mieux de ses chers pigeons.
« II est l’heure de venir dîner.
Qu’est ce que tu faisais encore à tes pigeons?
Tu ne pourrais leur ficher la paix à ces pauvres bêtes?
L’hiver arrive et je veux qu’ils le passent dans de meilleurs conditions – Ah! et qu’est ce que tu vas leur faire?
Leur mettre le chauffage central et la télévision?
– Je ne vais pas leur mettre le chauffage mais je vais les isoler pour éviter les gros changements de température
– Tu deviens fou Comme si les pigeons mouraient de froid en hiver ».
Florimond était depuis fort longtemps colombophile et connaissait d’honorables résultats. Mais comme chacun de nous, il espérait « toujours à mieux ». Après le repas, Flo se remit au travail. Son colombier était sous les combles, le toit étant fait de petites tuiles fort anciennes et mal jointées, qui, par fortes pluies, avaient quelques faiblesses et par temps venteux, laissaient passer de petits vents coulis (= courant d’air). Et Flo frémissait à l’idée de voir pénétrer la brise d’hiver sur ses chers favoris.
Dans un appentis, Flo conservait tout ce qu’il croyait pouvoir lui être utile un jour. On y trouvait des planches, des plaques d’aggloméré, de la ferraille … Il avait déjà fait son plan de travail depuis longtemps. Entre chaque chevron, il allait mettre un isolant, pas de mousse de plastique que les souris adoraient, mais simplement de la paille, à défaut de laine de verre trop coûteuse: la pension de Flo n’était pas bien grosse. Flo passa son après-midi à couler des planches sur les chevrons et au fur et à mesure que cela montait, il bourrait de la paille entre les tuiles et les planches. Le soir venu son colombier de veuvage était fait, et le lendemain il ferait la même chose au colombier des yearlings et des pigeonneaux. Et le soir, fier de son travail, il descendit à l’heure du souper. Il eut du mal à s’endormir. Il vit ses veufs « casser la baraque » dès les premiers concours grâce à ce colombier bien chaud alors que les premiers jours du printemps, aux nuits souvent très fraîches, retarderaient chez ses concurrents la montée en forme. Il s’en retournait sans cesse dans le lit, faisant rouspéter Marie couchée « en chien de fusil » à côté de lui. Le lendemain matin, comme d’habitude, il fit voler ses pigeons, colombier par colombier. Chaque matin, il les regardait tourner tout en buvant un petit café. Etre pensionné avait du bon, qui permettait cette récréation, sans souci de l’heure. Dès les pigeons rentrés, abreuvés, nourris, il se remit au travail. Le soir tout était terminé. Flo se sentait très content de lui.
Le dimanche matin, il alla faire un tour au siège pour y rencontrer les copains. Même pendant la saison d’automne, les concours terminés, les coulonneux de la société aimaient bien boire une chope ensemble.
Flo raconta les travaux réalisés. Tous acquissèrent, disant que la chaleur était mère de la forme donc des succès. Seul Fredo, l’un des meilleurs de l’association émit quelques doutes sur la nécessité de la modification.
« Tu joues bien comme cela, ça n’était pas utile de changer quoi que ce soit ». « Tu ne vas pas dire que diminuer la différence de température entre le jour et la nuit en début de saison, ne fait pas de bien aux pigeons. On verra cela ». Au fil des semaines, les pigeons, séparés, faisaient leur petit tour et puis rentraient. Les volées n’étaient pas bien longues mais avec ce temps, pluie, froid ou les deux à la fois, il ne fallait pas s’en étonner.
A la fin de novembre, Flo accoupla quelques reproducteurs pour en tirer des pigeonneaux précoces, qui défendraient ses couleurs dès la mi-mai. Le couvage se passa sans incident et les pipants poussaient très bien, quand alors qu’ils atteignaient une quinzaine de jours, l’un d’entre eux se mit à dépérir. Dans le fond du bec, un abcès de muguet gros comme un gros grain de ma’ls. Flo n’avait jamais vu cela. Il s’empressa de tuer le pipant défectueux. Il raconta cela à Fredo qui lui conseilla un traitement antitrichomonose trois, quatre jours de suite. Ce que fit Flo. A la mi-février, accouplement général des voyageurs. Rien à signaler, tout va très bien. C’est à l’élevage que les choses se gâtent: nouveaux cas de muguet à trichomonose, nécessitant l’élimination des malades et nouveau traitement. De plus, en fin d’élevage quelques pigeonneaux anormalement légers au sevrage, avec des fientes molles, inhabituelles. Cette fin d’élevage avait été marquée, comme souvent en mars, par un temps très pluvieux. Ne s’agissait-il pas de coccidiose? Autant de pipants défectueux était inconnu chez Flo. Sur le deuxième couvage, les mâles furent mis au veuvage. Fredo, de passage, jugea qu’ils étaient un peu mous. Cela fut attribué aux fatigues de l’élevage.
Encore quelques jours et ça irait mieux. Mais ça n’allait pas mieux. Alors que d’habitude, les volées montent, s’allongent, que les pigeons se posent et se renvoient, les veufs de Flo se posaient après quelques minutes, sur le toit du colombier. Les premiers concours furent lamentables. Avec la perte de plusieurs pigeons. Aux premiers chaleurs, les volées se raccourcirent encore et les pigeons tombaient au toit après quelques minutes, le bec entr’ouvert. Flo s’arrachait les cheveux. On lui conseilla d’aller consulter le vétérinaire. Celui-ci diagnostiqua trichomonose, coryza, coccodiose. Flo en eut pour quelques dizaines d’euros. Les choses s’améliorèrent, quelques prix bien placés. Flo reprit espoir. Et puis après quinze jours vint la rechute.
Flo avait à l’autre bout de la Wallonie, un copain colombophile, qui jouait fort et depuis des années. Marie qui voyait son homme perdre le moral, devenir irascible, ne dit rien mais téléphona au cousin Joseph. « J’arriva, on va voir cela ». Flo, très étonné, vit arriver son cousin dès le lendemain. On but quelques pintes, Joseph raconta ses derniers exploits, ce qui fit sombrer Flo dans le désespoir. Et puis les deux hommes montèrent au colombier. Joseph prit deux ou trois veufs en main, perplexe. Tout d’un coup, il dit à Flo « ça pue dans ton colombier ». Pourtant, c’est nettoyé tous les jours. Oui mais on manque d’air ici. Pourquoi as-tu doublé ton toit – Pour garder la chaleur – Oui mais tu gardes aussi le gaz carbonique et l’humidité Fiche- moi cela à la poubelle Qu’est- ce que tu risques, puisque tu ne fais plus de prix? Qui fut dit, fut fait. En quelques semaines, Flo retrouva ses succès et le sourire!
[ Source: Article édité par Dr. J.P Stosskopf – Revue PIGEON RIT ]
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