Veuvage ou Naturel ? – pigeon voyageur
Surtout au pays flamand, la méthode du jeu au veuvage de pigeon a semé un esprit de découragement parmi les amateurs du jeu naturel.
Les Wallons ont connu ce découragement avant les Flamands, mais l’ont surmonté depuis longtemps. Quoiqu’on dise, il est un fait que certains milieux colombophiles sont inquiets et se demandent anxieusement: « Que deviendra la colombophilie avec tous ces veuvagistes ? » Oh, chers lecteurs, ne nous faisons pas du mauvais sang. Ne voyons-nous pas que l’histoire est un éternel recommencement?
Il s’en suit que tout a son temps, que la montée et la chute, le succès et l’écroulement se frôlent et qu’en fin de compte il y a plus d’égalité et de justice en toutes choses, qu’on aurait pu soupçonner à première vue. Il en est de même dans notre sport. On brûle maintenant ce qu’on a adoré et plus tard on adorera ce qu’on a brûlé.
Le motif? Il apparaît si clairement: « La nature réclame toujours ses droits », pour peu qu’on piétine son domaine ou qu’on s’écarte de trop de ses lois, elle apparaît pour paralyser le travail des hommes et se faire payer la rançon en compensation de ce qu’on a voulu lui arracher. On peut dire ce qu’on voudra, mais il en est ainsi du duel qui se joue actuellement entre les joueurs du veuvage et ceux du naturel: les deux parties auront leur droit à tour de rôle. C’est pour ce motif qu’il y a de l’injustice dans l’exclusion des veuvagistes dans certaines contrées et que finalement on sera forcé d’en revenir à la liberté complète pour l’amateur du choix de sa méthode de jeu. Viendra-t-il un temps, ou bien y nous sommes déjà, que pour bien se défendre, il faille jouer uniquement avec des veufs ?
Je suis sûr que non, et cela pour le motif, qu’en général, les bons joueurs du naturel sont plus fins amateurs que les veuvagistes, qui, tout compte fait, ne savent jamais compter sur un pigeon avec la même assurance (1). Comment expliquer sinon que ce sont si souvent les derniers marqués qui arrivent en tête, tandis que les premiers désignés ratent? La nature a ses secrets et réclame ses droits.
Comment expliquer que les Wallons, et principalement les veuvagistes, viennent puiser de jeunes forces aux colombiers flamands? Parce que la nature réclame ses droits et enlève indubitablement une dose d’énergie, au point de vue force de reproduction, aux pigeons qui furent joués au veuvage. Comment se fait-il qu’on retrouve si souvent les pauvres femelles des
veufs dans un si piteux état après la saison? Parce que la nature réclame ses droits et qu’on ne s’écarte pas impunément de ses lois. Et encore, ne sont-ils pas nombreux, les veuvagistes qui durant deux ans empochent l’argent des amateurs et qui le reperdent par après?
La raison: ils jouaient, mais n’élevaient pas. Il est une vérité qu’il est difficile d’élever chaque année une paire d’extras, même si on élève tout l’été durant. Certains veuvagistes élevaient pourtant, mais comme ils ne jouaient jamais les femelles et que par conséquent ils en ignoraient la valeur sportive, ils gardaient toujours les plus belles, les croyant les meilleures, ce qui n’est souvent pas vrai.
Nos lecteurs se souviennent peut être encore de ce que Charles Bremdonckx disait si spirituellement un jour: « Qu’un beau pigeon est tout aussi dangereux qu’une belle femme », en d’autres termes: l’apparence est trompeuse et beaucoup de veuvagistes virent décliner leur race parce qu’ils ne surent élever quelque chose de bon avec toutes leurs belles femelles (2).
D’autres encore dirent adieu au veuvage, parce qu’ils y perdirent leurs meilleurs pigeons, ce qui prouve que le veuvage n’est pas toujours si facile et que toutes les races ne s’y prêtent pas (3).
Nous parlions ci-dessus, chers’ lecteurs, des désavantages du veuvage. Qu’on ne les perde pas trop vite de vue et qu’on y regarde à deux fois avant d’adopter cette méthode, à moins d’être convaincu d’avoir les capacités et les connaissances requises pour mener à bien la conduite de son colombier et le choix de ses reproducteurs. Pas qu’autrement on ne puisse pas réussir, mais en tous cas les succès seraient de courte durée. Il est indéniable que les esprits des amateurs ont été quelque peu énervés et déroutés par la nouvelle méthode et la première réaction est: qu’on exclue les veuvagistes ! Et pour appuyer cette prétention on cite les résultats extraordinaires remportés par l’un ou l’autre veuf, alors qu’on oublie d’ajouter que ces mêmes amateurs possèdent des pigeons champions et que beaucoup d’autres veuvagistes échouent lamentablement. On se base encore sur d’autres soi-disant motifs pour exclure ces amateurs, sous prétexte que le veuvage ne peut être joué que par un petit nombre parce qu’il faut disposer d’un colombier spécial et de beaucoup de temps. Nous parlerons plus tard du premier motif invoqué. Pour ce qui concerne le deuxième motif, j’y réponds: Le veuvage demande moins de temps que le jeu au naturel, car si on ne veut rien laisser au hasard et remporter de brillants résultats au naturel, je puis dire qu’il faut aussi y consacrer son temps et plus encore qu’au veuvage. Et puis, les soins à donner aux veufs peuvent être plus facilement confiés à la femme, puisqu’il n’y a pour ainsi dire pas de nettoyage et que tous les veufs sont soignés de la même façon, ce qui n’est pas le cas quand on a des pigeons qui couvent et que d’autres élèvent des jeunes etc. On exagère aussi quand on prétend qu’on doit disposer d’un pigeonnier spécial, comme s’il était indispensable qu’il soit grand et cher. Sur cent colombiers il y en a au moins cinquante de mauvais et ce sont encore souvent les plus chers. Tout comme au naturel, le facteur important est d’avoir un pigeonnier sain, qu’il soit luxueux ou pas, peu importe. Je pense aussi que quiconque voudrait jouer au veuvage le pourrait sans grands frais et sans y investir beaucoup de temps. Ce qui est capital et qui le restera, c’est qu’il faut y mettre de bons pigeons. C’est très exceptionnellement qu’on verra un pigeon faire des prodiges au veuvage, alors qu’au naturel il ne donnait aucun rendement (4). Nous en avons fait personnellement l’expérience. Nous avons mis huit pigeons au veuvage, dont quatre champions et quatre moyens, qui tous avaient voyagé l’année passée au naturel. Les quatre meilleurs sont restés les quatre meilleurs, tandis que les quatre autres n’ont pas des meilleurs résultats avec cette nouvelle méthode. Nous ne pouvons pourtant pas nier certains avantages dont bénéficient les veufs, notamment qu’ils peuvent être engagés plus souvent, qu’ils ont une rentrée plus rapide et qu’on les tient plus facilement dans un état de santé remarquable. C’est ce qui me porte à recommander le veuvage aux amateurs qui voient leurs pigeons s’affaiblir par l’élevage ou garder difficilement la forme.
Au cours de l’hiver je vous entretiendrai plus longuement des détails techniques du veuvage.
Maintenant, j’ai tout particulièrement voulu montrer à mes lecteurs par cet aperçu général sur notre sport actuel par rapport au veuvage, combien il est illogique dans la plupart des cas d’exclure tout bonnement les veuvagistes, car on voit bien les roses, mais on n’aperçoit pas les épines!
Noël De Scheemaecker
Notices
1. Noël De Scheemaecker peut prétendre que le jeu à nid ne disparaîtra jamais. En grand fond, les femelles à nid sont même l’arme secrète de nombreux champions.
2. Que ce soit à nid ou au veuvage, le jeu des femelles offre l’avantage de pouvoir tester sérieusement leurs capacités dans la course. On peut aussi alors accoupler un bon mâle à une bonne femelle, plutôt qu’à une belle.
3. Ici la conclusion de Noël De Scheemaecker n’est pas parfaite, même si de nombreux amateurs prétendent toujours que certains pigeons volent mieux à nid qu’au veuvage.
4. Noël De Scheemaecker a bien raison de prétendre qu’un bon colombier ne doit pas être luxueux. Aussi lorsqu’il avance que n’importe qui, petit ou grand, peut jouer au veuvage avec succès. Et enfin lorsqu’il dit que le pigeon moyen ne devient pas un bon lorsqu’il est joué au veuvage.
[ Source: Article édité par M. Noël De Scheemaecker – Revue PIGEON RIT ]
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Le veuvage total – pigeon voyageur