Vitesse de vol d’un pigeon
Lorsqu’il y a une quinzaine d’années, j’ai osé écrire que dans un même concours tous les pigeons volaient à la même vitesse, mon affirmation a été accueillie avec sarcasme et scepticisme. Depuis, je dois admettre que la mentalité des colombophiles a évolué et que de plus en plus d’amateurs sont convaincus que les pigeons remportant les premiers prix sont les pigeons qui trouvent le plus court trajet pour rejoindre leur colombier et non ceux qui volent le plus vite. Je ne cesserai de répéter que les compétitions colombophiles ne sont pas des épreuves de vitesse, mais uniquement des épreuves d’orientation. La notion de vitesse devrait être éliminée du langage colombophile.
J’ai fait des propositions de classement au temps et non à la vitesse, malheureusement sans succès jusqu’à présent. Autre affirmation qui m’a valu pas mal de contestation: les pigeons modernes ne volent pas plus vite que leurs ancêtres d’il y a soixante ou septante ans tout au moins pour des conditions climatiques identiques. Alors que tous les records humains sont faits pour être battus aussi bien en athlétisme qu’en natation. Je ne parlerai pas de cyclisme où le matériel et l’état des routes jouent un rôle primordial; il n’en est rien en colombophilie. Malgré le veuvage, les méthodes modernes d’entraînement et même l’assistance de plus en plus importante de vétérinaires et d’usage de produits pharmaceutiques, les vitesses des vainqueurs des compétitions colombophiles ne varient pratiquement pas.
J’ai une documentation très complète du concours de Barcelone depuis la première organisation en 1924 jusqu’à nos jours. Le vainqueur en 1924 – un pigeon d’Arlon – était crédité d’une vitesse de 906,6 m./minute. Et le vainqueur de l’édition 1990 -pigeon allemand issu du colombier le plus sophistiqué au monde – est crédité de 952 m./minute. En septante ans, la vitesse du vainqueur a 3 fois dépassé les 1100 m./minute et 6 fois la vitesse de 1.000 m./minute, la première fois en 1927.
Toutes les autres éditions ont été remportées à des vitesses variant entre 800 et 985 m./minute. Nous pouvons donc conclure que malgré tous les perfectionnements techniques apportés tant à l’installation des pigeonniers qu’à la préparation des pigeons aux compétitions, la vitesse moyenne des vainqueurs des compétitions reste identique. D’ailleurs lorsque j’ai affirmé que tous les pigeons d’un même concours volaient à la même vitesse, j’ai accompagné mon affirmation d’une question: « Pourquoi un pigeon volerait-il plus vite qu’un autre? »
Je n’ai jamais obtenu de réponse satisfaisante à cette question.
Le pigeon libéré sait-il qu’il participe à une compétition? Bien sûr que non? Le pigeon libéré sait-il le nombre de kilomètres qu’il a à parcourir? Bien sûr que non? La seule réponse qu’on m’ait fourni c’est la motivation du pigeon. La motivation est certainement un beau mot. Mais qu’est-ce que cela signifie et qu’est-ce que cela cache? A la base d’une motivation il est indispensable qu’il y ait un raisonnement. Un animal, quel qu’il soit, est-il capable de raisonner?
J’en doute fort. On peut dresser un animal. Mais le dressage est dépourvu de raisonnement. La base du dressage ce sont les réflexes conditionnés qu’on apprend à l’animal c’est-à-dire qu’on lui apprend à répondre de manière identique à une même excitation. Sans raisonnement, pas de motivation. Mais ce que l’on peut faire varier chez un pigeon c’est sa sensibilité. Un pigeon en forme est un pigeon dont la sensibilité est portée au maximum. Et c’est cette sensibilité maximum qui lui permettra de trouver le plus court chemin pour rejoindre son pigeonnier. Je considérerai toujours le pigeon voyageur comme un animal téléguidé en communication avec son pigeonnier. Au plus sa sensibilité sera grande au plus facile sera cette communication et au plus facile sera son retour. Ce ne sera pas sa vitesse de vol qui augmentera, mais bien le nombre de kilomètres, volés inutilement, qui diminuera. Et cependant, nous constatons un déroulement de plus en plus rapide des concours, même les concours de grand fond. L’explication est simple, mais n’a absolument rien à voir avec la vitesse de vol des pigeons. Si en 1924, le concours de Barcelone a réuni 2.556 pigeons cela représentait 639 prix. Or sur les 2.556 participants une cinquantaine, peut être, étaient capables de réaliser une vitesse de 800 à 900 M./minute. Ils remportaient les 50 premiers prix, mais il fallait attendre plusieurs jours pour que soient enlevés les 589 prix restants. En 1990, par contre, 28.167 participants, soit 7.029 prix. Mais sur les 28.167 engagés 15.000, peut-être, étaient capables de réaliser 800 à 900 m./minute. Cela signifie que 8.000 pigeons qui étaient en bonne condition n’ont pas été classés et que le concours s’est terminé en moins de 2 jours. Aucune méthode de jeu, aucun produit pharmaceutique, dopant ou non dopant, aucun vétérinaire ne pourra faire voler un pigeon plus vite. Améliorer la condition d’un pigeon, augmenter sa sensibilité est très possible. Augmenter la vitesse de vol d’un pigeon est impossible.
Dr. G. De Paduwa
Notice:
Georges De Paduwa a raison lorsqu’il dit que les compétitions colombophiles ne sont pas des épreuves de vitesse, mais des épreuves d’orientation. Ce qui importe dans un concours, c’est que le pigeon vole du lieu de lâcher vers son colombier par le chemin le plus court. Ceci ne dépend pas de sa force physique ou de sa vitesse de vol, mais de sa capacité de navigateur et cela se passe dans la tête. La vitesse de vol d’un pigeon en forme en 1945 est d’après De Paduwa la même que celle d’un pigeon en forme aujourd’hui, un demi-siècle plus tard. Ce qui fait la grande différence, c’est qu’il y a aujourd’hui beaucoup plus de pigeons en très bonne condition qui participent aux concours et qui savent donc plus longtemps voler à la même vitesse qu’il y a cinquante ans. La concurrence est aussi devenue beaucoup plus grande aujourd’hui et de ce fait même la sélection aussi. C’est cela qui a changé mais pas la vitesse de vol proprement dite.
[ Source: Article édité par Dr. Georges De Paduwa – Revue PIGEON RIT ]
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