Un standard sportif – pigeon voyageur (2)
La souche Huysken Van Riel a laissé sa marque dans l’histoire du pigeon dans le monde entier
Peut-être notre opinion relative au « standard officiel » n’aura-t-elle pas été du goût des partisans de cette formule et pourtant il y a des preuves écrasantes que nous avons le bon bout. Je ne veux pas dire qu’il ne serait pas souhaitable pour la beauté de la race que tous les pointeurs eussent un corps « standard », mais ce n’est pas du tout le cas, palpez les bons pigeons et vous verrez. De plus, la beauté et le sport marchent rarement de pair, parce qu’on se fait une idée fausse de la beauté. A ce point de vue, je ne crois pas pouvoir avancer une preuve meilleure que l’avis d’un ancien coureur à pied, actuellement médecin « Naguère, quand je voyais arriver un concurrent bien découplé et soi-disant bel athlète, je le craignais moins qu’un autre plus râblé, aux jambes un peu de travers, mais au masque volontaire. » Notre ami Charles Bremdonckx ne voulait-il pas dire la même chose quand il affirmait à Reporter qu’un « beau pigeon est aussi dangereux qu’une belle femme ! » (1)
En tout cas, nous restons sur nos positions et nous croyons avoir rendu service à nos lecteurs en les mettant en garde contre la beauté d’un oiseau et en leur indiquant quelles sont les qualités sportives vraiment indispensables.
Le mois dernier, j’ai parlé de l’aile. Maintenant, je vais vous dire un mot du système musculaire. « A quoi voit-on un pigeon est bien musclé ? », nous a-t-on souvent demandé. Un sujet bien rond n’est pas toujours bien musclé. Il est possible que sa rondeur provienne de sa graisse et dans ce cas, sa respiration le trahit. n’y a rien de plus facile à sentir. Quand on tient un pigeon en mains, on sent sa cage thoracique se soulever et s’affaisser. Un pigeon sans graisse paraît ne pas respirer, tant sont lents et peu perceptibles, les mouvements transmis au bréchet par la respiration. C’est après l’avoir laissé deux jours sans manger qu’on s’aperçoit si, oui ou non, un pigeon est bien musclé. S’il a perdu beaucoup des deux côtés du bréchet et aux hanches, il est inutile d’en espérer grand-chose.(2)
La première chose que nous faisons quand un oiseau revient d’un dur concours, c’est de le prendre en mains pour voir dans quelle mesure il a fondu. S’il est encore bien en muscles, il est bon à réenloger le dimanche suivant, même s’il a volé toute la journée, car c’est une preuve que les tissus musculaires n’ont pas été brûlés, et que les organes internes : coeur, foie et poumons sont en bon état… et n’ont pas dû fournir un travail exagéré.
En effet, amis lecteurs, vous savez que le muscle se consume lui-même, lorsque le sang n’y envoie pas un sang assez pur et nourrissant. La dépuration insuffisante provient d’une insuffisance des poumons et du foie. Il y a là un rapport si étroit que nous pouvons affirmer que la sélection au retour des pigeons est quasi infaillible. Il arrive bien qu’un oiseau a peine à mettre les orteils en tombant à la planche. Il a des crampes dans les pattes et il lui arrive de ne plus pouvoir tenir debout. Ce n’est pas une raison pour obliger le sujet au repos, si les muscles sont restés bons. Une fois que vous vous apercevrez que tous vos pigeons reviennent amaigris de voyage, vous pouvez être certain qu’ils ont besoin d’une longue cure de repos et de détersion sanguine. Vous voyez donc qu’on peut très bien juger un pigeon revenant de voyage, au point de vue organes vitaux : coeur, poumons et foie. Vous m’objecterez qu’il n’y a pas de concours en hiver. C’est très bien, mais laissez vos pigeons deux jours sans manger et triez les alors. Ce ne sera pas tout à fait la même chose, mais vous distinguerez les sujets gras des autres, c’est-à-dire des sujets musclés.
Un bon conseil pour clore ce chapitre : si vous voulez rester colombophile, triez vos pigeons à leur retour d’une étape. C’est la meilleure façon de contrôler leur valeur.
Il n’y a rien de plus relatif que l’ossature d’un pigeon. Elle est er rapport avec la grandeur et le poids. L’essentiel, c’est que le système osseux soit ferme. Il faut: que les os résistent à la pression comme doit résister le châssis d’une bonne automobile. Quand tient le pouce sur le rein et qu’or appuie, tandis que les doigts pressent les os de la fourche, la cage thoracique doit céder le moins possible. De même, les épaules quand on essaie de les rapproche-au moyen du pouce et de l’index. Il est donc aisé de reconnaître la fermeté de l’ossature et de faire la distinction entre les pigeons de vitesse et les pigeons de fond. Mais j’attire l’attention sur le fait qu’il faut toujours distinguer entre le petit pigeon et le grand pigeon. Un petit pigeon léger, nanti d’une ossature solide, sera toujours beaucoup plus fort qu’un pigeon lourd, même si son ossature est solide aussi. Examinez également le bréchet. S’il est mince comme une lame de couteau, vous pouvez mettre un grand pigeon de côté, mais non s’il s’agit d’un petit pigeon bien ferme. Ce qui doit être aussi épaisse que possible, c’est l’ossature de l’aile. Une aile est faible si les os en sont minces. (3)
Très instructif aussi pour contrôler l’endurance et l’usure d’un pigeon, est l’examen des organes visibles de la gorge : langue, ouverture du larynx et fente du palais, sans oublier la teinte de l’ensemble. Je vais vous dire brièvement comment se présente le bec, chez un pigeon normal : la langue doit reposer bien calme dans la mandibule inférieure ; l’ouverture du larynx doit être fine et oblongue ; les artères de la gorge visibles, ce qui prouve que les amygdales ne sont pas enflammées.
Quand l’entrée du larynx est ronde et que la langue, gonflée, est sans cesse poussée vers le haut, que les amygdales sont tellement enflammées que leur dentelure a quasi disparu, l’oiseau ne fera plus de prix qu’avec peine et par temps facile. Cela n’a pas grande importance si la fente du palais est ouverte, du moment qu’elle s’ouvre lorsque le pigeon vole.
L’essentiel est que la cavité du palais soit bien propre et non encombrée de mucosités.
Il faut cependant être prudent lorsqu’on examine un pigeon d’après l’état de sa gorge. Car les sujets trop bien nourris ou vivant dans un colombier froid n’ont jamais une belle gorge. Que vienne à changer le régime ou le temps… et le trieur se trompe lourdement ! Il est vrai qu’en écoutant le rythme du coeur, on peut contrôler s’il est intact et régulier. Mais ceci est du travail de spécialiste que nous pourrions effectuer également, mais avec certains instruments, le stéthoscope, par exemple. Nous pouvons cependant dire que l’accélération plus ou moins forte du rythme cardiaque, après un effort, est en rapport direct avec le fonctionnement, bon ou mauvais, des organes vitaux. Quand le coeur ne travaille pas bien, il faut qu’il travaille vite. Mais alors, il est également vite fatigué. C’est ce qu’on peut remarquer facilement en tâtant le pouls. Celui-ci ne doit être ni trop rapide ni trop faible. C’est surtout quand un pigeon revient quasi sans poids d’une étape qu’on peut remarquer que quelque chose cloche. Un pigeon pareil est vite usé et incapable de faire encore un petit prix.
Lorsque les muscles fondent, c’est un signe que le coeur est insuffisant et ne peut plus amener en quantité suffisante, là où il est nécessaire qu’il arrive, le sang qui doit nourrir les tissus musculaires. La qualité du sang est déficiente lorsque le foie et les poumons ne fonctionnent pas normalement. Si vous voulez épargner le coeur et le foie de vos pigeons, ne nourrissez pas trop fort. Ne les laissez pas s’engraisser car le coeur et le foie des pigeons gras doivent fournir un trop grand effort. Les artères ne sont plus aussi libres et le coeur est surchargé.
Il est parfois malheureux de constater combien certains amateurs nourrissent mal en hiver. Non pas qu’ils soient coupables de mauvaise volonté, mais parce qu’ils ne réfléchissent pas. En général, l’amateur ne réfléchit pas. ll se contente d’imiter aveuglément les autres… sans se demander si c’est bon ou mauvais. Il est incroyable de voir combien de gens travaillent mal en colombophilie et qui, pourtant, font preuve d’intelligence et de réflexion dans d’autres branches de l’activité humaine.
Il est énorme le nombre de pigeons qui n’arrivent pas en forme en été ou qui ne s’y maintiennent pas longtemps… parce qu’ils ont été mail nourris ou trop nourris. Un pigeon doit être dur sans être gras, ce que l’on remarque tout de suite à l’accélération de la respiration. Blanche ou jaunâtre d’aspect, la graisse se forme entre les autres tissus. Le sang est rouge quand il est sain et il circule en de nombreuses artérioles et capillaires qui sillonnent le tissu musculaire. Ce dernier, par conséquent, est bien rouge. Je n’aime pas les pigeons qui s’engraissent aisément. C’est presque toujours la caractéristique d’une race sans nerfs et décadente, qui manque de tempérament sportif. Souvent, la faute incombe à l’amateur qui nourrit trop fort. Les tissus adipeux se forment au détriment des muscles et cet engraissement nuit toujours au bon fonctionnement des organes. Les poumons et les sacs aériens ne sont plus aussi libres et le courant sanguin se ralentit. A partir de ce moment, le moindre effort coûte beaucoup au pigeon… et on entend dire par les amateurs que leurs oiseaux ne veulent pas voler : ils restent constamment au toit. Actuellement, beaucoup de colombiers sont dans ce cas. Qu’y faire ? Ce que nous conseillons: de l’exercice! En plus, adopter un régime. Les volées régulières font fondre la graisse et arrondir les muscles. Le régime saisonnier et une boisson dépurative font le reste. En fait de dépuratif, une décoction de salsepareille et d’orties blanches durant quelques jours par exemple. Comment peut-on voir si le poids d’un pigeon est dû à la graisse ou au développement des muscles ? Chez le pigeon gras, le corps est mou et désuni. Les muscles sont pâles et manquent de fermeté, le ventre est arrondi et gonflé ; les os de la fourche sont écartés et la respiration est saccadée et rapide. On peut difficilement se faire une idée du travail colossal qui est alors exigé du foie et du coeur. Devons-nous nous étonner de voir qu’un pigeon pareil ne fait rien de bon en été ou reste seulement quelques semaines en forme ? Vous voyez donc, chers lecteurs,
combien il est nécessaire de nourrir, toute l’année, d’une manière intelligente, comme se nourrit un athlète désireux d’être en pleine forme, lorsque la saison est là.
Noël De Scheemaecker
Notices:
(1) Que Noël De Scheemaecker commenta déjà le jugement au standard en 1937 peut surprendre. Pas mal de pigeons, champions dans les concours, déçoivent à la prise en main. Le « Zotteke » du tandem Huyskens-Van Riel (Ekeren de réputation nationale au lendemain de la deuxième guerre mondiale en fournit un exemple frappant.
(2) On peut se demander à quoi cela rime de laisser les pigeons quelques jours sans nourriture. Un sujet sain ne perdra pas beaucoup de poids s’il doit jeûner quelques jours. Il est des méthodes plus efficaces pour juger les pigeons.
(3) L’ossature est incontestablement: une des qualités physiques primordiales avec un gros et solide sternum, une fourche serrée et une aile bien accrochée au corps du pigeon. Noël De Scheemaecker surveillait déjà cela il y a 70 ans.
[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ]
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